Les enfants sont des êtres compétents et refuser de le voir mène à des violences (en famille et à l’école)

enfants sont compétents

John Holt est un penseur des alternatives à l’école et a beaucoup travaillé sur les apprentissages autonomes. Dans son livre Comment l’enfant apprend, il rappelle que les enfants, même très jeunes, ne veulent pas seulement apprendre comment fonctionne le monde des adultes, mais qu’ils veulent en faire partie.

Le besoin des enfants humains de comprendre le monde qui les entoure et d’y faire preuve d’habileté est aussi fort que leur besoin de nourriture, de repos et de sommeil. Par moment, il peut même être plus fort. En tant que parents, nous avons tous fait l’expérience de l’impossibilité d’obliger un enfant fatigué à aller au lit, s’il a l’impression qu’il se passe quelque chose d’intéressant dans le monde éveillé. D’ailleurs, ce conflit des besoins (besoin pour les parents de calme et de “prendre soin” de la santé de l’enfant en lui assurant suffisamment d’heures de sommeil et besoin d’exploration, de compréhension de la part des jeunes enfants) mène souvent à de la violence sur les enfants sous couvert d’éducation. C’est le fameux “c’est pour son bien” alors que les cris et menaces des adultes ou ses pleurs ignorés lui font précisément du mal – et même plus de mal qu’un coucher différé.

John Holt regrettent que si peu d’adultes voient les enfants comme des êtres compétents, à la fois désireux et capables de faire comme les adultes.

C’est une grave erreur de dire que pour apprendre, les enfants doivent d’abord être capables de différer la récompense, c’est-à-dire qu’ils doivent d’abord être disposés à apprendre des choses inutiles qui ne veulent rien dire, dans le faible espoir que plus tard certaines puissent leur servir à quelque chose. C’est leur désir et leur détermination à faire pour de vrai, pas dans le futur mais là tout de suite, qui donnent aux enfants leur curiosité, leur énergie, leur détermination et leur patience pour apprendre tout ce qu’ils apprennent. – John Holt

 

Explorer ce qui nous empêche de faire réellement confiance aux enfants

Les adultes doivent (ré)apprendre à faire confiance aux enfants. John Holt met ce déficit de confiance et cette peur des apprentissages autonomes chez de nombreux adultes sur le compte de leur propre éducation : “parce que ça leur donne le droit de se conduire comme des tyrans tout en se croyant des saints. “Fais ce que je te dis ” hurle le tyran. “C’est pour ton bien, et un jour tu me remercieras” dit le saint. Peu de gens qui se sentent eux-mêmes impuissants dans un monde devenu fou sont capables de résister à la tentation d’endosser ce rôle de despote bienveillant”.

L’école ne fait pas confiance aux enfants et, même si elle l’avait voulu, la grande majorité du public ne l’aurait pas laissée faire. Les raisons se résument ainsi : 1) Les enfants ne valent rien, ils n’apprendront rien si on ne les y oblige pas. 2) Le monde est mauvais, les enfants doivent y être rompus. 3) J’ai dû en passer par là, pourquoi pas eux ? – John Holt

Ainsi, John Holt invite les adultes (parents comme enseignants) à prendre davantage les enfants au sérieux, à les observer de plus près, à réfléchir avec davantage d’attention à la signification de leurs actes et à mieux les apprécier, leur faire confiance, les respecter et prendre du plaisir à leur compagnie. Les enfants sont futés, désireux d’apprendre (ce qui n’est pas synonyme de “désireux d’être assis dans une salle de classe avec 30 enfants du même âge qu’eux pour suivre un programme imposé”). Les enfants sont avides de jouer un vrai rôle dans le monde des adultes et naissent avec tout ce dont ils ont besoin pour y parvenir. La manière dont les adultes les socialisent peut perturber ce que l’évolution a mis à disposition des humains pour apprendre, trouver leur place dans leur communauté et y contribuer.

 

Apprendre et enseigner ne sont pas synonymes

Les enfants n’ont pas besoin d’être motivés pour apprendre

Chez les enfants, la curiosité n’est presque jamais au repos (sauf si elle est interdite par la socialisation de l’enfant par un moyen ou un autre : en répétant à l’enfant d’arrêter de poser des questions, en lui tapant la main quand il met quelque chose à la bouche, en lui interdisant l’accès à certaines choses ou certaines conversations, en lui assignant un programme unique qui ne tient compte ni de ses envies ni de son rythme propre). En effet, la curiosité est l’expression d’un besoin humain fondamental : quand on a envie de savoir quelque chose, il y a une raison. La raison, c’est qu’il y a un trou, un “fossé” dit John Holt comme un espace vide dans notre compréhension des choses, dans notre représentation mentale du monde. Tant que ce fossé est là, on est sous tension, puis quand le fossé est comblé à travers l’apprentissage, on ressent du plaisir. Ici, apprentissage n’est pas synonyme d’enseignement mais d’exploration libre. Quand un enfant apprend par l’exploration libre (cette exploration pouvant passer par le soutien d’un adulte si ce soutien est sollicité par l’enfant), alors il n’oublie pas car cette apprentissage lui a rendu le monde plus sensé et plus intéressant.

John Holt affirme qu’on ne peut pas être sûr de ce que les enfants apprennent mais que ce n’est pas un problème en soi : nous pouvons nous reposer sur la foi dans la nature apprenante des êtres humains (et donc des enfants). Personne n’a besoin de motiver les enfants pour qu’ils apprennent, que ce soit en les flattant, en les humiliant, les récompensant ou les punissant. Mais dire cela implique nécessairement de redéfinir la notion même d’apprentissage et d’école (parce que, dans la représentation classique de l’école, les enfants ne trouvent pas – ou peu – le terreau qui va susciter un enthousiasme spontané… enthousiasme qu’il faut alors recréer artificiellement via des moyens de les motiver).

Les apprentissages autonomes et informels ne rendent pas les enfants illettrés ou inadaptés

Les enfants voient le monde comme un tout, de moins en moins mystérieux à mesure qu’ils grandissent. Ils ne découpent pas le monde en petites catégories mais passent d’un sujet à l’autre et font des liens naturellement, progressivement entre ces sujets. Ce sont les enfants qui choisissent leurs propres voies pour explorer l’inconnu, des voies que les adultes (même bienveillants, mêmes passés par un cursus de didactique ou de sciences de l’éducation) n’auraient pas pensé à leur proposer (car ces voies sont uniques pour chaque enfant, à la fois en termes de contenus, de liens, ou encore de temporalité).

Les gens me disent souvent sur un ton nerveux ou agressif que si on laisse les enfants apprendre ce qu’ils veulent, ils deviendront des spécialistes aux vues étroites, des experts barjots de la moyenne à la batte de baseball, et autres sottises. Pas du tout. Beaucoup d’adultes sont ainsi; les universités sont pleines de gens qui se sont cloîtrés dans de petites forteresses d’apprentissages personnels artificiellement restreints. Mais les enfants équilibrés, toujours curieux et intrépides, n’apprennent pas ainsi. Leur apprentissage ne les met pas dans des cases; il les ouvre à toutes sortes de sujets réels. – John Holt

 

Une nécessaire déconstruction de nos modèles éducatifs

La pensée de John Holt implique une déconstruction des modèles éducatifs et questionne la manière dont sont conçues les écoles, les programmes ainsi que les relations enfants/ adultes.

[Certains enseignants] aiment avoir le sentiment qu’ils contrôlent l’enfant à tout moment, non seulement sur le plan physique mais aussi sur le plan intellectuel. Ils aiment se voir comme la source unique de toute connaissance, de toute sagesse, et de tout apprentissage dans leur classe. Certains de ces enseignants sont motivés par l’amour du pouvoir, et une salle de classe leur en donne à loisir; d’autres par un profond sentiment, désespéré parfois, de se sentir utiles, nécessaires, voire indispensables à leurs élèves. Les uns comme les autres sont fortement menacés par toute suggestion selon laquelle l’enfant peut apprendre par lui-même et que c’est même ce qu’il faudrait. Beaucoup d’enseignants, en revanche, aimeraient donner plus d’indépendance et d’autonomie à leurs élèves mais ils sont retenus par la peur des évaluations standardisées qui jugent leurs élèves, et par conséquent eux-mêmes. Dans chaque école où le principal objectif est de préparer les enfants à obtenir les meilleurs résultats aux différents tests et examens, les meilleures notes au tableau d’honneur, il y a peu de chances de voir se développer beaucoup de travail scolaire indépendant, sans but prédéfini. L’honnêteté oblige à dire que jusqu’à présent, peu de réformateurs de programmes scolaires et de révolutionnaires de l’éducation y ont prêté intérêt. Ils ont tellement tendance à penser que le chemin qu’ils ont tracé pour leurs élèves est le meilleur que leur préoccupation principale est de les y pousser ou de les y entraîner aussi vite que possible. – John Holt

Il existe de nombreuses personnes à travers le monde qui se sont emparées de cette vision et l’ont mise en pratique. Je pense notamment aux écoles inspirées par le modèle Sudbury (dites écoles démocratiques en France) ou bien aux enseignants qui s’inscrivent dans une démarche d’apprentissages autonomes et informels (je pense à Bernard Collot et son école “du troisième type” au sein d’une école publique française). De même, des familles toujours plus nombreuses d’années en années optent pour linstruction en famille en laissant leurs enfants vivre leurs apprentissages à leur rythme et selon leurs envies.

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Source : Comment l’enfant apprend : le besoin vital de comprendre de John Holt (éditions L’Instant Présent). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet (site de l’éditeur).

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