La théorie de l’attachement explique les effets néfastes de la violence éducative (y compris dite “ordinaire”) sur la personnalité des enfant
Connaître la théorie de l’attachement pour mieux comprendre les besoins des enfants
La théorie de l’attachement, telle que conçue par J. Bowlby, indique qu’un bébé a besoin d’être sécurisé, dès sa naissance, par des adultes qui répondent à ses besoins. Ces besoins d’attachement sont vitaux et sont actifs tout au de la vie des humains (adolescence et vie adulte comprises).
Le système d’attachement a comme objectif de maintenir la proximité du bébé avec sa figure d’attachement pour que cette dernière satisfasse ses besoins vitaux. Les petits humains disposent, dès la naissance, d’un répertoire comportemental qui lui permet d’obtenir cette proximité (pleurs, cris, bras tendus, doigts qui s’accrochent).
Selon la qualité des soins qu’il reçoit (et donc son style d’attachement), un enfant se forme un modèle :
- de lui-même comme aimable et digne de respect (ou comme indigne d’amour et mauvais);
- des autres comme des personnes ressources fiables (ou plutôt des menaces dont il faut se méfier et auxquelles ne pas faire confiance).
La principale caractéristique qui différencie un attachement sécure d’un attachement insécure est liée au fait que, dans le premier cas, le parent répond adéquatement aux signaux et aux besoins de l’enfant et ce dernier n’a pas d’effort particulier à faire pour être entendu et objet d’attention, d’affection. Dans le second cas, la réponse est soit inadaptée, soit incohérente, ce qui conduit l’enfant à devoir mettre en place des stratégies particulières d’adaptation
L’attachement insecure
Chez les enfants à l’attachement insecure, explorer le monde et faire de nouveaux apprentissages peuvent constituer des défis insurmontables.
Quand les parents ne fournissent pas aux enfants une base sécure vers laquelle se replier à tout moment, en rejetant leurs comportements de rapprochement, en se moquant d’eux, en ne leur prêtant aucune attention ou simplement en n’étant pas présent ni disponible, les enfants sont limités dans leurs explorations qui s’avèrent bien trop dangereuses dans ces conditions.
L’estime de soi est une composante du modèle interne opérant qui varie en fonction de la manière dont les parents traitent l’enfant. Un modèle interne opérant est un schéma de comportement élaboré au fil de l’enfance et de l’adolescence à partir des expériences individuelles. Les expériences avec les parents sont celles qui influencent le plus les modèles internes opérants. Ils permettent aux humains de savoir à quoi s’attendre dans la vie et de la part des autres sans avoir à chaque fois à retraiter intégralement toutes les informations venues de l’extérieur. Les modèles internes opérants fonctionnent comme des mécanismes de pensée automatique qui ancrent des manières de réagir comme des réflexes.
Ces modèles internes opérants doivent pouvoir rester souples et modifiables pour intégrer de nouvelles informations encore jamais rencontrées ou des remises en question de ce qui était considéré comme vrai jusqu’alors. Les humains à l’attachement insecure fournissent une base fragile qui limite les explorations et freine les apprentissages (qui sont par définition synonymes de nouveauté).
Lien entre attachement insecure et échec scolaire
La dimension affective, souvent négligée dans les raisons de l’échec scolaire
Jean-Pierre Thielland, psychopédagogue et auteur du livre Je peux la taper, elle est de ma famille, alerte sur le lien qu’il peut y avoir entre attachement insecure, consécutif à des violences éducatives y compris dites ordinaires (fessée, tirage de cheveux ou d’oreille, punition, isolement forcé, négligence affective, répression des émotions et des besoins de l’enfant, phrases dévalorisantes…), et échec scolaire. Il regrette que cet aspect soit assez peu pris en compte dans les dispositifs d’aide à la scolarité.
En effet, un enfant qui est éloigné de ses émotions authentiques et de ses besoins manque de sécurité intérieure. Il ne peut pas se fier à sa boussole interne que représente ses émotions et qui l’éloignent de ce qui est mauvais pour lui tout en l’attirant vers ce qui est bon. Il est mis dans l’incapacité de se fier à ses émotions pour se repérer et s’orienter; il manque de la confiance nécessaire pour explorer l’inconnu et affronter les nouvelles situations déstabilisantes rencontrées dans les apprentissages scolaires.
Un enfant dont le parent nie systématiquement les émotions (en déclarant les colères ou les tristesses comme des caprices ou en envoyant l’enfant dans sa chambre pour qu’il se calme et réfléchisse) se sent abandonné et acquiert progressivement la conviction que personne n’est là pour lui, qu’il ne peut pas se “replier” vers une base de sécurité et de soutien en cas de problème.
Attachement insecure : sentiment d’efficacité personnelle et goût pour la nouveauté empêchés
Des enfants victimes de violence éducative y compris ordinaire ne peuvent pas développer leur sentiment d’efficacité personnelle pourtant essentielle dans tout nouvel apprentissage. Ces enfants ont peur à la fois de l’exploration, de la nouveauté et de l’échec (ils peuvent ne pas supporter de se tromper car ils s’identifient avec cet échec mais ils peuvent également redouter les mauvaises notes qui vaudront des punitions, voire des coups, à la maison).
Par ailleurs, un enfant tapé ou humilié (“tu es nul”, c’est pourtant facile, tout le monde y arrive sauf toi”, “les études, c’est pas pour toi mon pauvre”) au moment des devoirs va établir un rapport traumatique au travail scolaire. Tout ce qui se rapporte à l’apprentissage devient source de danger.
Pour éviter le déclenchement de sa mémoire traumatique, l’enfant met en place des conduites de contrôle et d’évitement vis-à-vis de tout ce qui est susceptible de la faire exploser : mise à distance des apprentissages scolaires, retrait intellectuel, peur de l’inconnu, irritabilité et intolérance au stress. – Jean-Pierre Thielland
3 axes à travailler dans la prévention de l’échec scolaire en lien avec la théorie de l’attachement
Jean-Pierre Thielland nous invite à travailler sur trois axes souvent mis de côté dans la prévention de l’échec scolaire :
- 1.sensibiliser les parents aux conséquences de la violence éducative, y compris ordinaire, car peu de parents sont disposés à imaginer un lien entre les difficultés scolaires de leur enfant et leurs propres actes de maltraitance en lien avec leurs exigences éducatives;
- 2.sensibiliser les enseignants à la dimension affective de certaines difficultés scolaires et leur permettre de devenir des figures d’attachement secondaires;
- 3.former les psychopédagogues au mécanisme de la mémoire traumatique et aux travaux d’Alice Miller (notamment concernant la notion de témoin secourable éclairé).
Toutes les difficultés scolaires ne sont pas liées à un attachement insecure (les troubles dys par exemple n’ont rien à voir et ont des causes neurologiques) mais il est important de ne pas occulter cet aspect qui, parfois, se cumule à d’autres difficultés.
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Source : Je peux la taper, elle est de ma famille : Attachement et violence éducative ordinaire de Jean-Pierre Thielland (éditions L’Instant Présent). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet (site de l’éditeur).
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