Les 3 types de colère des enfants
Parler de colères au pluriel pour renvoyer aux différentes fonctions de cette émotion
Selon Isabelle Filliozat, il existe trois types de colère chez les jeunes enfants :
1.Les colères liées à la décharge (trop-plein de tensions) ne sont en réalité pas de vraies colères mais des décharges de stress.
Par exemple, un enfant qui se fâche pour des broutilles plusieurs fois par jour et pendant plusieurs jours d’affilée vit probablement du stress dont la manifestation peut se confondre avec la colère. Cette colère persiste dans le temps sous forme d’agressivité chronique. Même si des adultes proposent des stratégies de régulation émotionnelle (comme le fait de souffler), l’enfant reste à fleur de peau. Il peut alors être utile de proposer un jeu de chahut pour permettre à cet enfant de libérer toute sa tension. C’est ce dont il a besoin car il est sous stress. Dans le cas de la colère de décharge, l’enfant n’a pas besoin de se calmer mais de décharger tout son stress avant de pouvoir parler du problème et y chercher des solutions.
2.Les colères liées à une affirmation des limites personnelles.
C’est le cas d’un enfant qui se met en colère contre sa soeur parce que cette dernière a touché ses affaires sans lui demander la permission. Dans ce cas-là, la colère est l’émotion qui permet d’affirmer des limites personnelles et de réparer l’intégrité. Des outils de régulation émotionnelle comme le fait de taper des pieds ou dessiner la colère permettent d’éviter que cette colère ne se transforme en violence. Un adulte peut se poser en médiateur et permettre à chacun des enfants d’exprimer ses émotions. Une fois entendu, chaque enfant peut dire ce dont il a besoin dans le futur.
3.Les colères liées à la frustration.
Quand les adultes laissent à l’enfant le droit d’éprouver de la colère pour se remettre de sa frustration, celle-ci finit par passer. L’enfant en proie à une colère de frustration a besoin d’apprendre à mettre des mots sur ses désirs et ses désirs frustrés (pas forcément que ses désirs soient exaucés).
Par exemple, un enfant qui explose de colère quand sa mère lui refuse quelque chose est précisément en train de se remettre de sa frustration. Tant que l’enfant peut vivre cette colère, elle finit nécessairement par dégonfler et l’équilibre émotionnel revient d’autant plus vite que personne ne cherche à agir sur l’enfant et son émotion. Agir sur l’émotion, ce serait par exemple demander à l’enfant de se calmer, le punir ou l’isoler. Il est possible, une fois l’équilibre revenu, de proposer à l’enfant de noter ce qu’il aurait voulu dans un petit carnet.
Décoder les types de colère : voir la face immergée de l’iceberg
Il n’y a pas de réponse unique et universelle pour répondre à une colère d’un jeune enfant. Il s’agit d’abord de savoir de quoi est construite cette colère, quelle en est sa cause profonde afin d’y répondre avec efficacité.
Dans le cas d’une décharge de stress, il est nécessaire de permettre à l’enfant d’évacuer son trop-plein d’émotion (en pleurant, en bougeant, en déchargeant physiquement avec des jeux de chahut par exemple, en proposant une connexion physique comme un câlin).
Arnaud Deroo, spécialiste de la bientraitance éducative, distingue quant à lui “vraie” et “fausse” colère. Dans une vraie colère, l’enfant a besoin de vivre son émotion jusqu’au bout, de libérer l’énergie de la colère. Dans une fausse colère, l’enfant a besoin d’être contenu et le comportement arrêté car il ne s’agit pas d’un comportement utile pour un retour à l’équilibre ou pour restaurer l’intégrité. Le problème est qu’il n’est pas facile de distinguer les fausses colères (décharge de stress) et les vraies colères (frustration, affirmation) car les manifestations comportementales sont les mêmes.
On peut toutefois donner des pistes pour savoir si la colère est vraie ou fausse (=stress) :
- fausse colère : violente et destructrice; pas de larmes; non soulagement -> arrêter le comportement et laisser place à la vraie émotion (qui se manifestera sûrement par des pleurs au bout d’un certain temps);
- vraie colère : non destructrice; larmes,; soulagement -> ne pas arrêter la colère, éventuellement l’accompagner avec des mots empathiques (lire aussi : L’écoute empathique pour écouter vraiment les enfants (et dénouer crises et colère) )
Comment faire face aux colères sans s’énerver ?
1. Faire face à une colère « décharge »
Dans un centre commercial, l’enfant est saturé de stimuli (sons, images, lumières…), mais son cerveau n’est pas équipé pour trier toutes ces stimulations, comme celui d’un adulte. Les sens de l’enfant sont saturés, il y a une sorte de tempête cérébrale. L’enfant va réagir et « s’accrocher » immédiatement à ce qu’il connaît : « Tiens, un paquet de bonbons ! ». Avant toute réflexion, ce paquet de bonbons va représenter pour lui quelque chose de connu, quelque chose qu’il saura traiter.
Souvent, le parent arrive, prend l’objet du délit, et rétorque « Non, pas ça » ! C’est à cet instant que la crise éclate. L’enfant ne maîtrise plus rien, il est complètement désorganisé, il se roule par terre, crie, part dans tous les sens. Lorsque le parent se met alors à lui crier dessus : l’enfant ne comprend pas pourquoi on l’agresse, on le culpabilise, on le menace, ou on lui fait honte. La crise monte alors crescendo dans les gammes d’incompréhension. De plus, le parent est stressé car il craint d’être jugé par les autres.
Isabelle Filliozat propose quelques solutions pour faire face avec bientraitance :
- La première chose à faire est de s’occuper de l’enfant en crise ; il est prioritaire. Cela peut être difficile de ne pas porter attention aux regards qui se portent vers soi, mais le plus important est de soutenir l’enfant, si possible à l’extérieur (hors de toute source d’agression visuelle ou sonore).
- Prendre l’enfant dans les bras (s’il l’accepte ou bien, s’il n’accepte pas le contact physique, rester à la distance qu’il accepte dans une présence rassurante et bienveillante). Un enfant en crise peut être invité à s’asseoir sur les genoux de ses parents, sans que ce contact soit imposé.
- Diriger l’attention de l’enfant vers un seul stimulus, afin d’éviter que son cerveau n’aille vers tout ce qui pourrait lui tendre les bras à l’intérieur du magasin (par exemple en lui donnant une tâche comme aller chercher des bananes ou prendre une bouteille de lait sur l’étagère).
2. Faire face à la colère d’affirmation des limites personnelles
Lorsqu’un enfant veut s’affirmer, grandir et faire les choses seul, il peut éprouver une immense colère quand un adulte intervient et lui « coupe l’herbe sous le pied», en faisant à sa place ou en lui apportant une aide non sollicitée. Par exemple, un enfant de 2 ans peut se mettre en colère quand un de ses parents lui impose une tenue. Cette opposition n’a rien de personnel : l’enfant ne se met pas en colère contre son parent mais pour lui, pour s’affirmer, construire son identité et dire “je”.
Isabelle Filliozat rappelle que les jeunes enfants ont besoin de s’affirmer, de dire « je », plutôt que toujours « oui papa/ oui maman ». Un enfant grandit souvent plus vite que nous ne le réalisons, c’est pourquoi nous manquons certains stades de son développement, de son « vouloir ». Sa colère est un rappel à l’ordre, à la réalité de son évolution… que nous pouvons saisir comme une opportunité. Lorsque notre enfant est en colère parce que nous avons fait ou dit quelque chose, nous pouvons réfléchir :
– Quel est son âge ?
– Quels sont ses besoins à cet âge-là ?
– Dans quelle mesure la réalisation de ce besoin est empêchée et par quoi ?
3. Faire face à la colère de frustration
La colère de frustration émerge quand l’enfant n’arrive pas à faire quelque chose ou n’obtient pas ce qu’il veut. Un enfant n’a pas toujours les moyens physiques ou intellectuels de faire les choses qu’il voudrait ou alors est confronté à des obstacles à l’obtention de ce qu’il veut.
Cette frustration de ne pas réussir ou de ne pas satisfaire tous ces désirs peut déclencher de grosses colères. C’est précisément la colère qui permet à l’enfant de se réparer de l’intérieur.
Cela arrive quand un enfant fait une tour avec des cubes et au dernier cube, la tour s’effondre. Sa colère éclate. Il est possible de refléter l’émotion ressentie par l’enfant afin de lui montrer de l’empathie et de lui enseigner le vocabulaire des émotions. Cela peut passer par quelque chose comme : « Oh non, c’est tout tombé ! C’est tellement énervant de ne pas réussir ce qu’on veut faire. Tu dois être déçu et tu as peut-être envie de pleurer…» L’important est que l’enfant ne ravale pas sa colère et d’identifier les signes précurseurs de la violence pour rediriger l’énergie de colère vers des actes non violents (taper des pieds plutôt que lancer les cubes, faire le tigre plutôt que mordre le copain, dessiner la colère et rouler le papier en boule plutôt que crier sur le frère ou la soeur…).
Pour aller plus loin : Les colères : des histoires pour les enfants et des ressources pour apprivoiser les colères
……………………………………………………………………..
Inspiration : Livre blanc de la parentalité positive de Isabelle Flliozat, publié par WeeLearn