Les enfants à forte volonté : que peuvent-ils nous apprendre ?
Les enfants à forte volonté peuvent présenter de nombreux défis aux parents (et à toute personne qui les côtoie). Ces enfants expriment leurs sentiments de manière plus explosive et plus fréquente que la moyenne. Cela est particulièrement vrai dans les jeunes années ou en situation de stress.
Sous le coup, les adultes n’ont en général qu’une envie : que la crise cesse… et le plus vite possible ! Or tous les enfants, qu’ils soient très démonstratifs ou pas, ont surtout besoin d’être entendus et d’espace et de temps pour que leurs émotions soient reconnues.
Parfois (souvent ?), c’est ce que nous essayons de mettre en place auprès des enfants sous forme de nomination des émotions… sans succès. Le problème peut précisément venir du fait que nous voulons changer les enfants, que nous voulons qu’ils arrêtent de se comporter de cette manière que nous jugeons au pire inacceptable, au mieux désagréable. Mais les enfants ne sont pas (encore) capables de contrôler leurs émotions.
Une manière plus efficace d’accompagner les enfants à forte volonté serait d’accepter de manière inconditionnelle les émotions et la personnalité de l’enfant.
L’acceptation des émotions ne passe pas que par les mots.
Accueillir et valider les émotions des enfants passe par une connexion physique avant même la connexion verbale : un regard chaleureux, un sourire encourageant, une voix douce, une posture qui communique à l’enfant notre volonté de le voir, de l’entendre, de l’accepter tel qu’il est, dans toute sa personne.
Cette posture ne peut se faire qu’à une condition : avoir pour objectif de proposer une réponse aidante et de se connecter authentiquement avec l’enfant (et non pas de les aider à maîtriser ou calmer leurs émotions).
Notre communication non verbale nous “trahit”, c’est-à-dire que nous devons être convaincus de cet objectif à long terme d’accueil et d’acceptation inconditionnelle de l’enfant. Dans le cas contraire, nos enfants percevront à travers des micro expressions dont nous n’avons pas conscience que nous cherchons à les changer, à les manipuler.
Il ne s’agit donc pas juste de reconnaître et nommer les émotions (“Tu as l’air en colère”) mais de passer le message selon lequel nous sommes à l’aise avec le fait que l’enfant nous fasse assez confiance pour laisser libre cours à ses émotions en notre présence (“Je suis OK avec cette émotion qui te traverse. Je voudrais vraiment comprendre ce qui se passe en toi. Continue à partager cela avec moi aussi longtemps que tu en as besoin”.)
Cette attitude est extrêmement difficile car elle n’est pas à confondre avec l’attitude qui consisterait à nommer les émotions juste pour les faire taire.
Quand les enfants perçoivent que nous pratiquons l’écoute active plus pour avoir la paix que pour chercher à les comprendre et les soutenir, ils vont avoir tendance à s’opposer : “Non, je ne suis pas en colère !”, “Non, je n’ai pas faim !”. Cette opposition signifie : “Arrête de chercher à changer mes émotions, laisse moi juste du temps et de l’espace pour les vivre !”.
Dans tous les cas, les clés sont la patience, l’acceptation inconditionnelle et l’attribution juste des responsabilités (“ces émotions appartiennent à mon enfant, pas à moi”).
A partir du moment où nous chercherons à “faire” quelque chose avec les émotions des enfants, nous ne sommes pas dans une attitude d’acceptation inconditionnelle.
Plutôt que dire “tu es en colère/ tu ressens de la frustration”, nous gagnerions à
- ouvrir des possibles : “Tu as l’air très en colère” ou “Cela peut être vraiment décourageant quand…/ frustrant quand…”;
- poser des questions… et respecter la réponse : “Est-ce que ressens de la tristesse ? Est-ce que tu souhaites en parler ?”;
- faire preuve d’empathie : “Tu ne voulais pas…”, “Tu aurais aimé…”.
Haïm Ginott le disait déjà il y a des décennies :
Parfois, les mots sont même inutiles : une présence calme permet à l’enfant de laisser échapper la pression sans que les enfants se sentent jugés ou manipulés. Maîtriser des méthodes de relaxation ou de respiration permet de garder le cap.
Les enfants, et c’est d’autant plus vrai pour les enfants à forte volonté, ont besoin de décharger leurs émotions intenses régulièrement. Il est donc aidant de s’attendre à des réactions émotionnelles intenses même face à des déceptions ou frustrations que nous estimons mineures. Ce qui peut apparaître comme un problème pour nous est en fait une décharge normale, saine.
Les explosions émotionnelles doivent être autorisées sans chercher à être maîtrisées.
Il est illusoire de s’attendre à ce que les jeunes enfants soient capables de nommer et contrôler l’intensité de leurs émotions. La partie du cerveau qui contrôle nos impulsions, nos émotions, le cortex préfrontal, et les circuits neuronaux reliant le cortex préfrontal (=raison) au cerveau archaïque (=émotionnel) ne commencent à maturer qu’à partir de 5 ans. Avant 5 ans, l’enfant ne peut donc pas contrôler ses émotions : il est incapable de prendre du recul sur ce qu’il vit. Un petit enfant vit les émotions avec beaucoup plus d’intensité que les adultes.
Garder en tête que les apprentissages prennent du temps permet de conserver une attitude accueillante d’amour inconditionnel et de confiance dans les capacités de l’enfant à acquérir des compétences émotionnelles. Par ailleurs, être doté d’une forte volonté représente-t-il réellement un problème dans la vie en général ?
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