Il est inutile et nocif de vouloir accélérer le rythme d’apprentissage d’un enfant.

Il est inutile et nocif de vouloir accélérer le rythme d'apprentissage d'un enfant.

Dans son livre Cultiver l’émerveillement et la curiosité naturelle de nos enfants, Catherine L’Ecuyer nous invite à questionner la notion de stimulation des enfants et d’éducation précoce (dans le sens apprentissage encadré et activités formelles).

Catherine L’Ecuyer, doctoresse en science de l’éducation, rappelle que, quand les adultes essaient d’accélérer le rythme d’apprentissage de l’enfant, ce dernier se trouve en situation de faire des choses pour lesquelles il n’est pas prêt. Dans ce cas-là, les adultes mettent l’enfant en position frustrante avec des répercussions négatives sur son estime de soi. L’enfant va se trouver sous stress parce que non seulement il peut avoir peur de l’erreur mais il va également tout faire pour ne pas risquer de décevoir ses parents et perdre leur amour (inhiber ses préférences personnelles pour plaire à ses parents, dépasser ses limites physiques en n’écoutant pas ses sensations et ses émotions, coupure avec sa boussole interne qui lui fait sentir qui il est vraiment).

La petite enfance est la période par excellence du temps non structuré et du jeu libre. C’est à travers le jeu libre auto dirigé (sans consigne de la part de l’adulte) que les enfants développent leurs fonctions exécutives. Ce bon développement des fonctions exécutives est le pilier des apprentissages futurs de toute nature (apprentissage de compétences relationnelles et émotionnelles comme la résistance à la frustration et la régulation de l’agressivité, apprentissages académiques et scolaires).

Catherine L’Ecuyer nous rassure donc : il n’existe aucune raison pour les parents de s’inquiéter si leur enfant ne sait pas écrire son nom à l’âge de trois ans ou ne sait pas lire à l’âge de cinq ans.

Pourtant, tout pousse les parents à se conformer à un modèle d’éducation où les “bons” parent stimulent leurs enfants le plus tôt possible. Derrière cette idée de stimulation précoce, il y a des enjeux financiers (marché de la puériculture et des jouets éducatifs, applications éducatives ou encore méthodes du type Baby EinsteinⓇ, école privées…). Il y a également des enjeux sociétaux (culte de la performance, idéologie No Pain No Gain) et économiques (peur de la précarité et du chômage donc pression sur la réussite scolaire, peur de la déchéance sociale pour les parents des classes supérieures).

Par ailleurs, même plus grands, les enfants n’ont aucunement besoin de passer l’été assis à la table de la cuisine avec un cahier de vacances pour ne “pas perdre le rythme”. Ils n’ont pas non plus besoin de passer leurs week-ends à faire des devoirs pourtant interdits en élémentaire mais donnés par les enseignants parce qu’il faut bien “se préparer au travail du collège”.

De plus, Catherine L’Ecuyer regrette que cette obsession de la distinction et de la performance conduisent à compartimenter la réalité en matières scolaires alors que l’enfant voit la vie comme un tout. On retrouve ici des éléments de la pensée d’Edgar Morin qui regrette que l’esprit perd son aptitude naturelle à remettre les connaissances et les faits dans son contexte quand les disciplines sont spécialisées et closes. Edgar Morin écrit que comme notre éducation nous a appris à séparer, compartimenter, isoler et non à relier les connaissances, l’ensemble de celles-ci constitue un puzzle inintelligible. Les grands problèmes humains disparaissent au profit des problèmes techniques particuliers.

L’affaiblissement de la perception du global conduit à l’affaiblissement de la responsabilité (chacun tendant à n’être responsable que de sa tâche spécialisée), ainsi qu’à l’affaiblissement de la solidarité (chacun ne ressentant plus son lien avec ses citoyens). Incapable d’envisager le contexte et le complexe planétaire, l’intelligence aveugle rend inconscient et irresponsable. – Edgar Morin

Catherine L’Ecuyer et Edgar Morin se rejoignent sur l’idée que l’éducation doit favoriser l’aptitude naturelle de l’esprit à poser et à résoudre les problèmes essentiels et, corrélativement, permettre le plein emploi de l’intelligence.

Quand le cerveau et l’agenda du jeune enfant sont remplis d’activités parascolaires, de montagnes de devoirs et d’objectifs de toutes sortes, il ne lui reste plus de temps pour réfléchir à ce qui lui plaît ou lui convient réellement à cette étape précieuse de son enfance : être entouré de ses proches, jouer, imaginer, découvrir les choses par lui-même sans se presser… Dessiner des personnages qui flottent en l’air, courir dans un champ pour attraper des papillons, cueillir des fleurs sauvages avec ses frères et sœurs, s’inventer des aventures fantastiques et des passages secrets : ce sont aussi des besoins naturels chez l’enfant. – Catherine L’Ecuyer

 

Cette tendance à l’accélération du développement des jeunes enfants touche également le plan affectif par crainte qu’un enfant prenne un retard de maturité par-rapport aux autres. C’est par exemple ce qui pousse un certain nombres d’adultes à dire qu’il faut “couper le cordon” tôt ou qui obligent un enfant à faire quelque chose qui lui fait peur. Il se trouve que, si l’autonomie des enfants est bien la finalité de l’éducation, cette compétence ne se force pas, elle se développe à travers un accompagnement progressif, un étayage adapté individuellement et une présence affective inconditionnelle

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Source : Cultiver l’émerveillement et la curiosité naturelle de nos enfants de Catherine L’Ecuyer (éditions Eyrolles). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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