La validation des émotions des enfants est une compétence éducative utile en cas de difficulté.
D’abord l’acceptation des émotions difficiles ou douloureuses…
Dans son livre Adapter la thérapie ACT pour les enfants, les adolescents et leurs parents, Mehdi Liratni, docteur en psychologie et formateur « habiletés sociales » auprès d’enfants et adolescents, rappelle qu’il est important de toujours valider l’émotion douloureuse d’un enfant en premier lieu. Dans l’approche de l’ACT, l’acceptation est la validation des ressentis, c’est-à-dire, la reconnaissance du vécu émotionnel intérieur de l’enfant ou l’adolescent, et surtout la validation de la douleur que cela provoque en lui.
La thérapie ACT vise davantage de flexibilité psychologique et ses principes peuvent être adaptés dans les relations éducatives (parents/ enfants ou enseignants/ élèves par exemple) en dehors d’un pur contexte de thérapie. La flexibilité psychologique est travaillée à partir de 4 compétences :
1/ tolérer la présence d’un inconfort émotionnel : c’est l’acceptation;
2/détourner volontairement l’attention de la petite voix intérieure (les pensées);
3/ ne pas systématiquement croire ce que la petite voix raconte et ne pas agir en fonction d’elle quand cela provoque des comportements inappropriés;
4/ afin d’agir en direction des choses qui sont importantes pour nous : c’est l’engagement.
… puis la mise en perspective des pensées associées
L’acceptation cible plus précisément les émotions, tandis que les pensées douloureuses sont appréhendées par un processus appelée la défusion.
L’acceptation, c’est la capacité à s’ouvrir, à aller à la rencontre de ses émotions douloureuses, à avoir la curiosité de les explorer et à tolérer leur présence. Cette compétence s’entraîne, notamment en démarrant par côtoyer de légers inconforts jusqu’à parvenir à accueillir des vécus plus difficiles. La défusion cognitive est aussi une capacité d’ouverture mais surtout de prise de recul avec les pensées. C’est une capacité à observer, sans jugement, son langage intérieur et à interroger l’utilité d’y rester « scotché » ou non. – Mehdi Liratni
Mehdi Liratni définit la défusion comme une stratégie consistant à prendre de la distance avec ses pensées douloureuses, à se « décoller » d’elles sans les juger et sans les évaluer en termes de mal/bien, de vrai/faux. La fusion cognitive est un concept de la théorie des cadres relationnels : cette fusion est utile pour pour apprendre des choses tout au long de notre vie humaine (notamment lors de notre développement langagier et intellectuel). Mais elle peut se retourner contre nous car l’apprentissage associatif entre un événement douloureux/traumatique et des pensées créent des traces dans le cerveau presque ineffaçables.
La fusion cognitive serait donc inhérente à la nature humaine : en effet, notre capacité à mettre des mots et des pensées (représentations) sur les objets, les événements et les émotions est à la fois un outil fabuleux pour construire notre rapport au monde de manière suffisamment cohérente et sécure, notamment au début de notre développement. Mais cet outil est aussi notre pire cauchemar dans certaines situations ! – Mehdi Liratni
Apprendre aux enfants à vivre avec des pensées difficiles
En s’inspirant de la thérapie ACT, on peut apprendre aux enfants et aux adolescents à vivre avec des pensées difficiles et douloureuses. Mehdi Liratni propose quelques pistes pour aborder la défusion cognitive auprès des enfants et adolescents. Nommer et détailler des pensées nécessite un niveau de langage suffisamment représentatif et développé, si bien que ces techniques peuvent être proposées à des enfants de 4 ans et plus, pas chez les plus jeunes.
1.Verbaliser les phrases-pensées
Les phrases-pensées sont les phrases que l’enfant dit (ou se dit) face à une situation qui engendre en lui des émotions douloureuses. Cela peut passer par des phrases comme “C’est trop injuste”, “Je suis bête”, “Elle est méchante, c’est elle qui a commencé” ou encore “La mouche va m’attaquer”.
Si l’enfant a du mal à verbaliser ses pensées, il est possible de l’encourager avec des questions ouvertes (“Qu’est-ce qui te fait si peur ?”), fermées (“Est-ce que tu as peur que la mouche te pique ?“) ou bien avec des hypothèses qu’il confirmera (“J’ai l’impression que la mouche te fait peur et que tu penses qu’elle va te piquer. C’est ça ?”). Cette étape vient toujours en second temps : après la validation de l’émotion.
Ensuite, nous pouvons dire « Oh ! je vois que ta tête te RACONTE cette histoire que “c’est injuste”, que “tu es bête”… C’est bien ça que RACONTE ta tête ? » Quand on affirme que c’est la tête qui raconte des histoires, l’enfant peut décaler sa pensée, et faire un pas de côté. En parallèle, nous validons la douleur associée à cette pensée : « ça doit être difficile/triste/énervant que ta tête raconte cette histoire, je comprends. »
2. Recourir à l’humour
Quand on a recours à l’humour, il est nécessaire de faire attention à ne pas humilier l’enfant ou lui donner l’impression qu’on se moque de lui : le contexte et la personnalité de l’enfant sont à bien évaluer et prendre en compte.
Mehdi Liratni conseille de dire, avec une attitude compatissante et complice : « Oh, tu as vu ! Cette coquine de tête t’a encore raconté cette même histoire ! Elle est vraiment coquine ta tête ! » L’idée est de permettre à l’enfant de percevoir ses pensées avec humour, recul et bienveillance, sans jugement. Les pensées ne sont donc pas vues comme mauvaises/bonnes, justes/fausses mais seulement comme des pensées que tout le monde a à un moment ou un autre. L’idée n’est pas de se débarrasser de la pensée ni de sa charge émotionnelle, même si elle paraît désagréable, mais d’essayer de la visualiser un peu autrement.
Il est possible de renforcer la défusion cognitive en engageant l’imagination de l’enfant : « Oh la la, ça doit être difficile (validation de l’émotion) que ta tête te raconte (défusion cognitive) que… Je comprends, ça doit être super dur de vivre ça ! Tu as vu un peu cette coquine de tête ce qu’elle dit ? Quand elle te parle, elle le dit avec une voix moqueuse de sorcière ? une voix méchante de monstre ? une voix triste ? » L’idée est de donner des exemples théâtralisés de la phrase-pensée pour amener l’enfant à sourire, voire à rire à une ou plusieurs propositions théâtralisées. On lui demandera : « Alors, ce serait laquelle de voix ? » Puis, en fonction de sa réponse, on lui suggérera : « Je vois que ça fait te fait encore rire la voix de sorcière. Tu pourrais peut-être y penser la prochaine fois qu’il va y avoir une séparation, imaginer la voix de sorcière qui te fait rire et qui te raconte des histoires avec sa voix rigolote » L’humour et la théâtralisation peuvent créer une prise de perspective entre la pensée douloureuse et l’émotion.
Attention à ne pas proposer ce type d’approche en cas de souffrance très forte ou juste après un événement traumatisant.
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Source : Adapter la thérapie ACT pour les enfants, les adolescents et leurs parents de Mehdi Liratni (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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