“Mon enfant ment” : et si ce n’était pas le véritable problème à traiter ? (ou l’art de voir au-delà des apparences)
J’ai récemment reçu un message d’un parent d’un enfant de 3/4 ans. Ce parent me demandait si j’avais rédigé des articles au sujet des mensonges car son enfant avait raconté que l’autre parent le tapait, alors que ce n’était pas le cas.
La situation exposée était la suivante : un jour, l’un des parents a fait des chatouilles à l’enfant et a continué, alors même que cet enfant râlait et avait exprimé son désaccord et son envie que les chatouilles cessent. Le soir, l’enfant a raconté qu’il a été tapé et s’en est plaint à l’autre parent.
Les parents ne savaient pas comment réagir face à ce mensonge pour plusieurs raisons :
- la peur d’avoir des problèmes si l’enfant racontait cela à l’école ou à l’extérieur de la famille;
- la crainte de traiter l’enfant de menteur, au risque d’amplifier le mensonge;
- l’incompréhension du parent chatouilleur qui est tenté de se braquer contre l’enfant;
- l’incompréhension de l’autre parent qui ne comprend pas la “fonction” et l’intérêt du mensonge de l’enfant.
Voici ce que j’ai répondu à ce message :
Dans le cas de votre enfant, il me semble que traiter le mensonge s’attaquerait au symptôme mais pas à la cause. Peut-être votre enfant a-t-il vraiment eu l’impression que son parent l’a tapé dans le sens où il n’a pas respecté l’intégrité de son corps et son consentement puisqu’il a continué à la chatouiller alors qu’il manifestait son refus. Peut-être qu’il ne faut pas entendre dans son “mensonge” que son parent l’a tapé, mais plutôt qu’il n’a pas respecté son corps. En ce sens, il me semblerait que revenir sur les faits avec cet angle et peut-être des excuses de la part de l’autre parent mettrait fin à cette manière que votre enfant a de manifester son besoin de respect pour son intégrité corporelle.
Et voici la réponse des parents quelques semaines plus tard :
Je voulais vous dire un grand merci. Votre message m’a permis de communiquer avec l’autre parent sur ce qui pouvait être éventuellement la cause de la mésentente qu’il y avait entre eux et celle du petit mensonge. Il s’est d’abord braqué, puis a compris le message. Il a commencé à respecter clairement les « non » de notre enfant lorsqu’il ne voulait pas « jouer/ être chahuté ». Mon conjoint m’a expliqué que, dans son enfance, son grand-père lui faisait cela et qu’aujourd’hui, il en garde un souvenir de complicité même qu’il est vrai que, à l’époque, cela le contrariait. Depuis la relation entre eux a changé, mon enfant va vers son autre parent, ce qu’il faisait peu avant et lui fait même des câlins.
Cet échange illustre l’importance de chercher les motivations positives des comportements, aussi bien des adultes que des enfants. Ici, le mensonge de l’enfant avait son “utilité” du point de vue de l’enfant qui n’était pas en capacité de dire les choses autrement, soit parce qu’il n’avait pas les mots du fait de son âge, soit parce qu’il ne pensait pas pouvoir être compris (puisqu’il avait déjà expérimenté le fait que son consentement soit bafoué et que ses mots ne soient pas pris en compte). Le comportement du parent avait aussi son utilité et sa légitimité de son point de vue, en lien avec son histoire personnelle. Punir l’enfant ou lui extorquer la vérité n’aurait pas réglé le problème de fond. De même, critiquer le parent chatouilleur et l’accuser n’aurait pas amélioré les relations familiales. En effet, les motivations sous-jacentes et la dynamique relationnelle n’auraient pas pu être mises au jour.
C’est cette approche que j’ai adoptée dans mon ouvrage de parentalité : 100 solutions pour rendre votre quotidien plus serein de Caroline Jambon (éditions Hatier). J’ai eu à coeur d’y proposer des pistes efficaces et bientraitantes pour les situations problématiques courantes dans les familles. Mon livre est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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