FAQ : mon enfant de de 3,5 ans hurle et fait des crises de colère à la moindre contrariété et je suis un parent démuni

Mon enfant de de 3,5 ans hurle et fait des crises de colère à la moindre contrariété et je suis un parent démuni

Dans le cadre de la sortie de mon essai “La co-éducation émotionnelle : s’élever en même temps qu’on élève les enfants” aux éditions Hatier, j’ai eu le plaisir de répondre à des questions fréquentes de parents.

Je vous propose de découvrir quelques éléments de réponse que j’ai apportés à une mère qui témoignait de ses difficultés face à son fils de 3,5 ans qui hurle et fait des crises de colère (qu’elle qualifie de “caprices”) à la moindre contrariété (comme quand les parents demandent à l’enfant d’enlever sa tétine avant de parler). Les parents se rendent compte qu’ils crient et s’énervent et se trouvent bien démunis.

 

Je développe dans mon livre l’idée selon laquelle chercher à faire autrement avant de penser autrement est voué à l’échec. Vouloir plaquer des outils ou astuces de parentalité bienveillante sur des situations sans chercher les causes et motivations des comportements au-delà des symptômes ne va pas nous rendre les relations familiales plus belles. Je pars du principe que les conseils de “choses à faire” ou “phrases à dire” de la parentalité positive tombent à plat quand on ne se place pas dans une démarche de co-éducation où les parents ont beaucoup à apprendre des enfants. La co-éducation émotionnelle, c’est apprendre à raisonner en termes de :

1. Vraie nature des émotions

2. Besoins humains fondamentaux

3. Attachement

4. Empathie

5. Auto-empathie

6. Histoire personnelle

7. Stades de développement (moteur, émotionnel et cognitif)

8. Aménagement de l’environnement

9. Enseignement de compétences

10. Droit à l’erreur

 

A partir de ces points-clés, je tiens à préciser que les caprices n’existent pas. La frustration est normale et saine chez les enfants, même si elle pose de gros défis aux parents. Quand on parle de “caprice”, cela signifie que l’enfant est traversé par une émotion puissante de colère et de tristesse face à une situation où il ne peut pas obtenir ce qu’il veut. L’émotion de colère va précisément alimenter le changement, s’inscrivant dans un processus de transformation de soi face à ce qui ne peut pas être changé. L’enfant se met en colère pour retrouver son équilibre émotionnel, pour passer de la frustration à l’acceptation. Cela prend un certain temps (rarement plus de quelques minutes sauf si les adultes autour essaient de raisonner ou contredire l’enfant qui va escalader dans la crise).

Raisonner en termes de besoins, d’attachement et de développement des enfants ne signifie pas forcément accéder à la demande de l’enfant mais être prêt à recevoir la décharge émotionnelle que vit l’enfant suite à un refus ou une demande à laquelle il ne veut pas accéder. L’enfant doit être autorisé à éprouver cette colère réparatrice et à pleurer (les pleurs signalant que la colère est en train de s’apaiser). Le temps est notre allié  et nous n’avons rien d’autre à faire que d’accompagner le mouvement émotionnel de l’enfant (avec des mots qui valident l’émotion ou même dans un silence empathique et patient).

Par ailleurs, prendre en compte les stades de développement des enfants permet de mieux les comprendre et les accompagner. Avant 7 ans (et même plus pour les enfants les plus sensibles), le cerveau des enfants n’est pas assez développé pour maîtriser les décharges émotionnelles et la colère est comme un raz-de-marée qui emporte tout sur son passage. Avoir conscience que le cerveau des jeunes enfants est immature, fragile et malléable permet de ne pas prendre les crises des enfants comme des affronts personnels, des tentatives de manipulation ou encore une preuve d’éducation laxiste. Il s’agit de ne pas rejoindre les enfants dans leur chaos mais de réussir à partager notre calme.

Enfin, raisonner en termes d’histoire personnelle nous permet de nous demander ce qui est touché en nous quand notre enfant se met en colère : pourquoi est-ce que cela nous met dans cet état alors que tous les enfants de cet âge font des crises émotionnelles et que cela est parfaitement normal, que cela passera avec le temps ? Il est impossible (ou presque) de cheminer vers une éducation bientraitante sans travail sur la mémoire traumatique et sur nos modèles internes de pensées et de croyances. Il existe des peurs qui nous empêchent d’être les parents bienveillants que nous aimerions être :

  • la peur de l’incompétence, la peur d’être jugé comme des mauvais parents (trop laxistes notamment) au risque de sacrifier la qualité de la relation avec l’enfant au regard des voisins,
  • la peur pour la sécurité de l’enfant (et qui peut évidemment s’entendre mais cette peur est-elle appropriée ou disproportionnée ? l’expression de cette peur doit-elle nécessairement passer par des menaces ou des cris ?),
  • la peur d’un retard de développement de l’enfant (et c’est peut-être le cas pour un enfant de 3,5 ans qui a encore la tétine et dont les parents peuvent s’inquiéter d’un retard de langage ou d’une malformation buccale… peut-être qu’en parler avec le pédiatre ou un dentiste pourrait soulager cette peur),
  • la peur que l’enfant soit inadapté socialement, qu’il ne soit pas capable de se conformer aux règles sociales, d’être bisounours dans une société violente (là encore, pouvons-nous questionner ces règles de socialisation : sont-elles adaptées aux besoins émotionnels, physiques et affectifs des enfants ? de cet enfant en particulier ?)

De plus, un des premiers enjeux de la non violence est de pacifier notre rapport au temps (je ne dissocie pas co-éducation émotionnelle et lenteur) : comment pouvons-nous faire en sorte d’être moins pressés et moins stressés au quotidien afin de moins souvent perdre patience ? Sommes-nous capables d’envisager les apprentissages des enfants dans un temps (très) long, de laisser les enfants grandir à leur rythme ? Ces apprentissages dans le temps long nous concernent également en tant que parents : développer notre propre régulation émotionnelle va profiter à l’enfant mais, selon notre histoire et nos conditions de vie (soutien du conjoint, de la famille…), cette “reprogrammation” émotionnelle de notre part peut prendre plus ou moins longtemps.

Une fois qu’on a passé la situation à la moulinette des points clés de la co-éducation émotionnelle, on saisit mieux les tenants et les aboutissants. Il est normal qu’un enfant de 3,5 ans soit submergé par ses colères et nous avons le pouvoir d’accompagner ses émotions. Le mot à conserver en tête est “Oui” :

  • Oui, il est en colère, il en a le droit et je peux le lui refléter (“Tu hurles parce que tu es frustré, tu n’avais vraiment pas envie de… / Tu détestes ça quand je te demande de…”)
  • Oui, je suis capable de l’accompagner sans exploser moi-même et oui, je sais que j’ai des ressources à ma disposition si je sens que je perds le contrôle de moi-même (je peux passer la main, aller pleurer aux toilettes ou crier dans un coussin dans la chambre, je peux prendre l’air dehors, je peux boire un verre d’eau fraîche ou me passer les mains sous l’eau tiède…).

Une manière d’aborder les crises quand on se sent coincé est de faire appel à la parentalité ludique. La parentalité ludique s’appuie sur le jeu et le rire entre parent et enfant pour bâtir des ponts plutôt que dresser des murs. Dans ce cas, il serait possible de s’adresser à la tétine sur un ton humoristique en lui demandant de faire le traducteur car on ne comprend rien de ce que l’enfant dit (cela pourrait se faire en commençant la phrase par “Mme Tétine, nous avons un énorme problème, que dis-je, un gigantesque problème ! Nous ne comprenons rien, absolument rien de ce que cet enfant essaie de nous dire.”).

 

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Pour aller plus loin, la lecture de mon livre vous donnera des pistes pour raisonner autrement face aux comportements des enfants qui nous mettent en difficulté (avant de chercher à plaquer des astuces et conseils au risque de constater que “l’éducation positive, ça ne marche pas”). Il est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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