La parentalité respectueuse, est-ce ne jamais dire non ?
Les enfants ont-ils vraiment besoin de s’entendre dire non ? Oui et non à la fois !
Dans son livre La vie en famille : renouveler les valeurs fondamentales du vivre-ensemble, Jesper Juul affirme que les enfants ont définitivement besoin que nous leur disions “oui !” : oui à leur arrivée dans la famille et à leur existence, oui aux expériences et aux possibilités de développement qu’ils nous offrent à vivre.
Jesper Juul estime que la question : faut-il dire non aux enfants ? est mal posée. Les enfants n’ont pas besoin d’une certaine quantité de non mais ils ont avant tout besoin de la présence authentique de leurs parents. Le plus important est de permettre aux enfants de vivre et apprendre en interaction avec des adultes humains en chair et en os qui parlent à partir de leurs émotions, de leurs limites personnelles et de leurs valeurs (plutôt que de “il faut” ou de normes culturelles, sociales ou encore religieuses).
Les parents : des êtres humains authentiques, avec des limites personnelles et des valeurs
Jesper Juul remarque que les expressions du type “les enfants testent ou cherchent les limites” n’a pas de sens. Si un enfant présent un problème de comportement (opposition systématique, agressivité au delà de 6/7 ans, violence de nature physique ou verbale…), il a des chances pour que les adultes autour de lui jouent le “rôle” de parent (ou d’éducateur). Ce rôle amène les adultes à parler sans incarner ce qu’ils disent, à s’exprimer non pas à partir de leurs valeurs et limites personnelles mais à partir d’injonctions ou de règles toutes faites.
Les enfants vont tout faire pour découvrir s’il y a un être humain authentique, vulnérable et capable d’amour derrière le rôle. Jesper Juul écrit que les enfants testent notre capacité à nous montrer authentiques, présents et crédibles (et notre volonté de le faire).
Si vous voulons nous efforcer d’être authentique dans la relation à ceux que nous aimons, et avec qui nous formons une famille, nous devons régulièrement leur dire “non” pour une simple et bonne raison : le besoin de nous affirmer, de dire “oui” à notre intégrité personnelle. Nous devons de temps à autre dire non aux autres pour nous sentir entiers, pour ne pas nous compromettre, pour ne pas devenir leur victime, et pour préserver et nourrir l’équidignité au sein de la famille.- Jesper Juul
Dire non en ayant la conscience tranquille
Dans ce type de non éminemment personnel, Jesper Juuel parle de “non tout en ayant la conscience tranquille” puisque ce non émerge d’un alignement entre nos valeurs et nos paroles.
Ce “non tout en ayant la conscience tranquille” repose sur plusieurs piliers :
- formuler un non (ou un oui), personnel en fonction de la situation (âge de l’enfant, circonstances exceptionnelles, niveau de fatigue…), où le parent a pris le temps d’examiner la demande de l’enfant avant de répondre vraiment à partir de ce qu’il ressent de l’intérieur;
- savoir qu’un non opposé à un enfant va engendrer de la frustration et de l’opposition de sa part et être prêt à accueillir cette colère sans la censurer ou la prendre de manière personnelle. La colère de l’enfant est juste sa manière de se remettre de sa déception et de sa frustration;
- demander un temps de réflexion nécessaire si la demande de l’enfant nous met mal à l’aise et l’exprimer à l’enfant : “Je ne sais pas quoi te répondre là tout de suite. J’ai besoin de temps pour y réfléchir.”;
- se tenir prêt à entendre les arguments des enfants pour changer (ou pas) d’avis.
Nous pouvons également nous renseigner sur les besoins des jeunes enfants afin de savoir quand nos propres besoins doivent être mis derrière ceux des enfants. Dire non en ayant la conscience tranquille ne doit pas mener à de la négligence émotionnelle non plus. Par ailleurs, Jesper Juul prône une parentalité respectueuse, sans fessée ni punition.
Quand le non n’est pas entendu ou respecté
Une question de responsabilité personnelle de la part des adultes…
Certains parents disent qu’ils n’arrêtent pas de dire non mais ne se sentent jamais ni entendus ni respectés. Jesper Juul pense que l’explication vient souvent du fait que ces parents disent un non “conditionnel”. Leur ton signifie : “Je te dis non mais seulement si ça ne te rend pas trop triste ou que tu ne penses pas que je sois une mauvaise mère/ un mauvais père”. Ces parents disent donc deux choses en même temps et communiquent un message contradictoire.
Pour Jesper Juul, la mission des parents modernes est d’apprendre à assumer la responsabilité de leur ressenti, de leurs pensées et valeurs pour que chaque membre de la famille (adultes et enfants) ait l’opportunité d’assumer sa responsabilité personnelle.
De nombreux parents sont devenus dépendants de l’acceptation et de la compréhension des enfants, si bien que ces derniers se sont retrouvés soudain avec la responsabilité du bien-être de la famille, au détriment de tous les partenaires. Le contraire de la dictature des adultes, c’est la dictature des enfants. L’alternative, c’est l’équidignité et la responsabilité personnelle. – Jesper Juul
… et des enfants
Jesper Juul est convaincu que nous privons les enfants de leur responsabilité personnelle en faisant trop de choses pour eux et en ne les estimant pas compétents. Selon lui, tous les enfants de 12-14 ans (hormis handicap) sont capables de gérer seuls leur hygiène, leurs vêtements et la lessive qui va avec, de gérer leurs achats, de se faire à manger, de gérer leurs devoirs et leurs apprentissages scolaires. Il n’y a rien ni chez les garçons ni chez les filles qui empêcherait cela… si ce n’est dans la tête des parents !
Ainsi, Jesper Juul nous invite à nous poser quelques questions clés pour cheminer vers cette pratique de la responsabilité personnelle :
- Qu’est-ce qui distingue une attention et des soins appropriés d’une attention et de soins étouffants ou négligents ?
- Qu’est-ce qui est de l’ordre de l’exercice nécessaire du pouvoir et quand est-il question d’abus de pouvoir ?
- Où se situe la limite entre ma responsabilité de parent et la responsabilité personnelle de l’enfant ?
- Où se situe celle entre ma propre responsabilité et ma tendance à trop prendre de responsabilité ?
- Quand est-ce que j’exerce des soins, un pouvoir et une responsabilité pour satisfaire aux besoins réels de l’enfant ? Quand le fais-je uniquement pour me sentir utile ou uniquement par égard pour l’image que j’ai de moi-même comme père ou mère ?
Toutefois, nous sommes les héritiers d’un bagage culturel et historique dont nous ne nous libérerons pas facilement du jour au lendemain. Pour Juul, le meilleur antidote se nomme responsabilité personnelle, c’est-à-dire la capacité et la volonté de porter un regard critique sur nos propres actes et de faire le tri par rapport à ce que nous sommes ou non capables d’assumer vraiment de nous-mêmes.
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Source : La vie en famille : renouveler les valeurs fondamentales du vivre-ensemble de Jesper Juul (éditions Fabert). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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