Parentalité : l’importance de prendre soin de soi (ce n’est pas une injonction de plus mais une mesure de prévention de la dépression)

parentalité prendre soin de soi

Il est un poncif qu’on entend souvent au sujet de la parentalité : “il faut prendre soin de soi !”. Les parents qui lisent ce type de phrases peuvent sourire en coin et se dire que c’est plus facile à dire qu’à faire. Où trouver le temps pour prendre soin de soi quand on ne fait que courir ? Comment prendre soin de soi quand tout ce dont on rêve est une nuit de 5 heures de sommeil d’affilée ? Qui va s’occuper des enfants pendant ce temps ?

C’est d’autant plus le cas quand les enfants font preuve d’opposition systématique, ont du mal à réguler leurs émotions ou se montrent agressifs.

Le problème est qu’un parent fragilisé n’est pas suffisamment sécurisant pour l’enfant ce qui risque d’aggraver les comportements de provocation et d’agressivité (par insécurité, pas par cruauté). Par ailleurs, la fatigue et le manque d’énergie empêchent les parents de mettre en place des stratégies différentes pour adresser les dysfonctionnement familiaux. De plus, un parent fragilisé aura beaucoup plus de mal à conserver son calme et à résister à la violence (cris, punition, violence physique, chantage…), entraînant un cercle vicieux de dégradation de l’ambiance familiale.

Nous pouvons utiliser ici la métaphore des masques à oxygène dans l’avion: en cas de dépressurisation, les recommandations données à bord de l’avion vous disent qu’il faut d’abord mettre le masque à oxygène sur votre visage avant de couvrir le visage de votre enfant. Si vous ne prenez pas soin de vous d’abord, vous n’êtes pas en mesure de prendre soin de votre enfant. C’est aussi l’image de l’ancre: tant que vous ne serez pas suffisamment ancré au sol, vous ne pourrez pas aider votre enfant à faire face aux remous émotionnels dans lesquels il est pris, et toute la famille va être emportée dans les courants. C’est d’abord à vous de vous stabiliser. – Nathalie Franc

Prendre soin de soi avant de tomber en dépression (et reconnaître les signes quand c’est trop tard)

Nous, parents, avons tendance à minimiser notre mal-être et notre fatigue parce qu’il faut bien tenir pour assurer le quotidien et que c’est “normal” d’être stressés entre le travail, les tâches ménagères et les enfants. Pourtant, il peut être utile de connaître les signes de la dépression pour ne pas banaliser le mal-être mais , au contraire, se faire aider (et prendre des mesures de prévention de la dépression).

Nathalie Franc, pédopsychiatre au CHU de Montpellier et membre du conseil scientifique du Trouble du déficit de l’attention France, rappelle que cinq critères parmi les neuf suivants doivent être présents depuis plus de deux semaines et présents presque tous les jours pour parler de dépression :

  • humeur dépressive remarquée par la personne ou son entourage (ex se sentir triste, désespéré, vide);
  • diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes, ou presque toutes, les activités;
  • perte de poids significative en l’absence de régime ou gain de poids, ou baisse ou augmentation de l’appétit;
  • troubles du sommeil presque tous les jours (insomnie ou hypersomnie);
  • agitation ou ralentissement psychomoteur;
  • fatigue ou perte d’énergie;
  • sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée;
  • diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision;
  • pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes.

En parallèle de l’identification des symptômes dépressifs, il est important de prendre aussi soin de sa santé physique en tant que parent (et encore plus en tant que parent d’enfants opposants ou porteurs de troubles de santé physique ou mentale). Ces parents sont une population à risque au niveau médical, car d’un côté, ils sont soumis à du stress de façon quotidienne, et, de l’autre côté, ces parents négligent leurs propres besoins concernant leur santé, accaparés par les difficultés de leur enfant. Les enfants ont besoin d’un parent en bonne santé, tant mentale que physique.

Des pistes pour prendre soin de soi en tant que parent

Nathalie Franc propose 5 actes à réaliser en priorité pour prendre soin de soi en tant que parents :

Il se peut que les parents trouvent contraignants le fait de dégager du temps pour prendre soin de soi. De plus, les mesures prises n’apporteront peut-être pas de satisfaction au départ.

Ils doivent comprendre que la situation qu’ils vivent les a fragilisés à tous les niveaux et qu’ils vont devoir de nouveau apprendre à penser à eux pour eux il s’agira donc d’un apprentissage qui nécessite un entraînement régulier. – Nathalie Franc

Nathalie Franc souligne l’importance du soin apporté aux relations également car, en cas de tensions quotidiennes entre parents et enfants, la chaleur et les manifestations d’amour sont remplacées par la peur et, parfois, la violence. Quand les émotions de plaisir sont mélangées avec la colère (pour ce que l’enfant a fait), la tristesse (pour en être arrivé là) et la peur (de l’avenir), le lien familial se desserre peu à peu.

S’intéresser à l’enfant qui pose des problèmes aux parents peut sembler basique mais la tension peut vite prendre toute la place. Nathalie Franc encourage les parents à aller à la rencontre, voire à la reconquête, de leur propre enfant sur de nouveaux modèles qui ne soient ni critiques ni jugeants. S’intéresser à la musique qu’il aime, aux jeux auxquels il joue, aux séries qu’il regarde peuvent déjà être un premier pas. Organiser une sortie sportive ou toute autre activité non liée à un achat permet de passer du temps de qualité avec l’enfant (par exemple, une activité appréciée quand l’enfant était petit et délaissée avec l’âge et les tensions familiales). Mieux vaut éviter dans un premier temps le shopping très demandé par les enfants mais objet de tous les conflits et des surenchères.

Souvent la mauvaise ambiance familiale fait que tout ce qui touche à l’enfant est mal perçu: musique violente, jeux idiots, temps perdu… Le parent doit aussi apprendre à s’intéresser autrement, dans une dimension ouverte et positive. La présence renforce le lien et permet la sécurité. – Nathalie Franc

Il se peut que les parents et enfants se soient tellement éloignés que les parents n’osent pas proposer une activité commune à leur enfant (de peur que ce dernier refuse ou par manque d’élan et par appréhension que ce moment vire au drame). Il est toujours possible de se préparer à un refus et de laisser la porte ouverte face au refus de l’enfant: « Je te l’ai proposé parce que tu es mon fils/ ma fille et que je t’aime, je ne veux pas renoncer à toi. Mais je ne peux pas te forcer à accepter, ce sont tes choix. Je te le proposerai encore une autre fois ».
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Source : Accompagner les parents d’enfants tyranniques : programme en 13 séances (Les ateliers du praticien) de Nathalie Franc et Haim Omer (éditions Dunod).

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