L’éducation bienveillante, c’est aussi questionner la grossesse et l’accouchement (naissance respectée et accouchement physiologique)

éducation bienveillante grossesse accouchement

Les conditions d’un accouchement  physiologique

L’accouchement d’une femme à l’hôpital pourrait rendre son travail plus long et plus difficile car l’environnement de l’hôpital n’est pas adapté aux besoins essentiels des femmes qui accouchent.

Pour que l’accouchement se déroule de manière optimale, les conditions qui entourent la mère doivent favoriser l’apparition de l’ocytocine (aussi appelée hormone de l’amour). Or cette hormone est “timide” (expression de Ruth Ehrhardt, sage-femme traditionelle sud-africaine) et est sécrétée lors de l’accouchement seulement si la mère se sent en sécurité.

La mère se sent en sécurité quand ses besoins sont satisfaits :

  • intimité,
  • pénombre ou lumière tamisée,
  • chaleur,
  • silence,
  • laisser le cerveau en pause (ne pas stimuler le néocortex, le cerveau qui réfléchit).

Michel Odent, obstétricien, a écrit de nombreux ouvrages pour souligner les conditions d’un accouchement physiologique et respecté (sans assistance médicale ni péridurale). Il estime que la condition idéale est celle où la mère est seule dans une petite pièce sombre, chaude, silencieuse et qu’elle connaît déjà. Seule une sage-femme expérimentée est présente et s’occupe en silence de manière à diminuer son taux d’adrénaline (par exemple en tricotant). L’idée est que cette sage-femme soit la plus calme possible pour ne pas stresser la jeune mère par effet de contagion émotionnelle. Or cela nécessite de l’expérience et de la confiance dans le corps des femmes.

Dans les hôpitaux, les besoins des femmes qui accouchent sont souvent malmenés à cause des lumières fortes, des bruits (horloge, monitoring, bips des machines…), des conversations, des questions posées à la mère, des entraves à ses mouvements, des papiers à signer, des interactions avec des étrangers (qui bafouent parfois le consentement), des chambres froides et stériles ou encore à cause du manque d’intimité.

De ce fait, les femmes peuvent s’attendre à un travail plus long et plus difficile (et plus dangereux). Quand l’ocytocine n’est pas sécrétée naturellement par les femmes qui accouchent, les médecins en injectent de synthèse pour déclencher le travail. Les mêmes donc qui créent les problèmes cherchent à les résoudre avec des techniques artificielles plutôt que raisonner en termes d’environnement et de besoins.

La cascades des actes : questionner la médicalisation de l’accouchement

Dans leur livre L’accouchement est politique (éditions L’Instant Présent), Laëtitia Négrié et Béatrice Cascales écrivent que ce qu’il faut comprendre c’est que chacun des actes médicaux liés à l’accouchement (telles qu’injection d’ocytocine synthétique, péridurale, pose d’une perfusion ou d’un monitoring, épisiotomie) ne doit être posé que lorsqu’un signe clinique ou une pathologie sont avérés. Quand ce n’est pas le cas et qu’ils sont appliqués de manière standardisés (à toutes les femmes enceintes par peur anticipée du risque de complication), ils provoquent ce qu’ils sont sensés éviter. Chaque acte en appelle un autre pour conter les effets du premier. C’est ce qu’on appelle la cascade des actes.

Laëtitia Négrié et Béatrice Cascales décrivent la cascade des actes la plus courante en ce qui concerne l’accouchement : la femme enceinte est placée en position allongée sur le dos (position anti physiologique par excellence !), on lui pose une perfusion et un monitoring. On effectue un toucher vaginal. On cherche à confirmer la mise en travail par déclenchement, on peut alors percer la poche des eaux, et ce parfois très tôt pendant le travail. La plupart des femmes en travail ressentent alors les contractions comme étant plus douloureuses, et la poche des eaux étant percée, le foetus n’est plus protégé des infections. Il faut donc continuer le processus d’accélération. On peut soit poser une péridurale, soit injecter de l’ocytocine de synthèse. Si l’on commence par l’un, l’autre va venir très vite indispensable. Ces actes entravent le processus physiologique de la naissance, empêchent les femmes en travail de se mouvoir et d’adopter des positions confortables. Ils inhibent les sécrétions hormonales qui font avancer le travail et supporter les douleurs et peuvent générer une détresse foetale.

La cascade se poursuit, il faut absolument “faire sortir cet enfant” : s’il n’y pas de détresse trop importante, on peut continuer à injecter de l’ocytocine de synthèse pour arriver à la dilatation complète et donc augmenter les doses de péridurale. Au moment de l’expulsion, si le foetus supporte les effets des injections, on va demander à la femme de pousser, chose rendue difficile voire impossible par les doses de péridurale. On aura alors recours aux forceps, à la ventouse, à l’épisiotomie, et si l’enfant est en détresse, on aura recours à la césarienne.

Ainsi, de nombreuses femmes ne savent pas qu’en réalité elles ont eu une épisiotomie des suites de la position allongée imposée ou de la péridurale, ou qu’elles ont subi une césarienne parce que leur accouchement a été dès le départ trop médicalisé.

Permettre au plus grand nombre de faire des choix éclairés et en conscience au sujet de l’accouchement

Le recours médical est utile seulement dans des cas précis et n’a pas à devenir la norme

Les accouchements physiologiques sont de plus en plus possibles à l’hôpital et de nombreuses sages-femmes et doulas peuvent accompagner un projet de naissance respecté (à l’hôpital, à domicile ou dans des maisons de naissance).

L’idée n’est pas de culpabiliser les femmes qui accouchent à l’hôpital ou celles qui optent pour une péridurale mais de permettre au plus grand nombre de faire des choix éclairés et en conscience.

L’objectif n’est pas non plus de dénigrer les progrès de la médecine (j’ai moi-même accouché prématurément de ma fille et je suis reconnaissante des progrès réalisés en néo-natalité pour le soins des enfants prématurés). Bien qu’il existe des cas où des complications se présentent et que la présence  du personnel médical à proximité soit plus que précieuse, ce recours médical ne devrait être réservé qu’à ces cas très précis et non pas imposé comme la norme indiscutable au nom de la vie de la mère et du bébé.

On peut légitimement regretter que les représentations sociales qui circulent autour de la grossesse et de l’accouchement soient liées à l’hypermédicalisation et à des peurs en rapport avec le manque de confiance dans le corps des femmes. Ces représentations rendent invisible l’atteinte à la liberté de choix et au droit à disposer de son corps pendant la grossesse et l’accouchement car il devient presque impossible d’identifier la source des problèmes lors des accouchements médicalisés.

Ces représentations empreintes de peur (certes louables au départ pour réduire les risques pour les femmes et les bébés) freinent la médiatisation des informations éclairées sur l‘accouchement physiologique.

Des ressources autour de la naissance respectée et de l’accouchement physiologique

Je vous propose quelques références si vous souhaitez approfondir ces sujets autour de la naissance respectée et de l’accouchement physiologique :

  • les travaux de Michel Odent aux éditions L’Instant Présent

le-bebe-est-un-mammifere naissance odent

  • le petit livre de Ruth Ehrhardt qui synthétise les travaux de Michel Odent (dont il est le préfacier) – auto édition

besoins essentiels femmes qui accouchent

  • un guide de grossesse et de naissance rédigé par des doulas (en précommande, sortie en octobre aux éditions Le Hêtre Myriadis)

guide naissance doulas-a-parents

  • le livre féministe et engagé de Laëtitia Négrié et Béatrice Cascales (éditions L’Instant Présent)

l-accouchement-est-politique