Accompagner des jeunes qui grandissent dans une société où la pornographie est facilement accessible
Dans son livre Stop à l’hypersexualisation : Protégeons nos filles !, Tanith Carey rappelle que les contenus pornographiques viennent aux enfants quand ils sont en ligne (dans le sens où les jeunes ne vont pas forcément chercher des contenus pornographiques par eux-mêmes mais y être tout de même exposés). Avant 13/14 ans, les images pornographiques peuvent atteindre les jeunes à travers des chaînes d’emails transmis par des camarades, par des spams, par des virus qui infectent l’ordinateur ou encore par des publicités de type pop-up sur des sites, ou encore à travers des recommandations de vidéos sur YouTube. L’exposition à des contenus pornographiques peut également venir d’erreur de clics sur des liens ou de recherche sur les moteurs de recherche.
Tanith Carey rapporte les résultats d’une étude menée par la London School of Economics (UK children go online, 2005) selon laquelle presque un quart des enfants ont vu une pop-up publicitaire à caractère pornographique sur leur écran tandis qu’ils faisaient complètement autre chose et presque autant se sont retrouvés par accident sur un site porno en faisant une recherche ou ont reçu des spams à caractère pornographique dans leur boîte mail.
Tanith Carey avertit que les enfants, après 13/14 ans, vont commencer à s’intéresser de manière proactive aux contenus pornographique et à chercher à en savoir plus, notamment pour ne pas avoir l’air trop naïfs vis-à-vis de leurs camarades. Les jeunes vont échanger des conseils sur leurs pratiques sexuelles sur la base d’images pornographiques qui circulent librement alors que ces images ne devraient pas être accessibles aux moins de 18 ans.
Pourtant, les parents restent naïfs et la plupart du temps sont ignorants de la jungle que représente Internet.
La plupart de ceux avec lesquels j’ai discuté n’ont pas la moindre idée du caractère hautement explicite des images très facilement accessibles, gratuitement et en quelques secondes, sur internet. Si une jeune adolescente ordinaire, qui commence à se poser des questions à propos de ce qu’elle entend, tape simplement le mot “sexe” sur Google, elle se retrouvera en un dixième de seconde face à un kaléidoscope de milliers de vidéos du genre le plus extrême. – Tanith Carey
Le problème est que les jeunes peuvent en venir à penser que la sexualité est une performance soumise à des codes bien précis (épilation intégrale des filles, soumission aux désirs des garçons sans possibilité de dire non, position acrobatique…) plutôt qu’un acte d’intimité émotionnelle. Par ailleurs, les femmes mises en scène dans les contenus pornographiques sont souvent décrites comme des jeunes filles (pompom girls, lycéennes, baby sitters étudiantes, “salopes”…) rendant normal le fait que des filles s’engagent dans des pratiques sexuelles extrêmes à un jeune âge. Bien qu’un certain pourcentage de jeunes qui ont vu de la pornographie ont ressenti en premier lieu du dégoût et ont été choqués, ils se désensibilisent avec le temps et la pornographie devient une référence normale pour les pratiques sexuelles. Le sexe sans empathie ni tendresse, voire avec bafouement du consentement, finit par devenir le modèle de comportement que les jeunes filles exposées à ces pratiques via les écrans pensent devoir adopter. En miroir, les garçons sont influencés par cette pornographie et en viennent à considérer le consentement de leur partenaire comme dispensable, voire à considérer qu’un “non” est en fait un “oui”.
6 suggestions pour protéger les jeunes des ravages de la pornographie
Tanith Carey formule quelques suggestions pour protéger les jeunes des ravages de la pornographie si facilement accessible (qui devrait pourtant ne pas être visible par les moins de 18 ans) :
– Activer des filtres pour les contenus indésirables (en ayant en tête que limiter l’exposition des jeunes aux contenus pornographiques n’est pas suffisant et que le contrôle technique et unilatéral n’est pas le socle d’une relation de confiance) :
- bloqueur de publicités de type Adguard ou AdBlock
- installer SafeSearch dans les paramètres du moteur de recherche Google (les mêmes types de paramétrages sont possibles sur les autres moteurs de recherche)
- utiliser Family Link sur Android
– Montrer comment se débarrasser des contenus indésirables : fermer l’onglet ou la fenêtre, éteindre l’écran de l’ordinateur, utiliser un système de protection qui installe un bouton permanent sur l’écran à activer pour masquer une page Internet (exemple : le WorldSafetyButton d’Hector Protector)
– Rassurer sur le fait que se trouver face à des images pornographiques n’attire pas d’ennui et que les jeunes peuvent en parler librement sans risquer d’être puni ou sujets à une leçon de morale
– Parler de la pornographie en prenant les devants dès lors qu’il est envisagé que l’enfant surfe en ligne et expliquer que la pornographie ne représente pas la sexualité réelle mais que ce sont des acteurs qui font semblant devant une caméra
– Ne pas partir du principe que les jeunes ne tomberont jamais sur du contenu porno (même en étant prudents chez soi, les jeunes peuvent découvrir le porno chez des amis). D’où l’importance du dialogue ouvert, sans réaction excessive (punir l’enfant qui a vu de la pornographie, lui faire honte, l’interdire d’écran ou de visite chez ses amis est contre-productif).
Beaucoup d’adolescentes ne confient pas à leurs parents ce qu’elles ont pu voir car elles redoutent leur réaction. – Tanith Carey
–Parler de sexualité avec les enfants sans émettre uniquement des avertissements moraux ou effrayants mais en mettant l’accent sur la patience, la confiance, l’affection et le plaisir .
Pour aller plus loin : 3 piliers d’une éducation sexuelle et affective joyeuse et authentique
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Source : Stop à l’hypersexualisation : Protégeons nos filles ! de Tanith Carey (éditions L’Instant Présent). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet (site de l’éditeur).
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