Le regret maternel : un livre pour contrer les idées reçues autour du regret d’être mère

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J’avais déjà abordé la question du regret maternel sur le blog en chroniquant le livre Le regret d’être mère d’Orna Donath (éditions Odile Jacob). Grâce à son approche sociologique et des interviews de mères qui regrettent, Orna Donath déconstruit la rhétorique selon laquelle les femmes sont libres dans leur choix d’enfanter ou pas. En effet, de nombreuses critiques s’appuient sur le fait que ces mères se plaignent alors même qu’elles ont accès à la contraception ou à l’IVG, et qu’il n’y a pas d’obligation à devenir parent… donc qu’elles assument au lieu de se plaindre (et de perturber l’ordre social). Donath rappelle que nous vivons dans des sociétés natalistes (les naissances étant encouragées par des politiques familiales et des allocations) et que parler de “liberté de choisir” balaye le inégalités, les contraintes, les idéologies, le contrôle social et les relations de pouvoir. Orna Donath décrit plusieurs types de femmes qui sont devenues mères et le regrettent : celles qui ne voulaient pas d’enfant mais qui ont cédé pour une raison ou une autre; celles qui ne se sont pas posé de question et sont devenues mères parce que c’est ce qui arrive quand on se marie et qu’on vieillit; celles qui ont désiré un enfant mais se sont rendues compte avec l’expérience du choc que représente une vie avec un enfant.

Astrid Hurault de Ligny adopte un point de vue différent. Dans son ouvrage Le regret maternel, elle témoigne personnellement de son propre regret d’être mère, elle livre son histoire et son vécu, ses propres ressentis… qui peuvent résonner chez d’autres mères (peut-être plus nombreuses que ce qu’on croit). Astrid Hurault de Ligny raconte qu’elle a voulu son enfant, que son fils a été désiré par ses deux parents, qu’elle a vécu une grossesse idéale et que son accouchement s’est bien passé. Toutefois, elle relate que tout était sous contrôle avant la naissance. Elle ne s’attendait pas à perdre le contrôle à ce point.

Astrid Hurault de Ligny raconte ses difficultés avec l’allaitement et son acharnement parce qu’elle voulait être une bonne mère et qu’elle était pétrie de peurs (et de comparaisons avec d’autres mères). Elle raconte aussi les effets de la fatigue les premiers mois, les problèmes médicaux de son fils, les attentes irréalistes déçues, l’anxiété originelle accentuée par les craintes liées à la parentalité… la menant à une dépression post partum.

Pour décrire le regret d’être mère, l’autrice explique que la personne qu’elle était avant lui manque. Elle ajoute qu’elle aime son enfant plus que tout au monde, mais que le regret maternel n’a rien à voir avec l’amour : c’est le rôle de mère qui est pesant et même aliénant. L’autrice fait la comparaison entre la relation parent/enfant et la relation de couple : il arrive que deux partenaires soient en désaccord  mais cela ne veut pas pour autant dire que les partenaires ne sont plus amoureux. C’est la même chose pour l’enfant : ce n’est pas parce qu’il nous épuise qu’on ne l’aime plus.

Il faut savoir que, puisque le regret est un ressenti, il ne se soigne pas, contrairement à la dépression post-partum. Cependant, il peut s’estomper, voire disparaître avec le temps. … Le regret d’être mère n’est pas non plus à confondre avec l’ambivalence maternelle. Un exemple qui revient souvent pour l’illustrer : avoir hâte que son enfant soit couché pour pouvoir enfin souffler après une journée chargée. – Astrid Hurault de Ligny

Les mères qui ressentent le regret maternel n’ont pas choisi de vivre ni de ressentir cela, mais elles vont plutôt le subir, de la même manière qu’elles subissent le rôle perpétuel et éreintant qu’est la maternité. Astrid Hurault de Ligny raconte qu’elle vit une bataille intérieure permanente : elle souhaite du temps pour elle, mais il faut qu’elle s’occupe de son fils, sinon elle se sent coupable. L’autrice est lucide sur le terreau de ce regret maternel : une anxiété exacerbée avant même d’être mère, une sensibilité élevée, un besoin de reconnaissance jamais comblé, un perfectionnisme qu’elle attribue à sa propre enfance faite d’un manque de lien affectif.

J’ai apprécié cet ouvrage parce qu’Astrid Hurault de Ligny répond aux idées reçues autour du regret d’être mère et voudrait contribuer à la libération de la parole atour de la difficulté maternelle. Ainsi, elle aborde la communication conjugale et les inégalités dans le couple, elle suggère quelques solutions pour atténuer le regret, elle se demande s’il faut évoquer le regret avec son enfant. Dans la conclusion de son livre, Astrid Hurault de Ligny formule quelques conseils (pas magiques, mais qui peuvent être aidants et déculpabilisants à lire ou à entendre) :

  • ne pas éprouver de honte et oser en parler (au père de l’enfant, au médecin ou à la sage-femme, à des proches de confiance) en précisant qu’on a besoin d’écoute et d’empathie, et non pas de conseils ou de jugements,
  • lâcher prise sur certaines choses et déculpabiliser parce que chaque mère qui éprouve du regret veut le meilleur pour son enfant malgré tout et fait de son mieux,
  • déléguer,
  • consulter un psychologue.

Le récit est ponctué par les éclairages d’une psychologue spécialisée en périnatalité, et cette combinaison narratif personnel/ éléments théoriques livre des pistes pour mieux comprendre le regret maternel, et mieux le vivre.

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Le regret maternel : quand le rôle de mère est trop lourd à porter d’Astrid Hurault de Ligny (éditions Larousse) est disponible en médiathèque ,en librairie ou sur internet.

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