La culpabilité dans la parentalité, impossible d’y échapper ?

La culpabilité dans la parentalité

Je suis toujours étonnée de lire des commentaires sur les réseaux sociaux de parents qui parlent de “culpabilité” dès qu’on évoque la parentalité bientraitante et les effets nocifs des violences éducatives ordinaires (fessée, punitions, récompenses, coin, chantage…). Pourtant, informer n’est pas culpabiliser. La personne qui se sent “culpabilisée” est en tension parce qu’elle sent bien qu’il y a un décalage entre ses valeurs, ses aspirations profondes et ses actes.

De plus, de nombreux parents s’engagent dans la parentalité bien-traitante sans se sentir culpabilisés, même si ce sentiment de culpabilité peut émerger ponctuellement quand on perd patience ou qu’on se montre moins bienveillants qu’on aurait aimé l’être. Ces parents s’engagent dans la parentalité bien-traitante parce qu’ils sentent que c’est ce qui est juste et ajusté, en sachant bien que ce chemin est long, qu’il sera semé d’embûches et que c’est une lourde tâche parce qu’il y a tant à désapprendre et à réapprendre !

La culpabilité peut être considérée comme une sonnette d’alarme qui attire notre attention sur un changement à opérer. Une fois le changement opéré pour aligner valeurs et actes, la culpabilité n’a plus d’utilité et disparaît. Nous pouvons donc choisir d’utiliser les informations sur les conséquences nocives des violences éducatives ordinaires et la culpabilité pour opérer un changement dans nos pratiques éducatives. Ce changement est facilité aujourd’hui par le nombre d’ouvrages, de groupes de soutien, de formations et de blogs qui proposent des outils et ressources pratiques pour y parvenir. Qui cherche l’information la trouvera forcément (j’en profite pour rappeler qu’il existe un moteur de recherche sur le blog dans lequel vous pouvez taper des mots clés et vous trouverez de nombreuses alternatives à la punition, aux récompenses ou encore au “coin”… la parentalité bien-traitante, c’est aussi se reconnecter à notre autonomie et à notre créativité dans une démarche proactive de recherche d’informations et de soutien quand c’est difficile).

Le seul fait que la culpabilité existe chez nous est l’expression même de notre plus profond désir d’être le meilleur atout de notre enfant. – Deborah Macnamara

La culpabilité provient du fait que l’on assume la responsabilité d’un enfant et qu’on prend soin de lui.

La culpabilité peut nous prendre par surprise quand quelque chose qui ne correspond pas à nos attentes se produit (ex : on crie alors qu’on s’était engagé à ne plus crier) ou que quelque chose ne fonctionne pas. La culpabilité a quelque chose à voir avec la perfection et la difficulté à accueillir ce qui se passe en soi.

Apprendre à reconnaître nos émotions avec vulnérabilité en lien avec nos besoins humains profonds peut prendre du temps mais les discerner et les verbaliser procure une grande sensation de soulagement.

Par exemple, il se peut que nous éprouvions de la culpabilité à l’idée d’avoir crié sur nos enfants ou à la compréhension que certains actes que nous pratiquons (tel que l’isolement forcé des enfants) sont en réalité nocifs pour leur santé mentale. Cette culpabilité est probablement en lien avec des valeurs et des besoins qui nous sont chers (par exemple, besoins de reconnaissance, de compétence en tant que parent, besoin de sens de ma valeur).

Ressentir la tristesse et peut-être même la peur (peur de ne plus être en lien, peur de causer du dommage à l’enfant, peur de ne pas savoir comment faire autrement par exemple) à la racine de la culpabilité nous permet de tirer les enseignements de nos actions et d’en sortir grandis.

Si nous n’acceptons pas ce travail qui consiste à descendre au fond de nous, alors notre culpabilité peut nous pousser au sur-fonctionnement, c’est-à-dire à devenir rigides, intolérants, intransigeants avec nous-même ou à être trop préoccupés par le contrôle de l’enfant. La culpabilité porté à son paroxysme peut également mener à la dépression ou au burn-out parental.

Cette culpabilité peut être transformée en terreau fertile quand elle permet de mieux connaître les valeurs importantes pour soi et quand elle aide à se tourner vers d’autres choix. Ces choix peuvent être petits, effectués pas à pas ou bien radicaux (ex : la famille déménage à la campagne pour échapper au stress de la ville, un des parents arrête de travailler pour du temps familial en quantité et en qualité, les enfants sont déscolarisés pour être instruits en famille…).

Pour ma part, toutes les lectures autour de la parentalité bien-traitante ont provoqué à la fois un soulagement et une grande colère en moi :

  • soulagement de savoir que c’était normal que les enfants fassent des crises et d’autant plus normal dans nos sociétés où rien n’est fait pour faciliter l’attachement et respecter les besoins fondamentaux des enfants;
  • colère parce que je ne comprends pas qu’on ait pu laisser l’organisation du monde du travail et de l’école à ce point empiéter sur la qualité de nos vies, sur nos relations familiales : évidemment que c’est difficile d’être bien-traitant quand on doit presser les enfants tous les matins pour les déposer à l’heure à l’école ou à la crèche, évidemment que c’est difficile d’être bien-traitant quand notre mémoire traumatique s’allume à chaque colère de notre enfant… Pourtant, difficile ne veut pas dire impossible et c’est notre devoir de parent que de tendre vers la bientraitance en tous lieux et en tous temps (nous sommes capable de ne pas frapper notre patron ou notre voisin quand ceux-ci nous contrarient… nous devons à nos enfants cette même maîtrise de nous-mêmes envers eux).

La culpabilité peut donc être une porte à pousser afin de voir au-delà… encore faut-il l’accueillir avec toute la vulnérabilité qu’elle requiert.

 

C’est le deuil de nos besoins insatisfaits qui délivre de la culpabilité.

La culpabilité peut être insupportable quand on prend en considération nos imperfections et nos incompétences. – Deborah Macnamara

On peut se libérer de la culpabilité quand on accepte de faire le deuil de la perfection et de la compétence. Ce deuil passe par un temps de reconnexion à soi, à nos émotions douloureuses et aux besoins qui n’ont pas pu être satisfaits au moment où nous avons fait l’action que nous regrettons désormais.

Les sentiments de culpabilité sont faits pour diriger les parents vers ce qu’ils peuvent changer et là où ils pourront faire une différence, de même qu’à les aider à prendre la décision d’agir autrement. Il y aura tout de même des moments où la seule réponse à la culpabilité sera de laisser couler nos larmes.

Ce sera le chagrin qui nous procurera l’apaisement envers les choses que l’on regrette, les moments où l’on ne réussit pas et le fait que nous soyons parfois impuissants à changer l’univers d’un enfant comme on aimerait le faire. C’est l’expression de notre culpabilité à travers des mots qui libérera les larmes qui doivent couler. Et ce sont ces larmes qui nous donnent un sursis du sentiment de ne pas être un assez bon parent, qui nous ronge à l’intérieur. – Deborah Macnamara

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Inspiration : Jouer, grandir, s’épanouir de Deborah Macnamara (éditions AU CARRÉ)