Le nourrissage culturel via des textes fondamentaux : relancer la pensée pour lutter contre l’échec scolaire ?
Serge Boimare est psychopédagogue. Il est l’auteur de L’enfant et la peur d’apprendre et de Ces enfants empêchés de penser. Dans ce dernier livre, il propose une démarche pour lutter contre l’échec scolaire. Selon lui, 15% des enfants qui n’arrivent pas à accéder à la maîtrise des compétences fondamentales relèvent de l’empêchement de penser. Ces enfants intelligents inventent des moyens pour figer leur processus de pensée afin d’échapper aux inquiétudes et aux frustrations que provoque chez eux l’apprentissage.
Serge Boimare propose de se servir de la culture et du langage pour répondre au défi de l’empêchement de penser. Le nourrissage culturel via la lecture quotidienne de textes fondamentaux (contes traditionnels, mythologie, romans d’aventure…) et l’entrainement quotidien à débattre.
Pourquoi le nourrissage culturel ?
Aller chercher l’intérêt
En proposant des sujets capables de traiter avec les racines de la curiosité
Enrichir et sécuriser le monde interne
En donnant une forme et un contenu aux émotions qui parasitent le fonctionnement intellectuel
En fournissant de nouvelles représentations
Favoriser le débat argumentaire
En donnant des outils pour confronter son point de vue à celui des autres
Revitaliser les savoirs
En les restituant dans un récit qui devient une culture commune dans le groupe
En favorisant le questionnement qui va permettre de leur donner du sens
Pourquoi l’entrainement à débattre ?
Renforcer l’intérêt pour le récit
En confrontant sa compréhension à celle des autres dans l’échange et dans l’écoute
Entrainer à la démarche réflexive
En obligeant à mettre des mots sur ces représentations
En contraignant à argumenter et à donner des exemples pour faire valoir son point de vue
Permettre de relier son histoire à celle des autres
En donnant le moyen de se dégager du personnel pour aller vers l’universel
En encourageant la construction d’une réflexion collective
Ouvrir de nouvelles portes vers le savoir
En le reliant aux questions fondamentales
En faisant du savoir une préoccupation du groupe
En favorisant le passage à l’abstraction
Comment procéder ?
Serge Boimare propose plusieurs étapes :
1° étape : le retour de l’intérêt et de l’écoute
Serge Boimare écrit :
Les récits proposés dans la mythologie et les contes ne redoutent pas d’aller chercher les enfants là où ils en sont restés, sans cultiver pour autant la complaisance avec l’émotionnel. Tout en mobilisant leur intérêt par l’affect pulsionnel, ces récits en profitent pour dégager une règle de vie, pour faire une leçon de morale, pour fournir une suggestion sur la façon dont pourrait être réglé un problème… La lecture de contes et de mythes favorise le passage d’une pensée soumise aux sensations et aux émotions, à une pensée qui s’intéresse aux liens et aux règles organisant les savoirs. Elle retient leur attention car elle met du mouvement, de la forme et du scénario sur leurs préoccupations. Cette mise en mots et en récit de leurs inquiétudes ou de leurs préoccupations nous amène à la seconde étape apportée par la lecture : permettre de sécuriser et d’enrichir le monde interne.
Les récits lus seront issus des textes fondamentaux de nos civilisations et de nos religions, abordant de façon métaphorique des histoires où sont évoqués le chaos, le parricide…
Serge Boimare conseille les mythologies grecques, égyptienne et nordique, et en particulier le livre de Muriel Szac Le feuilleton d’Hermès qui pu être facilement lu à voix haute par l’enseignant à des enfants dès le primaire.
Les textes seront lus à haute voix lors de deux séquences journalières de 8 à 10 minutes chacune.
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2° étape : sécuriser et enrichir le monde interne
Pour Serge Boimare, la restauration de cette dimension intérieure est primordiale afin que tous les enfants puissent s’appuyer sur leurs capacités réflexives pour apprendre. En effet, les enfants ne disposant pas de cette dimension intérieure ont tendance à esquiver les situations où le savoir à acquérir demande de faire des liens ou des transformations, quand il confronte à la fabrique d’hypothèses ou à la recherche. Deux forces semblent se conjuguer pour les empêcher de faire ce retour à eux-mêmes :
- une faiblesse de la capacité imageante (à produire des images intérieures)
- un fort sentiment de frustration dès la confrontation avec l’incertitude
La lecture, en apportant des images et en mettant des mots sur les préoccupations, permet enfin de côtoyer et de supporter les inquiétudes et les contradictions qui, jusque-là, se transformaient trop vite en agitation ou en blocages divers. Ce nourrissage va donner aux élèves la possibilité d’un retour à eux-mêmes, pour une élaboration plus sereine.
3° étape : universaliser les préoccupations
Serge Boimare pense que les enfants empêchés de penser n’arrivent pas à se dégager de leurs préoccupations personnelles ou de l’affectif. Pour lui, l’avantages des contes, mythes, épopées, fables est de répondre à la curiosité primaire en ouvrant des voies de passage entre une curiosité encore dépendante des circonstances affectives et un désir de savoir qui commence à vouloir mettre de la cohérence, de l’ordre et de la chronologie dans ce qui est entendu.
4° étape : un temps de parole et d’échanges
Après la lecture quotidienne, le temps de paroles et d’échanges permet à chacun de mettre de l’ordre dans ce qu’il a entendu et compris, à la lumière de ce qui a été entendu et compris par les autres.
Les enfants pourront parler par groupes d’une dizaine : raconter, échanger, débattre dès la lecture du premier texte. En cas de blocage, il est possible de prévoir une étape intermédiaire privilégiant le dessin ou le jeu mimé.
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Source : Ces enfants empêchés de penser de Serge Boimare (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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