Parler de la mort aux enfants endeuillés

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La mort d’un proche bouleverse un enfant à tout âge, autant qu’un adulte.

Hélène Romano est psychologue et docteur en psychopathologie. Elle rappelle que la mort d’un proche bouleverse un enfant à tout âge, autant qu’un adulte. Face à un décès dans l’entourage, les uns comme les autres sont traversés par des émotions multiples et parfois ambivalentes : la peur, la colère, l’amour, la tristesse. Des pensées liées à la culpabilité ou à des pensées magiques qui visent à faire revenir la personne décédée peuvent affecter l’enfant endeuillé, y compris plusieurs mois et même années après le décès.

Accompagner les enfants endeuillés, ce n’est pas empêcher la souffrance liée à la perte d’un proche. Il s’agit plutôt de garder en tête l’importance qu’ils puissent être entourés d’adultes émotionnellement matures, qui savent vivre leurs propres émotions complexes sans mentir aux enfants, qui sont disponibles pour eux du mieux possible, qui les aident à mettre des mots sur leur peine et qui les aideront à grandir sans les stigmatiser dans ce statut d’enfant endeuillé.

Même les tout-petits bébés sont affectés par un décès dans l’entourage. 

Hélène Romano estime que même les bébés perçoivent les ruptures dans la continuité de leur vie quand un proche décède. C’est d’autant plus le cas quand la mère décède car elle est en général la figure primaire d’attachement. Ne pas parler aux bébés sous prétexte qu’ils sont trop petits peut créer chez eux un malaise. Il est possible de continuer de parler de la personne décédée sans dire qu’elle est endormie ou qu’elle reviendra un jour, d’expliquer aux bébés les changements dans son quotidien (par exemple, nommer les personnes différentes qui s’occuperont de lui, et expliquer pourquoi il y a une rupture dans ses rituels).

Mettre des mots sur ce qu’il est en train de vivre et sur la disparition de sa figure d’attachement principale permet avant tout aux autres adultes de rester disponibles psychiquement pour lui, car il n’y a ni mensonge, ni secret. Bien évidemment que le tout petit bébé ne comprend pas ce que signifie le fait que son proche soit mort, mais il comprend, par ces mots poser sur la perte, qu’il n’est pas seul au monde et cela évite qu’il ne perde tous ses repères et se laisse dépérir. – Hélène Romano

L’accès au langage facilite l’accompagnement émotionnel des enfants endeuillés.

Quand un jeune enfant qui commence à maîtriser le langage est endeuillé, il peut communiquer avec des mots, voire des phrases, et c’est plus simple pour l’entourage de le comprendre que lorsqu’il s’agit d’un bébé dont les pleurs sont difficiles à discriminer entre faim, sommeil, gaz ou stress.

Pour autant, un jeune enfant (18 mois-3 ans) ne conçoit pas encore la mort comme un fait irréversible. Il peut rechercher frénétiquement et continuellement la personne décédée et, peut-être, développer des peurs irraisonnables sur le fait que ses autres proches risquent aussi de disparaître. De plus, certains enfants peuvent éprouver un sentiment de culpabilité qui se traduit par des pensées du type “C’est ma faute” ou “C’est parce-que j’ai dit ci/fait ça que mon père est mort”. Si aucun adulte n’est présent pour éviter l’envahissement par ses croyances, l’enfant peut être durablement marqué par cette culpabilité. Hélène Romano donne l’exemple d’un petit garçon de quatre ans qui souhaite la disparition de son petit frère, dont il est jaloux. La jalousie fait partie des interactions fraternelles fréquentes qui peuvent être résolues quand les parents sont attentifs et font en sorte que chaque enfant trouve sa place au sein de la famille. Mais si le petit frère décède d’une maladie ou d’un accident, le grand-frère peut se croire responsable de cette mort par le simple fait qu’il l’ait souhaitée. Si aucun adulte ne lui explique les causes de la mort de son petit frère et ne lui permet d’exprimer les théories sur sa responsabilité, ce garçon risque de grandir avec une culpabilité envahissante qui peut se traduire en troubles oppositionnels ou en auto-agressions.

Répondre aux questions en lien avec la mort

Chez les jeunes enfants dans la période des « pourquoi ? », les questions incessantes peuvent être posées sur la mort afin de donner du sens au vécu, tout en s’assurant que les adultes restants sont présents et disponibles.

Pour comprendre ce que signifie cette perte définitive dans sa vie, l’enfant a besoin constamment que les adultes lui expliquent la réalité même si celle-ci est douloureuse (quand on est mort, c’est pour toujours ; quand on est mort, on ne vit plus, on n’est pas « endormi », etc.) – Hélène Romano

Un enfant endeuillé a aussi besoin de comprendre que la tristesse de son entourage est normale et qu’il n’en est pas responsable. Il est important que les adultes mettent des mots sur leur propre peine. Par exemple « Tu vois, je pleure parce que suis tellement triste que papa soit mort et qu’il ne soit plus là. Toi tu es là et c’est très important. »

Les questions des jeunes enfants peuvent être déroutantes car elles sont très directes comme « Et ça fait mal de mourir ? » ou « Mais pourquoi son cœur s’est arrêté de battre ? » Hélène Romano estime que ces questions n’appellent pas forcément des réponses d’emblée. Les proches peuvent répondre que la question est importante et qu’ils vont réfléchir pour donner une réponse claire. Il est également possible de demander à l’enfant ce qu’il pense lui-même, car sa question est formulée en référence à une représentation qu’il a élaborée. Partir des idées, des peurs, des théories d’un enfant évite de répondre à côté de ses questionnements profonds et existentiels, et permet de savoir où il en est de sa compréhension des faits.

L’enfant endeuillé a surtout besoin d’être rassuré sur le fait qu’il n’est pas abandonné et qu’il ne sera jamais seul au monde. – Hélène Romano

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Source :  Les 10 indispensables : l’enfant et la mort  de Hélène Romano (Édition du Kindle). Disponible sur Amazon Kindle.