Aborder les repas avec bienveillance et dépasser les conflits au sujet de la nourriture
Mon enfant ne mange pas… des traditions à remettre en question !
Notre éducation nous apprend souvent à passer outre nos signaux internes pour nous fier à des critères externes : manger à telle heure, éviter de manger à telle autre, manger ceci à telle heure et cela à telle autre, commencer par ceci et finir par cela, finir son assiette, considérer que tel aliment est une récompense et que manger tel autre en mérite une… Il est important pour manger en fonction de ses besoins de remettre en question certains critères pourtant considérés comme immuables. – Catherine Dumonteil Kremer
Catherine Gueguen demande quant à elle :
Pourquoi pense-t-on qu’un enfant serait moins capable qu’un adulte de se réguler face à la nourriture, de savoir ce dont il a envie, ce dont il a besoin, ce qu’il aime ou n’aime pas ?
Pourquoi se comporte-t-on avec un enfant avec dureté, avec moins de respect qu’avec un adulte ?
Ne pas aimer un aliment n’est ni bien ni mal. C’est un fait.
Se mettre au clair avec nos peurs et nos croyances au sujet de la nourriture
Quand les repas sont source de conflits, on gagnerait à prendre un temps de recul pour tenter de clarifier ce qui se passe en nous lors des repas.
Quelles émotions désagréables est-ce que je ressens ?
Suis-je inquiet(e) ? A quel sujet ?
Ai-je peur pour mon enfant, pour sa santé ? ai-je peur du regard des autres, que mon enfant soit mal élevé ?
Y a-t-il de l’impuissance ? de la colère ? de la tristesse ?
Ai-je l’impression d’être dépassé(e) par la responsabilité d’élever un enfant ? Est-ce que je culpabilise ?
Est-ce que les repas me renvoient à ma propre enfance et font remonter des souvenirs désagréables ?
Est-ce que je considère que c’est la responsabilité d’un bon parent que de bien nourrir son enfant ? est-ce que je me considère comme un mauvais parent ? est-ce que j’en rends mon enfant responsable ?
Est-ce que j’ai peur que mon enfant ne sache pas s’intégrer dans un groupe (à la crèche, à l’école…) s’il ne mange pas “correctement” ?
Qu’est-ce que signifient les repas pour moi : une contrainte, un devoir, un plaisir, un moment de tentation ?
Une fois ces émotions et ces croyances clarifiées et mises en mot, on pourrait se mettre au clair sur nos besoins et nos souhaits.
Qu’est-ce que je désire au moment des repas ?
Qu’est-ce que je souhaite à long terme pour mon enfant ?
Comment agir pour satisfaire ses besoins ?
Est-ce que ma manière actuelle de réagir participe à mes objectifs à court et long terme pour mon enfant ?
Faire preuve d’empathie envers l’enfant
Faire preuve d’empathie envers l’enfant au moment des repas signifie se mettre à sa place, accueillir ses émotions et reconnaître ses goûts. Mais nous devons commencer par nous connecter à nos propres émotions et les exprimer sans violence à l’enfant. Par exemple :
Je suis inquiet(e) quand je vois que tu ne manges pas. J’ai peur que…
Le fait de verbaliser nos émotions a un effet apaisant et ouvre la voie vers la connexion avec l’enfant.
C’est rigolo de toucher la nourriture. Bientôt, tu arriveras à manger comme nous avec une fourchette.
Tu voudrais que je te laisse manger à ta faim ?
Tu aimerais que je sois plus doux(ce) avec toi ?
Tu es fâché(e) ? énervé(e) ? Tu aimerais pouvoir (toucher la nourriture/ manger avec les doigts/ te lever de table…) ?
Serais-tu d’accord pour… ?
Comprendre le développement des enfants et leurs besoins
L’enfant, comme l’adulte, n’aime pas manger seul. Il aime participer, se sentir membre de la famille. Si lors des repas, les parents sont heureux de manger avec leurs enfants, dans le plaisir de partager un bon moment, manger sera un plaisir.
Beaucoup de jeunes enfants ont peu de réserves de sucre et ont de véritables hypoglycémies qui modifient leur humeur. Leur donner un aliment sain (fruit ou légume frais, compote, fruits secs…) en attendant le repas fait remonter le taux de sucre dans le sang.
Les jeunes enfants touchent la nourriture et aiment jouer avec (surtout quand ils n’ont plus faim) : cette phase de découverte et d’exploration dure peu, il faut juste un peu de patience.
La phase de néophobie alimentaire passe d’autant plus facilement que les parents restent calmes et confiants. Quand les parents acceptent patiemment les goûts de l’enfant, ses préférences, tout en l’incitant avec bienveillance à goûter les aliments nouveaux, l’enfant diversifiera naturellement sa nourriture en grandissant.
L’obligation de rester à table, sans bouger et sans se lever, est presque mission impossible pour les enfants. Au restaurant, emporter de quoi distraire et occuper les enfants évitera les conflits et les agitations.
Pour les tout-petits : le besoin de se nourrir avant tout
Une alimentation à la demande (allaitement et/ou biberon)
Catherine Dumonteil-Kremer écrit : “Un bambin qui a commencé sa vie avec un nourrissage à la demande la poursuivra tout naturellement avec une alimentation qu’il approchera à petits pas.”
Elle continue : “Nos enfants ont la chance de posséder des systèmes de régulation en parfait état de marche, ce qui n’est parfois plus notre cas […]. D’autre part, les sensations et les perceptions olfactives et gustatives sont très différentes d’un individu à l’autre. C’est ce qu’on appelle le goût, qui se forme, certes, mais pas sous la contrainte.”
Elle conclut : “Un bambin dont on a écouté les besoins alimentaires n’a pas de problème avec le sentiment de satiété. Il sait manger quand il a faim et s’arrêter quand son corps le lui demande. […] Votre responsabilité consiste à lui procurer des aliments sains, en fonction de votre philosophie alimentaire.”
La diversification menée par l’enfant
La diversification alimentaire choisie par l’enfant (ou Diversification Menée par l’Enfant – DME) évite la contrainte et le conflit autour de la nourriture.
Les jeunes enfants s’emparent des aliments qu’ils ont envie de prendre; ils les mâchonnent et les goûtent plus ou moins selon leur âge. Avec la DME, les enfants diversifient leur alimentation à leur rythme.
>>>Pour aller plus loin sur la DME : Qu’est-ce que la DME (diversification menée par l’enfant) ?
Avec les plus grands : 10 propositions pour que les repas se passent bien
1.Faire confiance et laisser l’enfant manger à sa faim
Vis-à-vis de la nourriture, l’enfant est comme un adulte. Certains jours, nous avons très faim, d’autres moins. Accepter qu’un enfant mange moins ou plus certains jours, n’ait pas faim ou au contraire très faim, est important pour son équilibre.
Catherine Gueguen témoigne de son expérience de pédiatre : elle a constaté que lorsque les parents respectent totalement l’appétit de leurs enfants depuis la naissance, les laissent manger la quantité qu’ils désirent, sans intervenir, sans faire de commentaires, sans jamais les forcer ni les restreindre, les enfants ont un poids dans les courbes normales.
2.Aider l’enfant à se connaître, à être à l’écoute de son corps, connecté à ses sensations de faim et de satiété
Forcer un enfant à manger plus qu’il n’en a réellement besoin n’apporte que larmes et conflits et risque de conduire à des troubles alimentaires plus tard.
Catherine Gueguen écrit :
Quand l’adulte intervient en ne respectant ni la faim ni la satiété de l’enfant, il l’empêche d’être à l’écoute de ses propres besoins. L’enfant est dépossédé de lui-même, de son corps. On ne lui donne pas le temps, les moyens d’identifier ce qu’il ressent, ce que lui dit son corps. Il ne sait plus s’il a faim, s’il est rassasié car l’adulte lui assène : “C’est moi qui sais si tu as faim ou non, ce n’est pas toi.”
3.Être patient
L’enfant a tout à apprendre :
- manger avec des couverts
- connaître les codes culturels et sociaux lors des repas
- découvrir de nouveaux aliments
Tout se passera bien si cela reste un moment de plaisir.
4.Éveiller la curiosité
De manière simple et naturelle, les enfants seront plus enclins à manger ce qu’ils ont contribué à préparer.
Il approchera avec infiniment moins de réticence des plats qu’ils a manipulés, flairés et peut-être même déjà goûtés, dans un contexte souvent ludique.
Par ailleurs, les petits aiment beaucoup voir pousser les plantes et les cueillir. On pourra également les laisser cueillir et goûter les fruits et légumes crus.
5.Proposer un aliment aimé en même temps qu’un aliment nouveau
Catherine Dumonteil-Kremer conseille de proposer en même temps des aliments que l’enfant aime déjà et des aliments nouveaux… et surtout de ne pas se décourager au premier rejet.
6.Goûter en même temps que l’enfant
Prendre une bouchée de ce que nous avons préparé avant de servir l’enfant prédispose favorablement son premier contact avec l’aliment et augmente les chances d’acceptation. Nous gagnerions donc à goûter préalablement un nouvel aliment devant les enfants.
7.Assurer un contexte chaleureux et sécurisant
Manger fait partie du plaisir d’être en vie ! Des parents qui dégustent leur repas avec un plaisir évident crée un climat positif. Marie Tezé, sociologue, affirme que le repas comble autant les besoins affectifs que biologiques des enfants :
Pouvoir échanger de la nourriture et des paroles avec les personnes aimées dans un climat de confiance semble être le plus important dans le ressenti du repas par les enfants.
8.Proposer et laisser disposer
Haïm Ginott explique qu’on peut demander à l’enfant dans sa deuxième année s’il veut un demi-verre ou un verre entier de jus de fruits. A quatre ans, on peut donner le choix entre une pomme ou une demie-pomme.
Le message que l’on transmet à l’enfant est qu’il est responsable d’une partie des affaires qui le concernent personnellement.
Manger relève clairement du champ de responsabilité de l’enfant. – Haïm Ginott
Catherine Dumonteil-Kremer va même jusqu’à dire que les enfants peuvent bien se nourrir avec des restes de repas froids s’ils n’ont pas faim aux heures de repas, manger des pâtes au petit-déjeuner ou bien manger le fromage après le dessert s’ils ont encore faim.
9.Offrir des choix
Une étude scientifique a démontré que lorsqu’on propose plus de choix en matière de fruits et légumes au cours d’un repas, les enfants ont tendance à en choisir plus. La revue Equation Nutrition l’explique ainsi :
Pourquoi les enfants choisissent-ils plus de légumes si on leur en propose deux au lieu d’un ? Une explication peut être la « norme de consommation »: si on donne le choix entre plusieurs aliments différents, les enfants se serviront au moins une bouchée de chacun.
Ainsi, offrir plusieurs choix de légumes au cours d’un repas aux enfants pourrait être une stratégie simple et efficace pour les encourager à en consommer plus et avoir des repas plus sains.
10.Manger les fruits et légumes sous diverses formes
Faire l’apologie du « fait maison » peut être dangereux car cela peut être un frein pour certaines familles : commencer par manger des fruits et légumes surgelés ou en boîte, c’est déjà manger des fruits et légumes !
Montrer à l’enfant qu’on peut faire une soupe aussi bien à partir d’une boîte toute prête, qu’à partir de légumes surgelés pré-découpés ou encore de légumes frais, c’est apprendre aux enfant que c’est facile de manger des fruits et légumes, qu’on peut manger des fruits et légumes même quand on est pressé, qu’on n’a pas envie de se lancer dans une grande préparation ou qu’on est mauvais en cuisine.
Les fruits et légumes peuvent aussi être consommés crus : c’est assez évident pour les fruits, moins pour les légumes. Proposer des sticks de carottes, des bouquets de choux fleurs, des épis de maïs, des tomates cerises à manger avec les doigts peut être un moyen de se rapprocher de l’esprit « snacking » que les enfants adorent.
La présentation, ça compte ! Pourquoi ne pas essayer de proposer des fruits et légumes sous forme de mandalas, de personnages, d’objets rigolos, d’animaux, de frites de légumes ?
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Conseil lecture pour aller plus loin avec les plus petits :
Mon enfant ne mange pas (éditions Leche League) de Carlos Gonzalez