Les pères “n’aident pas” les mères, ils sont autant parents que les mères.

Les pères _n'aident pas_ les mères, ils sont autant parents que les mères.

Dans son livre L’éducation vraiment positive : Ce qu’il faut savoir pour que les enfants soient heureux… et les parents aussi !, Béatrice Kammerer s’interroge sur la charge que l’éducation positive fait porter sur le dos des mères. Elle constate que des messages du type ” Mon bébé pleure toutes les nuits et je suis épuisée” ou “Mon enfant tape et mord : je suis perdue et ne sait pas comment réagir” reviennent de manière récurrente de la part des mères dans des forums ou groupes privés dédiés à l’éducation positive. Souvent, il leur est répondu de mettre en place telle astuce de communication ou de regarder telle vidéo sur les raisons des colères des enfants ou encore de faire une cure de magnésium (ou bien d’autres membres alertent sur un éventuel début de burn out maternel). En soi, ces réponses ne sont pas mauvaises (même si elles passent parfois à côté de l’empathie et du soin communautaire dont ces mères auraient besoin).

Mais Béatrice Kammerer s’interroge sur la présences des pères : et les pères, où sont-ils et que font-ils ? Pourquoi apporter des réponses à la souffrances des mères en faisant comme s’il n’y avait pas de pères et comme si les tâches éducatives ne relevaient pas également de leurs responsabilité ?

On pourra toujours trouver des contre-exemples (des pères qui prennent un congé parental long, des pères présents sur des groupes dédiés à la parentalité, des auteurs et blogueurs qui se consacrent à l’éducation positive ou encore des hommes qui assistent à des conférences d’Isabelle Filliozat). Pourtant, de manière dominante, ce sont les mères qui s’intéressent à l’éducation positive, qui font l’effort de chercher des informations et qui postent le plus souvent dans des groupes de soutien à la parentalité (je peux confirmer cette tendance féminine dans les commentaires laissés sur la page Facebook de mon blog). Béatrice Kammerer rappelle que les pères “n’aident pas” les mères, ils sont autant parents que les mères.

Si l’on s’entend sur le fait que, quelles que soient les familles, les pères ont le devoir moral de prendre leur part pleine et entière des tâches nécessaires aux soins et à l’éducation de leur enfant, force est de constater que cet impératif est d’autant plus crucial quand on choisit pour sa famille un idéal éducatif aussi ambitieux que celui de l’éducation positive. Car l’enjeu est à la fois celui de l’équité et de l’efficacité : comment peut-on espérer l’avènement d’une société plus respectueuse de l’enfant, à l’écoute de ses besoins, plus émancipatrice et moins violente en ne faisant reposer cette transformation sociale que sur la moitié des parents, c’est-à-dire en se privant de l’énergie et des ressources des 50% restants ? – Béatrice Kammerer

 

Suggestions à destination des mères en souffrance

Béatrice Kammerer reconnait qu’il n’est pas possible de résoudre en quelques lignes le problème des inégalités entre les hommes et les femmes et en particulier entre les mères et les pères (en terme de charge mentale et de travail émotionnel) mais elle se risque à formuler quelques pistes :

  • s’interroger sur les injonctions de mères parfaites et sacrificielles que nous avons toutes (ou presque !) intériorisées
    • Dans quelle mesure sommes-nous en tant que mères nos propres bourreaux et à quoi sert la course à la mère parfaite ?
    • Dans quelle mesure le contexte (politique, culturel, économique) nous impose des contraintes (durée courte du congé maternel,faible rémunération du congé parental, précarité et insécurité financière, familles monoparentales…) et des modèles irréalistes (mères toujours souriantes, foyer toujours en ordre, la famille c’est que du bonheur…) nous seulement en totale contradiction mais également ?

 

  • s’autoriser un sain égoïsme avant d’exploser en vol ou de tomber dans la maltraitance (répondre à nos besoins pour pouvoir répondre à ceux de nos enfants)

 

  • privilégier l’empathie et la solidarité aux conseils et à la condescendance envers les autres parents (comme nous le ferions avec nos enfants : toujours d’abord nous connecter émotionnellement avant de chercher à conseiller ou à rediriger les comportements)

 

  • reconnaître notre propre valeur en tant que mères en nous apportant à nous-mêmes des signes de reconnaissance positive (remarquer et valoriser par nous-même et pour nous-même ce que nous faisons bien)

 

  • créer ou trouver une “ccopérative de maternage” (expression de Sarah Blaffer Hrdy) auprès de la famille, d’amis, de personnes ressources dans un lieu dédié…

Lire aussi : Dompter le problème de la charge mentale des mères

 

Suggestions à destination des pères qui désirent s’impliquer davantage

Parler des déséquilibre entre pères et mères ne peut pas faire l’économie des stéréotypes genrés : pour Béatrice Kammerer, les pères rencontrent des freins dans leur mouvement vers une parentalité plus impliquée. Non seulement les pères sont considérés comme des “handicapés de la parentalité” mais l’apprentissage de compétences socialement vues comme féminines (prendre soin, écouter les émotions, répondre aux pleurs, bercer un bébé, prendre un temps partiel pour s’occuper des enfants, mener les enfants chez le médecin…) représenterait une menace pour leur virilité. Ces freins sont renforcés par une résistance de certains hommes (construite socialement) à se remettre en question et à accepter de ne plus être vus comme une incarnation de l’autorité.

Là encore, Béatrice Kammerer liste des suggestions à destination des pères qui désirent s’impliquer davantage :

  • renoncer à la masculinité telle qu’elle est valorisée dans notre culture et accepter de pleurer, de se montrer vulnérables, de s’excuser en cas d’erreur

 

  • s’envisager comme fortement compétents : hommes comme femmes peuvent tout à fait faire preuve de compétences émotionnelles et apporter des soins appropriés aux bébés et aux enfants

 

  • prendre sa part pleine et entière en reconnaissant que choisir d’être en couple et de devenir père, ce n’est pas “aider” sa femme mais contribuer à la vie du foyer de l’intérieur (tâches éducatives et domestiques, charge mentale, travail émotionnel)

 

  • offrir aux enfants, filles comme garçons, un modèle de père vivant toute la palette des émotions humaines et capables d’investissement domestique  (un papa sait aussi bien qu’une maman bercer, porter, changer une couche, accompagner les enfants à l’école ou chez les médecins, acheter des vêtements aux enfants à la bonne taille, connaître la date de rappel des vaccins…).

 

Pour aller plus loin : Les pères n’ont pas de rôle de séparation précoce : une conception occidentale du rôle du père erronée

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Source : L’éducation vraiment positive : Ce qu’il faut savoir pour que les enfants soient heureux… et les parents aussi ! de Béatrice Kammerer (éditions Larousse). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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