“Dis pardon” : inefficace pour apprendre aux enfants à faire preuve d’empathie et réparer la relation
Nous sommes nombreux à dire aux enfants qui font mal aux autres : “Dis pardon” (ou sous forme de question : “Qu’est-ce qu’on dit ?”). Nous sommes souvent bien attentionnés quand nous prononçons ce type de paroles : nous pensons transmettre aux enfants les valeurs d’empathie, de respect et de politesse.
Pourtant, cette approche n’apporte pas les bienfaits qu’on voudrait lui prêter. Les enfants vont avoir tendance à associer le mot “pardon” à une espèce de mot magique qui les libère de toute obligation morale : ils peuvent bien faire du mal aux autres, ne pas les respecter, leur passer devant, leur abîmer leurs affaires… il leur suffira de demander pardon après. Par ailleurs, simplement dire le mot pardon n’engage pas la réflexion sur la manière dont les autres sont affectés, sur ce qui serait utile pour réparer (la relation, les affaires…) et sur la manière de faire preuve de responsabilité individuelle (encore moins sur la manière de faire différemment la prochaine fois).
Nous, humains, sommes câblés à la naissance pour entrer en résonance avec l’autre et prédisposés à agir de manière juste et éthique, ce qui nous permet de vivre ensemble dans une certaine harmonie. Les adultes n’ont donc pas à créer de l’empathie, du sens moral ou de l’altruisme chez les enfants mais plutôt à soutenir le développement de ces qualités morales et sociales.
Le fait de réellement se sentir désolé au point de vouloir réconforter l’autre ou de lui porter assistance passe donc par la reconnaissance de la nature empathique et coopérative des enfants et par des comportements de la part des adultes qui, au delà des simples ordres et conventions sociales, portent et nourrissent l’empathie des enfants. Le sens du mot “pardon” est construit en actes, pas en simple parole; et doit venir d’un cheminement intérieur, pas imposé de l’extérieur. Sinon, il est vidé de son sens et devient un mot “magique” qui permet de s’en sortir à bon compte.
Les enfants étant de grands imitateurs, il est possible qu’ils aient appris à ne pas faire preuve d’empathie (à travers la manière dont ils sont éduqués à la maison, à travers des exemples d’adultes ou d’autres enfants à l’école, à travers des exemples vus à la télé…). De plus, le stress peut les éloigner de leur nature empathique (le fait de ne pas pouvoir se dépenser physiquement, le fait d’être soumis à de trop grandes stimulations visuelles et/ou auditives, le fait de ne jamais avoir l’occasion d’avoir des comportements altruistes comme la responsabilité d’un animal de compagnie…).
Parfois aussi, les enfants ne prennent pas en compte les autres parce qu’ils ont peur des conséquences (les punitions reçues auparavant ayant conduit l’enfant à penser qu’il vaut mieux se cacher, mentir ou accuser quelqu’un d’autre que de prendre la responsabilité de ses actes).
- Faire entre les enfants en contact visuel
Il peut arriver qu’un enfant à l’origine d’un incident parte loin (par peur de se faire gronder, par honte, par tristesse, par incompréhension de ce qui s’est passé…). Si cela arrive, il est possible de demander à l’enfant de revenir (“On a besoin de toi ici. A. a mal/ pleure. C’est vrai que tu n’as pas fait exprès de lui faire mal.”
Si l’enfant n’a pas envie de revenir, il est possible d’avoir recours à l’écoute active et empathique en reflétant les émotions de l’enfant à l’origine de l’incident : “Tu n’as pas envie de revenir parce que tu as peur que je te gronde/ Tu n’a pas fait exprès de lui faire mal et tu te sens coupable”.
- Décrire ce qui s’est passé et ce que ressent l’enfant blessé (physiquement et/ou moralement)
Même que ce qui s’est passé semble évident, l’adulte peut le décrire pour donner à voir et à entendre aux enfants les enchaînements des faits et leurs conséquences : “Tu jouais avec le camion à roulette. Tu t’amusais et S. était sur ton passage. Tu allais tellement vite que tu ne l’as pas vue et tu lui as foncé dedans. Elle a mal à la jambe maintenant”; “Tu voulais monter sur le toboggan et J. avait déjà mis sa main sur l’échelle. Tu étais tellement impatient que tu lui as marché sur le doigt. Elle pleure parce qu’elle a mal.”; “Tu voulais attraper le pinceau et tu as renversé le pot de peinture sur la feuille de B. Il est déçu parce que son dessin est gâché.”.
- Donner de l’empathie à l’enfant blessé (sans accuser ni juger l’autre enfant)
Afin de monter aux enfants comment réagir face à un enfant blessé, nous pouvons montrer quels mots et quelle posture adopter : “Est-ce que ça va ?”/ “Tu as mal à la jambe ?”/ “On dirait que tu as besoin d’un pansement.”/ “J’ai l’impression qu’un câlin te ferait du bien”.
Quand les enfants sont témoins de ce type de comportement de notre part, ils seront capables de les reproduire.
- Donner des responsabilités à l’enfant à l’origine de l’incident
Il est tout à fait possible de demander aux enfants à l’origine de l’incident d’aller chercher un pansement, d’aller remplir une bouteille d’eau, de maintenir une compresse ou encore d’aider à ranger.
Ces actions comblent les besoins d’utilité et d’appartenance (“on a besoin de toi”) de l’enfant sans qu’il se sente jugé, accusé, pris en faute.
- Trouver des solutions
Les enfants, à partir de 5/6 ans, sont capables de trouver des solutions pour les prochaines fois. Il est possible de leur demander : “Comment vas-tu faire la prochaine fois ?”, “Que peux-tu faire la prochaine fois pour que cela se passe mieux ?”.
Il est aussi possible demander aux enfants de reformuler des suggestions, formulées par d’autres enfants ou par l’adulte.
Lire aussi : 25 questions à poser aux enfants pour développer leurs compétences sociales et relationnelles
- Être soi-même un bon modèle à imiter (savoir s’excuser même auprès des enfants)
Quand nous reconnaissons nos torts et que nous excusons (auprès des enfants mais aussi auprès des autres adultes), nous donnons un bon modèle à imiter.
S’excuser auprès d’un enfant a plusieurs vertus d’un point de vue éducatif :
- réparer les blessures émotionnelles causées aux enfants
- montrer à quoi ressemble une relation de confiance où chacun peut montrer sa vulnérabilité sans être moqué ou puni
- ouvrir la voie à la réparation (matérielle et/ou morale)
Compléter ces excuses par des solutions et des engagements est encore plus puissant (“je vais faire ci ou ça pour que ça ne se reproduise plus/ je m’engage à…”).
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Pour aller plus loin :
Comment développer le sens de la responsabilité individuelle chez les enfants ?
Avec les plus grands, le recours aux cercles restauratifs peut être efficace (je l’ai pratiqué avec ma fille et deux de ses amies qui s’étaient disputées et les bienfaits ont été visibles à long terme grâce aux émotions exprimées et aux solutions trouvées) : Mettre en place des Cercles Restauratifs à l’école : un outil de non violence et de régulation des conflits