La fatigue en période de post partum : elle n’est pas anecdotique.
Anna Roy est sage-femme et est l’autrice (entre autre) du livre Le post-partum dure 3 ans. Dans cet ouvrage, elle alerte sur les conséquences du manque de sommeil chez les mères en post partum. Les jeunes parents, et en particulier les mères, peuvent s’attendre à moins dormir et à être fatiguée. Mais considérer comme normale cette fatigue peut faire passer à côté de difficultés dont les troubles du sommeil sont un symptôme : des troubles anxieux, une dépression du post-partum ou encore un burn out maternel.
Si on est dans l’incapacité de se rendormir après avoir nourri ou cajolé son enfant, ou si on se réveille à 3 heures du matin sans raison, il faut en parler à un professionnel de santé plutôt que d’aller imaginer que c’est “normal de subir”. – Anna Roy
Le manque de sommeil est réellement délétère avec des conséquence sur la santé physique et mentale, et c’est d’autant plus problématique chez les jeunes mères qui ont besoin d’énergie pour s’occuper d’un bébé. Anna roy rappelle que la teneur des nuits en post partum dépend de deux facteurs. Ces facteurs sont injustes et on ne choisit pas de les subir.
1.Le bébé
Anna Roy ne fait que souligner une évidence : tous les parents n’ont pas le même bébé. Même s’il existe des grands traits communs aux humains selon leur tranche d’âge, les variations entre individus existent bel et bien. Certains “font leurs nuits” à 2 mois, tandis que d’autres se réveillent encore plusieurs fois la nuit à 2 ans, et même plus tard. Cela peut notamment être en lien avec des problèmes de santé, comme un reflux gastrique œsophagien ou une allergie aux protéines du lait de vache. C’est la raison pour laquelle il est important d’écarter les causes médicales en consultant un pédiatre quand les nuits perturbées et les pleurs du bébé alertent les parents.
Les troubles du sommeil existent bel et bien mais, avant de s’alarmer, il est bon de disposer d’une information fiable sur ce qui est normal à l’âge de l’enfant.
2.La résistance du parent à la fatigue
Certains parents supportent mieux le manque de sommeil que d’autres. Certains parents souffrent atrocement du manque de sommeil et peuvent vivre un enfer quand ils ne voient pas le bout du tunnel. La période du post partum peut paraître insurmontable et interminable quand on est en plein dedans.
Dire aux jeunes parents que cela passera, qu’ils finiront par redormir un jour peut sembler trivial, et c’est souvent inadapté face à leurs réelles souffrances. Les parents en difficulté ont surtout besoin d’empathie et de soutien… Pourtant, c’est vrai : on finit par retrouver des nuits normales (ou presque) un jour et la fatigue s’atténue. Mais paradoxalement, on ne peut l’entendre et le comprendre que lorsqu’on commence à souffler.
Le sommeil des humains est adapté à leurs besoins
Pourquoi les bébés se réveillent-ils la nuit ?
Le sommeil et les besoins de l’enfant vont de pair. Rosa Jové, pédopsychiatre espagnole, explique que le sommeil s’aligne sur nos besoins à chaque instant de notre vie. Les nouveaux nés ont besoin de s’alimenter fréquemment pour éviter les hypoglycémies mais aussi pour se développer. Dans ces conditions, les enfants ne peuvent pas dormir en continu. Des petites siestes leur conviennent mieux, réparties sur les 24 heures de la journée et entrecoupées de réveils fréquents pour manger.
Rosa Jové détaille quelques besoins des bébés entre 0 et 3 mois :
Une alimentation fréquente -> Il est important pour le bébé de s’alimenter fréquemment afin d’assurer sa croissance et d’éviter les baisses de sucres dans le sang (hypoglycémies) car son estomac est petit.
L’attention toujours en éveil de la personne qui s’occupe de lui -> Les humains appartiennent en effet à une espèce altricielle : quand nous naissons, nous ne pouvons pas nous débrouiller tous seuls; nous avons besoin des soins de quelqu’un. Il est donc essentiel pour le bébé, dès sa naissance, d’inventer des moyens et des mécanismes pour garder ses géniteurs à proximité… et l’un de ces moyens est d’entrecouper les périodes de sommeil avec de brefs moments de veille.
La possibilité de développer son esprit, de comprendre et d’apprendre -> Le bébé met à profit les moments où il est éveillé mais aussi les moments où il dort (en particulier le sommeil en phase paradoxale pendant laquelle le cerveau est au maximum de son activité). Le bébé se réveille pour être stimulé, pour faire connaissance avec son environnement (ce qui contribue à développer son esprit) mais, comme il se fatigue vite, il se rendort… pour se réveiller à nouveau dès qu’il est reposé.
Ainsi, la nature du sommeil des nourrissons correspond à la meilleure manière de satisfaire les besoins de croissance des petits d’hommes.
La nature du sommeil des enfants de 0 à 3 mois
Le sommeil des bébés entre 0 et 3 mois ne comporte que deux phases d’une durée de cinquante à soixante minutes : sommeil actif et sommeil lent. Cette dimension biphasique explique que le bébé se réveille fréquemment. Rosa Jové qualifie par ailleurs le sommeil des bébés de “ultradien” : les besoins doivent en effet être satisfaits la nuit au même titre que la journée. Le sommeil des bébés de 0 à 3 mois de répartit en plusieurs moments tout au long de la journée (à la différence de l’adulte dont le sommeil est généralement monoséquentiel : la nuit).
Le sommeil paradoxal aide à réorganiser le cerveau (la mémoire et les processus d’apprentissage). Comme le sommeil des bébés peut débuter directement en phase paradoxale, les cycles courts de sommeil permettent d’atteindre les objectifs de maturation du cerveau efficacement.
Je sais combien il est fatigant pour les parents de s’occuper d’un jeune enfant pendant la nuit, mais s’ils comprennent combien ce type de sommeil est important pour lui, ils le feront d’autant plus volontiers. – Rosa Jové
Le sommeil des enfants évolue avec leur âge
Chez la majorité des petits humains, les réactions varient en fonction du degré de maturité de l’enfant. Cette évolution peut être perturbée par plusieurs facteurs : troubles du sommeil, traumatisme, reflux gastriques, ou encore trouble neurodéveloppemental.
Vers l’âge de 4 mois, le sommeil du bébé évolue vers le modèle du sommeil des adultes :
- le bébé commence à dormir davantage la nuit que le jour,
- il lui faut passer par une étape de sommeil non paradoxal lors de l’endormissement (avant 4 mois, un bébé ne se réveille pas au moindre bruit quand il vient de s’endormir car il est directement en sommeil paradoxal; après 4 mois, il est fréquent que le moindre changement autour de lui le réveille juste après qu’il se soit assoupi)
- le bébé se réveille brièvement entre la phase de sommeil profonde calme et le nouveau cycle de sommeil (un cycle durant entre une heure et une heure et demie).
Entre 7 et 10 mois, toutes les phases du sommeil sont en place mais leur périodicité et leur durée diffèrent encore de celles des adultes.
C’est seulement vers l’âge de 5 ou 6 ans que les enfants accèdent à un sommeil proche de celui de l’adulte, à savoir une seule période, nocturne, sans sieste et d’une durée de huit à dix heures environ.
Les enfants comme les adultes connaissent des réveils nocturnes, le seule différence étant que ces derniers maîtrisent la technique du retour au sommeil. Nos enfants ne savent pas encore comment se rendormir seuls, mais ils y parviendront un jour. – Rosa Jové
Des solutions pour les jeunes parents, et en particulier les mères, en manque de sommeil
Mères, vous avez le droit de chercher des solutions pour dormir plus
Oui, c’est épuisant d’accompagner un bébé ou un jeune enfant qui ne dort pas; oui, nous avons le droit de vouloir du calme et du repos; oui, les nuits sans sommeil sont une torture pour les parents; oui, nous pouvons être inquiets pour la santé de l’enfant s’il ne dort pas assez; oui, notre stress est légitime en pensant à la journée suivante qui devra être assurée avec la fatigue écrasante. Certains professionnels rappellent toutefois qu’il y a une différence entre d’une part, sortir d’une pièce parce que les pleurs des bébés nous mettent sous tension au point que nous ayons envie de secouer le bébé ou de frapper l’enfant et d’autre part, laisser un enfant pleurer jusqu’à ce qu’il tombe d’épuisement. Passer la main, s’éloigner, sortir quelques instants, prendre l’air, appeler quelqu’un de confiance ou un professionnel sont des stratégies d’urgence quand la fatigue combinée au stress conduisent à des envies de violence (contre soi et/ou contre l’enfant).
Certaines solutions existent pour favoriser le sommeil des bébés, même si elles ne garantissent pas des nuits complètes qui s’enchaînent. Parce que c’est ce que les parents visent : des nuits complètes de 7/8 heures sans interruption et pas de manière occasionnelle.
Mieux vaut éviter les techniques du type 5-10-15. On peut avoir l’impression que les méthodes de dressage au sommeil (qui consistent à laisser les bébés pleurer de plus en plus longtemps pour qu’ils s’habituent à s’endormir tous seuls et à l’heure décidée par les adultes) fonctionnent mieux avec les nourrissons. En réalité, plus l’enfant est jeune, plus il a peur.
Pour aller plus loin : Comment fonctionnent les méthodes de dressage au sommeil (et pourquoi les éviter) ?
Les trois états nécessaires pour qu’un enfant s’endorme facilement
Dans son livre Le sommeil du jeune enfant : pour les parents qui ne font pas leurs nuits (de 0 à 6 ans), Héloïse Junier, docteur en neurosciences, rappelle les trois états nécessaires pour qu’un enfant s’endorme facilement :
- un niveau de mélatonine élevé (dont la sécrétion est favorisée par un éclairage tamisé et entravée par la présence d’écrans ou d’une veilleuse vive);
- un niveau de cortisol faible (qui est en lien avec les situations de stress ou de stimulation : un enfant en colère, apeuré par les menaces ou les cris, ou encore qui a connu des jeux excitants avant le coucher risque d’avoir du mal à trouver le sommeil);
- une température corporelle faible avant et pendant le sommeil.
Héloïse Junier recommande ainsi de baisser les éclairages de la maison bien avant l’heure du coucher, d’éviter les douches ou bains chauds juste avant de dormir (mieux vaut donner un bain chaud entre 2 heures et 90 min avant l’heure du coucher ou bien de donner un bain moins chaud à l’enfant dans une semi-pénombre si le bain ne peut pas être donné plus tôt) et d’aérer quotidiennement la chambre, les draps et la turbulette pour les plus jeunes. Il est recommandé de régler la température de la chambre de l’enfant entre 18 et 19 degrés et d’espacer le dîner du coucher de 2 ou 3 heures dans l’idéal et éviter les repas du soir trop riches (la digestion étant énergivore, elle fait augmenter la température corporelle).
De plus, préserver autant que possible le calme familial en soirée maintient le taux de cortisol à un niveau bas. Crier ou menacer de punir l’enfant qui ne dort pas ne peut pas l’inciter à dormir car non seulement il sera stressé mais, en outre, la réaction de colère qu’il risque d’avoir va faire monter sa température corporelle.
Se ressourcer comme stratégie de survie
Anna Roy propose aux mères qu’elle suit comme sage-femme de partir de la maison deux ou trois jours : “Prendre trois jours, à deux, pour aller pioncer dans un hôtel pas loin de chez soi, parce que ça fait du bien de prendre l’air et d’éviter son lit quand on l’associe à de mauvaises nuits”. Cela nécessite de pouvoir laisser le bébé une nuit ou deux chez une personne de confiance et certaines mères peuvent ne pas se sentir à l’aise avec cette idée de laisser leur bébé, surtout si elles allaitent.
Il est indispensable de prendre la fatigue physique et psychique des mères au sérieux et les conseils ou modes d’emploi mal avisés ne doivent pas devenir un fardeau, encore moins un facteur d’épuisement maternel. En tant que parent, si une information ou une idée vous questionne en matière de parentalité, alors vous pouvez vous interroger personnellement : est-ce que, dans la balance de la parentalité, le ratio charge mentale/ bénéfice est suffisant et penche en faveur d’un changement ? Si non, personne ne doit vous faire culpabiliser de passer votre chemin. Si oui, vous pouvez adopter ce conseil… et, à terme, vous donner le droit de l’amender ou de l’abandonner si cela se révèle trop prenant, insatisfaisant.
Anna Roy rappelle que le manque de sommeil peut donner aux parents l’impression de ne plus se supporter et, parfois, de ne plus s’aimer car les disputes en lien avec l’irritabilité ou le manque de compréhension du partenaire viennent ternir la relation.
Anna Roy formule d’autres suggestions :
- noter des plages de sieste dans l’agenda;
- faire chambre à part un temps et se relayer dans les soins apportés au bébé pour que chaque parent profite d’une nuit complète sans réveil (sur un rythme à trouver au sein du couple);
- avoir recours à des solutions institutionnelles, comme les TISF ( technicien de l’intervention sociale et familiale) en lien avec le conseil départemental.
Par ailleurs, les jeunes mères peuvent être tentées de trouver des solutions sur internet, sur des blogs ou dans des groupes privés. Il peut être utile de faire régulièrement le tri dans les groupes privés sur Facebook et les comptes ou blogs qui mettent mal à l’aise sur les réseaux sociaux et qui génèrent une impression d’incompétence parentale.
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Source : Le post-partum dure 3 ans de Anna Roy (éditions Larousse). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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