Les inconvénients des tableaux de comportements ou des systèmes de couleurs. 

Les inconvénients des tableaux de comportements ou des systèmes de couleurs

Les tableaux de comportements ou systèmes de couleur s’inscrivent dans un système de punitions/ récompenses.

Les tableaux de comportements sous différentes formes (via des systèmes de croix ou de couleurs) sont souvent utilisés pour modeler le comportement des enfants, en classe ou à la maison. Ces tableaux de comportement sont souvent présentés comme une alternative aux méthodes plus répressives. Le comportement des enfants est affiché selon s’ils se comportent bien ou mal : ils ont une croix ou changent de couleur ou de niveau selon le nombre de bêtises ou comportements non conforme. A un nombre de croix ou une couleur prédéterminés, une punition ou une récompense est donnée.

L’objectif des enfants est tantôt d’avoir le moins de croix possibles, tantôt de rester “dans le vert“. Ils savent qu’ils seront sanctionnés s’ils sont dans le “rouge” ou dépassent le nombre de croix prédéfinis; ou bien qu’ils seront récompensés s’ils sont dans le vert ou exempt de croix au bout d’un temps donné. Pourtant, dans les classes, il apparaît que les mêmes enfants basculent dans le rouge d’une semaine sur l’autre : on peut alors s’interroger sur l’efficacité de ces tableaux sur l’évolution de leurs comportements. Le système des couleurs ne semble fonctionner que pour les enfants qui parviennent à comprendre et respecter les attentes des adultes. Il semblerait que ces derniers n’aient même pas besoin d’un système de punition/ récompense : sans la peur de la sanction ou l’espoir d’un privilège, ils seraient malgré tout capables de se comporter selon les attendus.

Si les tableaux de comportements ne suffisent pas à orienter les comportements inappropriés des enfants avec des difficultés et qu’ils sont inutiles pour ceux qui n’en ont pas, à quoi peuvent-ils bien servir ? Les tableaux de comportements vont générer du stress et de la peur, et inciter les enfants à élaborer des techniques “pas vu, pas pris“. Les enfants qui se retrouvent stigmatisés à force d’être dans le rouge en viennent à  se décourager et à ne plus faire d’efforts pour se conformer aux attentes. Certains risquent même de tourner le système en dérision et chercher à être dans le rouge le plus vite possible (“Le premier dans le rouge cette semaine gagne”, “On fait un concours de croix cette semaine”). Être puni devient même une sorte de trophée, jouer à avoir le plus de croix permet de retrouver du pouvoir sur le système, faire le clown devient une identité valorisée pour l’enfant dans le rouge. Certains enfants peuvent trouver de la fierté à être le caïd de la famille ou de la classe.

De plus, ce système n’offre pas de solution aux élèves en difficultés. C’est bien le problème des punitions : elles sanctionnent des comportements mais n’enseignent pas de compétences émotionnelles et relationnelles. Un système fondé sur l’enseignement de compétences semble plus utile et plus respectueux. Il s’agit de changer de paradigme : éduquer n’est plus synonyme de récompenser et de punir, mais d’anticiper et de transmettre des outils.

Certains élèves confrontent les adultes à des défis considérables et il peut être nécessaire, tant pour ces enfants que pour les adultes qui les entourent, de faire appel à des professionnels (RASED, neuropédiatres, pédopsychiatres…).

Les tableaux de comportements ne favorisent pas les apprentissages scolaires et ne développent pas les compétences psychosociales. 

Le principal problème des tableaux de comportement et des systèmes de couleur est qu’ils ne fournissent pas les compétences émotionnelles et relationnelles nécessaires pour apprendre quoi faire et comment le faire afin de vivre pacifiquement dans un groupe et de “travailler à l’école” (les tableaux de comportement à l’école comportant souvent des catégories en lien avec le soin apporté aux affaires et la quantité de travail fourni).

Les enfants dans le rouge ou avec des croix risquent de développer de la rancoeur contre les adultes, de la honte, du déni de la responsabilité individuelle (puisqu’on est sanctionné, alors cela signifie qu’on a payé pour ses fautes), des falsifications de notes ou encore des cachotteries (“quand le chat n’est pas là, les souris dansent”). Ainsi, les enfants n’apprennent ni à coopérer, ni à respecter les règles parce qu’elles sont bonnes pour les groupe, ni à co-construire ces règles (et les faire évoluer en fonction des besoins), mais viennent à l’école avec la boule au ventre ou avec l’envie de transgresser pour se conformer à leur rôle de caïd ou de rigolo de service.

Les tableaux de comportement sont également sources d’insécurité pour les enfants parce que l’adulte, selon son niveau de fatigue ou de stress, peut sanctionner (ou non) une même action d’un jour sur l’autre. Par ailleurs, les croix et changements de couleur peuvent être contestés par les élèves entraînant des justifications inutiles et interminables.

Ces outils sont non seulement inefficaces mais surtout d’une violence psychologique qui enferme l’enfant dans une résonance émotionnelle toxique : se soumettre (tristesse), se rebeller (colère), s’extraire (peur), se taire (honte)… Pour les enfants dont les comportements adéquats sont déjà acquis, rien dans ces outils ne permet d’évoluer : ils sont récompensés par absence de punition, pour quelque chose qu’ils savent déjà et, en cas d’accident de parcours, ils sont rétrogradés (ce qui démontre, si besoin est, l’incongruité pédagogique de l’outil). Pour les enfants qui ne réussissent pas à répondre aux attentes de l’enseignant en termes de comportements, les brimades associées à la sanction creusent l’écart plutôt que de le réduire. – Laurence Dudek

L’utilisation des tableaux de comportement est d’autant plus contre productive qu’il existe d’autres approches non humiliantes pour favoriser l’acquisition de compétences émotionnelles et développer l’auto discipline.

 

5 alternatives aux tableaux de récompenses

1.S’assurer que toutes les règles sont claires

Les attentes des adultes ne font pas toujours image dans la tête des élèves. Il peut être utile d’expliciter ce qui est attendu en détail, en termes de gestes et comportements à adopter. Ainsi, la consigne “Ne pas couper la parole” sera plus claire si elle est formulée dans un langage affirmatif qui explicite la chronologie de la règle : “Je finis de parler, ensuite tu lèves la main. C’est seulement quand je dis ton nom que tu peux prendre la parole et dire à haute voix ce que tu as à dire.” Un signe non verbal peut être ajouté : un clin d’oeil pour signifier qu’on a vu l’enfant, un hochement de tête ou encore un sourire.

De même, un enfant à qui on dit de se concentrer ou de se calmer ne sait pas forcément comment s’y prendre : il a besoin de savoir quoi faire, dans quel ordre, et de s’y entraîner régulièrement.

L’acronyme PARCA permet de garder en tête des principes de communication qui facilitent la compréhension des consignes par les enfants. PARCA sont les initiales de : Précision, Abréviation, Répétition, Contact, Affirmation.

Lire aussi : PARCA : un acronyme pour améliorer la compréhension des consignes par les enfants

 

2.Décrire et proposer des alternatives

Plutôt que punir un comportement, il est plus efficace pour modeler les attitudes attendues d’aider un enfant à identifier dans quelle mesure ce qu’il fait perturbe les autres. Décrire le comportement qui pose difficulté lui permet d’en prendre conscience. Par exemple : “Tu es en train de faire du bruit avec ta gomme. Cela empêche les autres de travailler et on dirait que tu as besoin de bouger avant de pouvoir te remettre au travail. Qu’est-ce qui t’aiderait à être prêt ?”

 

3.Montrer des outils de régulation de l’impulsivité et faire en sorte que les enfants s’en emparent

  • Des exercices et routines peuvent être montrées aux enfants afin qu’ils se régulent de mieux en mieux. Un mot clé pourra être convenu entre adultes et enfants : quand l’un ou l’autre prononce ce mot, l’enfant activera sa routine. Ces outils de régulation peuvent être des exercices de respiration, des exercices de visualisation ou encore des petits mouvements.

>>> Des idées de régulation :  28 idées de stratégies pour répondre aux besoins sensoriels des enfants (agitation, déconcentration, agressivité…)

 

  • Il est également possible d’enseigner aux enfants et adolescents comment élaborer des programmes construits sur le modèle “si… alors”. L’objectif est de se créer des scénarios alternatifs solides pour réorienter les intentions. Ces programmes consistent en des affirmations spécifiques à se répéter dans la tête en guise de consignes à soi-même. Cette manière d’aborder le contrôle de soi permet d’anticiper les obstacles et tentations puis de trouver des solutions efficaces afin de les surmonter. Il est plus efficace d’anticiper les tentations et de tout faire pour les éviter plutôt que d’essayer d’y résister.

 

  • Les feux tricolores peuvent également être détournés : au lieu d’être un outil de contrôle et de sanction, ils apprennent aux enfants à réguler leur impulsivité via une signalisation graduelle qui indique quand le comportement est OK, quand le comportement a besoin d’être tempéré et quand le comportement doit cesser. Il arrive que les enfants soient tellement excités, tellement pleins d’énergie ou tellement jeunes qu’ils ne peuvent tout simplement pas réguler leurs émotions sans aide. Un enfant de 3 ou 4 ans qui arrive dans la cour de récréation et bouscule ses camardes pour monter sur le toboggan ne le fait pas par méchanceté mais a besoin du soutien d’un adulte pour apprendre à adopter un comportement socialement approprié. Plutôt que dire à cet enfant “calme toi” (ou, pire, le punir et l’isoler), nous pouvons commencer par reconnaître son enthousiasme et son énergie débordante : “Wow, tu es plein d’énergie aujourd’hui et tu as vraiment envie de faire du toboggan.  J’ai l’impression que cette énergie a besoin d’être évacuée !” Dans un deuxième temps, nous pouvons utiliser la référence aux feux de signalisation pour indiquer que son enthousiasme a besoin d’être modéré dans la zone du toboggan : “L’aire de jeu est une zone Orange, ça veut dire qu’il faut ralentir. Montre moi comment tu fais pour ralentir.” Il est possible de rediriger le comportement de l’enfant vers une autre activité : “Tu peux courir dans la zone goudronnée, c’est une zone Verte.”

 

4.Aménager l’environnement 

Il est souvent plus efficace d’agir sur l’environnement que d’agir sur les enfants. Si l’on souhaite que les enfants parlent moins fort, on peut leur parler tout bas en se mettant à leur hauteur. Le ton des enfants va alors baisser par absorption de l’ambiance calme. En classe, on pourrait aussi désigner un enfant responsable du silence (changement de rôle chaque semaine : celui-ci tapera un gong quand le niveau sonore augmente (ce signal signifiant qu’il faut se remettre à chuchoter).

Si l’on souhaite que les enfants rangent, mieux vaut installer du mobilier à leur hauteur, accessible, pratique et prévu à cet effet. C’est l’aménagement de l’espace qui incite à agir de telle ou telle façon.

Il est envisageable d’aménager un coin repos, à l’école ou à la maison. Tous les enfants ne gèrent pas la fatigue ou le stress de la même manière. Autoriser à toute heure un temps de repos aide les enfants à se ressourcer et s’apaiser. Cela peut être une tente en tissu avec un tapis épais ou des gros coussins puis quelques doudous et des couvertures.

Lire aussi : Aménager l’intérieur de la maison pour réduire les conflits avec les enfants et nourrir leurs besoins (autonomie, apprentissage, beau…)

On pourrait faire une liste des manières qui ont été efficace par le passé pour amener le calme et l’intérêt des enfants (exemples : lire une histoire ou raconter un conte, colorier un mandala…) et se doter d’une boîte à outils des bonnes pratiques.

 

5.Permettre aux enfants de communiquer leur état émotionnel et prendre ce dernier en compte

Un système de communication sur les états émotionnels peut être installé à la maison comme en classe  (par exemple, sous forme d’un tableau à l’entrée de la classe, avec des illustrations des 4 émotions principales : colère, peur, tristesse, joie). L’idée est de permettre à chaque élève de mettre sa photo/ son nom sur un picto ou un smiley représentant son émotion du moment. L’adulte aura accès à l’humeur des élèves et pourra la prendre en compte. Ainsi, si un élève arrive en classe en colère ou bien triste et qu’il l’exprime sur le tableau des émotions, l’adulte pourra adapter ses attentes ou lui accorder plus d’attention.

 

Plus de ressources pour l’école :

…………………………………

Inspirations :

L’impasse de la punition à l’école : Des solutions alternatives en classe de Éric Debarbieux et Collectif (éditions Armand Colin). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

Commander L’impasse de la punition à l’école sur Amazon, sur Decitre, sur Cultura ou sur la Fnac

 

Une éducation bienveillante et efficace ! de Laurence Dudek (éditions First). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

Commander Une éducation bienveillante et efficace ! sur Amazon, sur Decitre, sur Cultura ou sur la Fnac