Exprimer nos émotions de parents : une troisième voie entre autoritarisme et laxisme
Isabelle Filliozat écrit dans son livre L’intelligence du coeur que les enfants ont en général envie de respecter un sentiment mais pas un interdit abstrait et arbitraire. Elle explique la différence entre autoritarisme et laxisme :
- l’autoritarisme est une prise de pouvoir sur l’autre (les parents sur l’enfant)
- le laxisme est une prise de pouvoir de l’enfant sur ses parents
Elle voit dans l’expression de leurs émotions par des parents présents dans la relation une troisième voie. C’est alors notre émotion de parent exprimée qui communique notre limite aux enfants.
Deux exemples de parents qui expriment leurs émotions pour communiquer leurs limites personnelles aux enfants
Isabelle Filliozat propose plusieurs exemples pour apprendre à parler authentiquement et exprimer nos émotions en tant que parents plutôt que faire la leçon, culpabilise, accuser ou gronder les enfants. Une nouvelle dynamique relationnelle se met alors en place.
A une jeune fille qui rentre après l’heure convenue, voici une manière pour les parents d’exprimer leurs émotions :
“Quand tu rentres avant minuit, je suis inquiète, parce que je me dis qu’il peut t’arriver n’importe quoi. Pourquoi minuit ? Je ne sais pas, c’est irrationnel, peut-être parce qu’on dit que c’est l’heure du crime, peut-être parce que c’est l’heure où le carrosse se change en citrouille… En tout cas, j’ai peur que tu aies un accident, ou que tu te fasses agresser… Jusqu’à minuit, je ne suis pas inquiète. Après, j’ai besoin de te savoir en sécurité pour dormir en paix.”
A un jeune garçon qui a caché une marque rouge dans son cou :
“Ça ne va pas, parce que j’ai pensé toute la journée à cette marque que tu avais dans le cou, dimanche. Je suis mal parce que je suis inquiète. Je m’imagine toutes sortes de choses, que peut-être tu es victime de racket à l’école, qu’on te brutalise et j’ai peur pour toi. Et puis je me sens mal parce que tu refuses de m’en parler. Je me sens impuissante et déçue que tu ne puisses pas me faire confiance parce que c’est important pour moi de contribuer à ta bonne santé.”
Ces deux exemples pourraient être complétés par des demandes : “J’aimerais que tu me préviennes si tu sens que tu vas rentrer en retard/ je te demande de rentrer à l’heure convenue”, “Je te demande de me parler quand tu seras prêt à te confier/ j’ai besoin que tu me donnes une explication de façon à ce que je sois rassurée, comment tu te sens quand je te dis ça ?”. Ces demandes ne sont pas des exigences mais des invitations à entrer en lien.
Ces manières de communiquer sont inspirées par le processus de Communication NonViolente. Les quatre étapes du processus de Communication Non Violente nous permettent de faire la différence entre le fait d’appréhender la réalité avec empathie dans une optique de coopération plutôt que de confrontation, et le fait d’appréhender la réalité avec jugement, accusation dans une optique de jeu de pouvoir et d’exigence.
Les exemples ci-dessus sont à prendre à titre d’exemples justement. Dans la “vraie” vie, le dialogue peut prendre autant de formes que l’interaction précise avec cette personne précise dans cette situation précise appelle :
- un temps de silence, une empathie silencieuse,
- un langage habituel, courant, personnel, clarifié en nous-même grâce au passage par les quatre étapes Observation/ Sentiment/ Besoin/ Demande,
- ne choisir qu’une à trois étapes du processus dans une interaction afin de ne pas tomber dans un langage mécanique, manquant d’authenticité,
- habiller ces étapes d’un langage adapté à l’interlocuteur.
Moins on aime ce qu’une personne fait, plus c’est important de voir les bonnes raisons qu’elle a d’agir de cette manière.
Les enfants ont toujours de bonnes raisons d’agir de la manière dont ils agissent. L’éducation repose alors sur une compréhension profonde, sincère et respectueuse des besoins et des motivations de l’enfant. En tant que parents, on pourrait alors se demander quels sont les besoins que l’enfant satisfait en ne rentrant pas à l’heure ou en cachant des choses. On gagnera à ce que l’enfant comprenne que cela nous tient à cœur de comprendre ses bonnes raisons de se comporter ainsi.
Après avoir exprimé nos émotions de parents (nos limites personnelles), nous pouvons nous mettre à l’écoute de l’enfant : écouter avec empathie comment il se sent, sans entendre ses comportements comme des affronts ou des attaques personnelles à notre égard.
Raisonner en termes de besoins et d’émotions chez tous les interlocuteurs impliqués permet de trouver des solutions ensemble, des solutions gagnants/gagnants qui satisfont les besoins des uns et des autres, de se connecter dans une relation authentique qui rend la vie de tout le monde plus belle. Voici quelques exemples de décodages à partir des besoins et des émotions en allant plus loin que ce que les enfants donnent à voir :
Si le besoin du parent est noir et que le besoin de l’enfant est blanc, la solution trouvée ne sera pas forcément grise, elle sera peut-être orange ! On rejoint ici l’approche de Thomas Gordon, spécialiste de la communication parents/ enfants :
- quand mes besoins de parents ne sont pas satisfaits, je m’exprime en “message je” pour communiquer mes émotions et mes besoins,
- quand les besoins de l’enfant ne sont pas satisfaits, on les reformule en miroir par de l’écoute active : “j’ai l’impression que tu es…”, “on dirait que tu ressens…”, “tu as l’air d’avoir besoin de…”, “c’est ça que tu as voulu dire ?”,
- quand les besoins entrent en opposition, on essaie de trouver une solution sans perdant pour que les besoins des uns et des autres soient satisfaits.
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Je vous conseille la lecture du livre L’intelligence du coeur de Isabelle Filliozat (éditions Pocket) pour mieux comprendre le rôle des émotions dans nos vies, en tant que parents et, plus généralement, en tant qu’adultes.
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