Un enfant tire les cheveux de son frère ou de sa soeur : voir l’intention de l’agresseur au-delà du geste violent (et aborder la situation sans punition)

Un enfant tire les cheveux de son frère ou de sa soeur

Crédit illustration : freepik.com

Certains enfants ont pris l’habitude de tirer les cheveux ou de mordre leur petit frère ou leur petite soeur. Souvent, les parents essaient d’arrêter ces comportements en punissant l’enfant qui tape, en le menaçant ou en le mettant au coin. Pourtant, le comportement change rarement (ou alors à un prix élevé : perte d’estime de soi de l’enfant, déplacement du mal-être sur d’autres actes…).

Dans son livre Le Parent chef de meute – L’autorité aujourd’hui au regard de l’Histoire, Jesper Juul prend l’exemple d’un garçon de trois ans qui tirait les cheveux de sa petite soeur. Ses parents avaient pris l’habitude d’un “time out” (temps mort) en l’envoyant dans sa chambre pour se calmer et réfléchir. Juul raconte qu’après avoir subi ce type de punitions plusieurs fois, le jeune garçon a continué à tirer les cheveux de sa soeur… avant de partir de lui-même dans sa chambre en anticipant la punition consécutive à ce geste ! L’enfant protégeait ainsi sa dignité et choisissait la solitude (dans ce sens, il “obéissait” à ses parents dans le sens où il a compris que, quand il faisait un mauvais geste, il devait être exclu). On comprend bien que la punition que représente l’isolement forcé est inefficace en termes de relations et de vivre ensemble.

Juul regrette que, dès le début de son comportement, les parents de ce garçon ne l’aient pas compris, aient vu seulement le symptôme (l’agression) mais pas la motivation de ce symptôme (la peur d’être moins aimé, la tristesse de ne plus avoir toute l’attention de ses parents…).

Ils ne comprennent pas qu’il a des difficultés à accepter le fait de n’être plus le seul enfant de la famille et d’avoir perdu la moitié de tout ce qu’il avait auparavant pour lui seul. Ils ne font que prêter attention à ce qu’ils considèrent comme des signes méchants de jalousie et de violence, et ils agissent en conséquence en le punissant. Et bien qu’il répète patiemment son message, ils ne l’ont tout simplement pas compris ! Il se sentait déjà exclu, maintenant il est exclu. – Jesper Juul

Il n’est évidemment pas question de laisser un enfant agresser son frère ou sa sœur car nous avons un devoir de protection des plus faibles. Nous avons en parallèle un devoir de soutien et de compréhension de l’agresseur.

Les parents de cet enfant aurait pu estimer que ce type de réaction agressive a un sens à creuser derrière ce qui est donné à voir ou à entendre. Jesper Juul parle d’une “tentative de coopération”. Les enfants ont besoin que les adultes prêtent attention à leurs intentions et qu’ils leur fassent confiance en interprétant leur comportement de manière “positive” (dans le sens où ce comportement sert la vie, a une motivation positive au servie de l’élan vital).

Par exemple, l’un des parents du jeune garçon aurait pu lui proposer une sortie agréable, en duo et à froid. Cette sortie sert non seulement à assurer l’enfant qu’il compte suffisamment pour que le parent apprécie de passer du temps exclusivement avec lui, mais aussi aussi à engager une conversation constructive du type : “Tu as maintenant tiré les cheveux de ta sœur si souvent qu’on a fini par comprendre que c’est difficile pour toi qu’elle fasse partie de notre famille. Est-ce que tu voudrais me dire ce qui est si difficile pour toi ?”. L’enfant pourra répondre (ou non) mais cette invitation lui montre déjà qu’il est pris au sérieux. Cette conversation lui donne l’impression d’être vu, apprécié et inclus.

Ce style de leadership – basé sur la confiance et l’empathie – n’est pas destiné à être spécifiquement “adapté aux enfants”, il est bon pour toute la famille dans le sens où il donne à chacun ce dont il ou elle a besoin et, dans le meilleur des cas, ce qu’il ou elle désire aussi. Cela donne aux parents des enfants en bonne santé, cela leur permet de se sentir compétents et précieux en tant que parents plutôt que de se sentir impuissants. Cela offre aussi aux enfants un fondement sain pour la relation fraternelle qu’ils sont amenés à entretenir tout au long de la vie. Tout cela, grâce à un enfant de trois ans qui a eu le courage de répéter son message jusqu’à ce qu’il soit décodé. – Jesper Juul

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Source : Le Parent chef de meute – L’autorité aujourd’hui au regard de l’Histoire de Jesper Juul (éditions Fabert). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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