Comprendre ce qu’est le deuil

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Ce qu’est le deuil

Dans son livre Quand la vie fait mal aux enfants, Hélène Romano (docteur en psychopathologie et psychothérapeute) rappelle qu’un deuil débute dès l’annonce de la perte. Pour elle, « faire son deuil » correspond au processus psychique que tout endeuillé (adulte comme enfant) met en place inconsciemment pour faire face à la rupture relationnelle liée à la perte du proche. Elle écrit donc que le deuil n’est pas une pathologie, mais une réaction psychique adaptée et personnelle car il est lié à des ressources antérieures, à des référentiels culturels et religieux, au contexte du décès et aux ressources ultérieures (soutien de l’entourage, accompagnement professionnel…).

Entre l’annonce de la perte d’un proche et le temps où l’endeuillé parvient à apprivoiser cette absence et à s’y ajuster, il faut du temps, beaucoup de temps selon le type de mort et ses circonstances, selon les liens qui existaient avec le défunt, selon les relais qui pourront se mettre en place auprès de l’endeuillé. – Hélène Romano

Hélène Romano note que, dans les sociétés occidentales contemporaines, le modèle des étapes du deuil est très diffusé mais qu’il s’applique mal aux personnes issues d’autres cultures et qu’il n’a pas vocation à définir ce que devrait être un “bon” deuil ou un deuil “réussi”.

Les facteurs qui influencent l’évolution du deuil

Certains facteurs sont considérés comme déterminants dans l’évolution du deuil. Parmi ceux-là, Hélène Romano cite :

  • le jeune âge des endeuillés,
  • les vulnérabilités psychiques antérieures,
  • les décès où le corps n’est pas visible car trop endommagé ou impossible à retrouver,
  • les morts par suicide
  • les situations où l’endeuillé assiste au décès de son proche.

Chez les enfants, la temporalité du deuil évolue par à-coups (période de bien-être suivie de profonde détresse, sentiments ambigus, parfois incompréhension de ce que signifie réellement la mort et espoir que le défunt revienne…). De plus, le deuil est nourri par ce que l’enfant imagine et invente pour donner du sens à cette mort et qui sert à le protéger contre le danger d’un effondrement total. La vie imaginaire de l’enfant peut être accompagnée de paroles bienveillantes sans imposer une vérité ou nier les émotions de l’enfant : “Tu imagines que… / Tu te dis que…/ Tu aimerais que…/ C’est ce que tu te dis.”

Les enfants et le deuil : expression émotionnelle et participation aux rituels funéraires

L’importance de l’expression émotionnelle

Lors de ses consultations, Hélène Romano a remarqué que de nombreux enfants lui avouent ne pas vouloir montrer leur chagrin (souvent par peur de rendre l’entourage encore plus triste). Pourtant, la psychothérapeute insiste sur l’importance de mettre des mots sur les émotions des enfants et sur la reconnaissance de leur peine.

Elle rappelle que parler de la mort, ce n’est pas la provoquer. Elle prend l’exemple du poisson rouge qui décède et qui est parfois remplacé dans certaines familles par un autre poisson rouge ni vu ni connu, sans le dire à l’enfant. L’intention est certes bienveillante (éviter un choc à l’enfant) mais le problème est que les enfants ne sont pas dupes (souvent ils se rendent compte du subterfuge) et que cela revient à priver l’enfant de son deuil et d’une expérience au cours de laquelle il apprend des choses sur la vie.

Voir son poisson rouge ne plus frétiller dans son bocal est un choc pour les enfants confrontés pour la première fois à la mort ; mais c’est aussi l’expérience d’une donnée fondamentale de la vie et l’occasion pour l’enfant d’exprimer toutes les questions qu’il se pose à ce sujet. La mort du poisson rouge est un précieux support pour permettre d’expliquer à un enfant que lorsqu’on est mort, on ne bouge plus, on ne souffre plus. C’est aussi un temps où l’importance du rituel peut être transmise avec toute l’attention que certains enfants veulent donner à leur poisson – par exemple, en l’enterrant dans une boîte d’allumettes dans le parc le plus proche. Pas de précipitation, donc, pour retrouver le clone du poisson rouge décédé, mais plutôt prendre le temps d’un raccommodage qui passera par des mots mis sur les émotions. – Hélène Romano

La fonction des rituels

Pour Hélène Romano, la participation des enfants aux rituels du deuil est nécessaire, quel que soit leur âge. Elle regrette que l’association des enfants aux rituels funéraires soit loin d’être acquise dans les sociétés occidentales. Pourtant, les rituels ont une fonction émotionnelle et relationnelle.

Hélène Romano définit un rituel comme l’ensemble des cérémonies habituelles dans une communauté, qui se transmettent de manière codifiée et qui ont un sens spécifique pour la communauté concernée (comportements, gestes, paroles, actions, techniques…).

Il semblerait que les rites et cérémonies rituelles aient toujours exister dans les cultures humaines. Ils offrent en effet plusieurs bénéfices aux groupes d’humains :

  • Ils contribuent à donner un sens aux événements et à la vie;
  • Ils proposent des espaces-temps pendant lesquels les humains peuvent s’arrêter et méditer sur les transformations de leur vie;
  • Ils nous connectent au passé, ils définissent notre présent et nous montrent le chemin du futur;
  • Ils renforcent la continuité tout en permettant la transformation;
  • Ils activent fortement la mémoire sensorielle à travers les odeurs, les sons, les couleurs.
  • Ils soudent les groupes humains et renforcent la cohésion.

Ces rites concernent surtout les transitions, les passages d’un état à un autre : naissance, mariage, funérailles… Toutes ces cérémonies constituent des rites de passage permettant de vivre une transition d’un état d’être à un autre.

La participation des enfants aux rituels du deuil

Ainsi, on comprend que, face à la mort, il est nécessaire que les personnes proches du défunt ne se sentent pas seules et n’abandonnent pas leur mort. Hélène Romano parle de “double fonction” du rituel funéraire :

  • 1.prendre soin du défunt,
  • 2.renforcer les liens au sein du groupe (famille, quartier, société, école…).

Cette double fonction concerne aussi les enfants :

  • ne plus être passifs face à la mort;
  • proposer un acte personnel et signifiant (ex : faire un dessin, inventer une chanson, dire un mot…);
  • comprendre que quand quelqu’un meurt, on prend soin de lui;
  • réaliser qu’il y a des adultes pour le soutenir et qu’il a toute sa place dans le groupe qui l’entoure.

C’est la raison pour laquelle Hélène Romano insiste sur la participation (même symbolique) des enfants aux rituels funéraires et elle soutient que les inquiétudes des adultes sur le risque de traumatiser davantage les enfants ne sont pas fondées. Toutefois, il ne s’agit pas de confondre « participation » et « présence ». Selon la sensibilité de l’enfant, son âge, l’état du corps du défunt, la disponibilité émotionnelle des proches, la volonté propre de l’enfant, l’association de l’enfant aux rituels funéraires peut être adaptée.

Faire participer les enfants, dès leur plus jeune âge, ce n’est pas les « forcer » à voir un corps ni les obliger à être présents à la levée du corps ou aux obsèques. Bien des parents ne se sentent pas la force d’être suffisamment disponibles pour leur enfant dans les moments cruciaux des funérailles et aucun reproche ne pourrait leur être fait à ce sujet. Si aucun adulte ne peut assurer le relais parental, l’enfant peut être « représenté » symboliquement à ces différentes étapes, à travers une photo, un doudou, une bougie ou tout autre objet mis près du corps ou sur le linceul qui pourra lui garantir, des années plus tard, qu’il était bien présent. – Hélène Romano

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Source : Quand la vie fait mal aux enfants de Hélène Romano (éditions Odile Jacob). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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