Ce qu’est la Violence Éducative dite Ordinaire (VEO)
La Violence Éducative dite Ordinaire se caractérise par des violences de plusieurs natures (physique mais aussi émotionnelle et verbale). Dans cette expression, le terme “éducative” renvoie à l’idée que les adultes pensent que les enfants doivent souffrir pour être éduqués, pour s’adapter à la vie en société. Le terme “ordinaire” renvoie à l’idée qu’elle est considérée comme normale et acceptable d’un point de vue sociétal.
Les Violences Éducatives Ordinaires (VEO) peuvent se manifester notamment par :
- des paroles dévalorisantes, moqueuses et humiliantes (ex : “Tu n’es pas gentil”, “Tu n’es jamais content”…),
- du chantage, des ultimatums et des menaces (ex : “Si tu ne viens pas tout de suite, je pars sans toi”, “Je compte jusqu’à 3”,
- de la culpabilisation (ex : “C’est de ta faute si on est en retard”),
- des gestes brutaux, allant jusqu’à la maltraitance physiques (pousser l’enfant, lui donner une fessée ou une claque, lui tirer les cheveux ou les oreilles, lui imposer une douche froide ou l’isoler de force, lui crier dessus).
Les adultes qui font preuve de VEO le font par manque de connaissances
Manque de connaissance sur le fonctionnement psychique humain
Les parents qui ont recours aux VEO reproduisent ce qu’ils ont subi, sans y réfléchir, sans vouloir ou pouvoir remettre en cause leurs propres parents. Il peut en effet être tellement douloureux de se confronter aux blessures du passé et de porter un regard critique sur l’éducation reçue que certains parents défendent avec vigueur cette manière d’élever les enfants. Ces parents pensent bien faire car ils sont convaincus que ces méthodes ont de réelles vertus éducatives. On entend souvent “J’en ai reçues des claques et j’en suis pas mort” ou bien “Si je n’avais pas été puni, j’aurais mal tourné” pour justifier la reproduction des Violences Éducatives Ordinaires.
Certains parents sont persuadés que les violences sur les enfants sont la seule manière de s’assurer que les enfants vont progresser, bien se comporter et avoir de bons résultats à l’école.
Pour beaucoup d’adultes, il ne peut y avoir de “bonne éducation” sans coercition ni punition. “Si je te punis, c’est pour ton bien !” – Catherine Gueguen
Pour aller plus loin : Alice Miller : le devoir de se révolter contre les maltraitances éducatives que nous avons reçues
Manque de connaissance sur les conséquences des VEO
Les VEO entraînent chez l’enfant qui en est victime une confusion des règles éthiques. Non seulement il apprend qu’on a le droit de faire du mal pour faire du bien, mais, en outre, que les plus âgés ont le droit de faire ce qui est interdit aux plus petits (frapper est le privilège des adultes sur les plus jeunes).
Dans son livre Lettre à un jeune parent : ce que mon métier de pédiatre et les neurosciences affectives m’ont appris, Catherine Gueguen rappelle que les effets négatifs des VEO sur le fonctionnement et le développement du cerveau de l’enfant sont désormais bien connus. Ces effets se font sentir à long terme et perturbe la personne dans sa façon de vivre, sa relation aux autres, sa capacité à s’épanouir comme à mener une vie en rapport avec ce qu’elle souhaiterait.
Nous savons maintenant que les paroles blessantes, dévalorisantes, les punitions, les menaces, l’exclusion, les gestes brutaux, comme bousculer, tirer les cheveux, les oreilles, gifler, tout cela peut entraîner des anomalies cérébrales dans des parties importantes du cerveau de l’enfant et provoquer de nombreux troubles du comportement : agressivité, anxiété, dépression et plus tard des risques de délinquance, d’addictions à l’alcool, aux drogues, des suicides. Les études ne laissent aucun doute sur ces conséquences graves. – Catherine Gueguen
Lire aussi : Ce que nous disent les études en neurosciences affectives et sociales au sujet du cerveau des enfants
Les VEO font le lit de la violence sociétale
Les enfants, garçons comme filles, qui ne font pas l’expérience des rapports de force savent davantage une fois adultes développer des relations sans avoir besoin de passer par la domination ou la soumission. La violence subie apprend à l’enfant à régler les conflits par la violence et brouille les repères éthiques : les VEO apprennent à l’enfant que l’on peut être frappé par la personne qui nous aime et que l’on peut frapper une personne qu’on aime. Les violences deviennent ainsi la norme.
Catherine Gueguen rejoint Alice Miller qui estime que la plupart d’entre nous avons souffert de violence éducative, y compris celle dite “ordinaire” (fessées, claques, humiliations verbales, répression émotionnelle, chantage, menaces, retrait d’amour, isolement…) et que nous craignons le réveil des souffrances causées par les anciennes humiliations et refoulées ensuite.
Alice Miller regrette que nous restions pris dans le cercle vicieux de la violence et du déni de l’humiliation subie autrefois, c’est-à-dire dans le besoin de vengeance, de représailles et de châtiments. Elle écrit dans son livre Ta vie sauvée enfin (éditions Champs Essais) : “Les émotions réprimées dans l’enfance se transforment à l’âge adulte en une haine meurtrière à laquelle les groupes ethniques ou religieux donnent un habillage idéologique. L’humiliation est un poison contre lequel il n’y a pour ainsi dire aucun antidote ; elle produit en permanence de nouvelles humiliations, qui enclenchent à leur tout une spirale de violences tout en voilant les problèmes.”
Selon Alice Miller, la seule manière de briser le cercle de la violence héritée de l’éducation est de faire face à la vérité. Elle affirme que, en tant qu’adultes, nous pouvons poser le choix de la connaissance consciente et ne pas nous laisser uniquement mener par le savoir émotionnel inconscient inscrit dans notre corps (qui nous maintient dans la peur de la vérité).
Une mère dont la main “part” contre sa volonté ne sait en général pas qu’elle ne frappe son enfant que parce qu’elle y est poussée par son corps et les souvenirs qui y sont inscrits (en règle générale, la main des mères qui n’ont pas été frappées ne “part” pas). Cependant, si elle le sait, elle pourra mieux gérer la situation, mieux se contrôler et épargner du chagrin à son enfant comme à elle-même. – Alice Miller
Alice Miller est convaincue qu’on peut éviter les guerres en apprenant aux enfants à aimer la vie, à travers une éducation non violente et consciente.
Nous devons enfin admettre la vérité, à savoir que le mal existe mais n’est pas inné. Il est créé par la société, quotidiennement, à chaque heure, sans interruption, dans le monde entier. Et cela s’opère tant à travers les méthodes d’accouchement qu’à travers l’éducation des petits enfants, qui, plus tard, deviendront peut-être des criminels [envers eux-mêmes ou envers les autres] s’ils ne rencontrent pas un “témoin secourable”. – Alice Miller
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Source : Lettre à un jeune parent : ce que mon métier de pédiatre et les neurosciences affectives m’ont appris de Catherine Gueguen (éditions Les Arènes). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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