Premiers soins émotionnels en cas d’accident ou de chute d’un enfant

Premiers soins émotionnels chute accident enfant

Dans son livre Réveiller le tigre : guérir le traumatisme, Peter Levine, docteur en psychologie et spécialiste du stress post traumatique, rappelle que tous les accidents de l’enfance ne produisent pas une réaction traumatique : certains n’ont aucun effet résiduel tandis que d’autres (y compris perçus comme “bénins” par les adultes) peuvent avoir des conséquences sérieuses.

Prenant en compte qu’un enfant peut être traumatisé par quelque chose qui semble banal de l’extérieur, Levine propose des lignes directrices pour des “premiers soins émotionnels” en cas d’incident ou de chute d’un enfant. Il s’agit aussi de “petits” accidents de la vie sans grosse blessure de type fracture ou urgence vitale.

Être attentifs à nos propres réactions d’adultes

La panique est contagieuse donc la première chose à faire en tant qu’adulte témoin ou impliqué dans un accident avec un enfant est de prendre le temps d’établir un sentiment de sérénité chez soi. Cela peut passer par le fait de reconnaître intérieurement l’inquiétude et les craintes pour l’enfant blessé en mettant des mots sur les sensations corporelles. Respirer avec des longues expirations permet de retrouver le calme et ce calme permet d’être attentif aux besoins de l’enfant.

Aider l’enfant à rester calme et immobile

Peter Levine conseille de ne pas laisser les enfants se déplacer seuls même s’ils semblent capables de marcher. Il se peut que certains enfants se remettent en mouvement pour nier leur peur, ce qui s’apparente à serrer les dents pour ne rien ressentir.

Si l’enfant a froid, il est recommandé de lui mettre doucement un pull ou une couverture couvrant ses épaules et sa poitrine.

Encourager l’enfant à se reposer suffisamment longtemps dans un endroit où il est en sécurité

Levine souligne que, si l’enfant est bouleversé ou excessivement calme, le repos est particulièrement important. Il est possible de déposer doucement la main au milieu du dos de l’enfant (au niveau du coeur) pour lui apporter du réconfort sans interférer avec ses propres réponses corporelles spontanées. Il invite toutefois les adultes à la prudence dans la manipulation des enfants après une chute ou un accident.

Amener l’enfant à porter son attention sur ses sensations corporelles

Une fois que l’enfant semble tout à fait revenu à lui (respiration normale, pas de tremblement dû au choc…), il est possible de lui poser des questions sur un ton bienveillant non invasif sur ce qu’il ressent dans son corps : “Que ressens-tu dans ton corps ?”, “Tu as mal quelque part ?”, “Où as-tu cette sensation de douleur ?” Un temps de pause sera respecté entre chaque question qui ne seront pas mitraillées. Les réponses de l’enfant peuvent être explorées en les reprenant sous forme de nouvelles questions.

Si l’enfant décrit une sensation nette, il est possible de se concentrer sur cette sensation : localisation exacte, taille, forme et couleur que l’enfant donnerait à sa douleur… Une fois cette exploration menée en douceur, il est possible de revenir à la sensation initiale qui a peut-être changée sous l’effet de la verbalisation : “Et maintenant, comment ressens-tu cette bosse/ écorchure/ brûlure ?”.

Peter Levine insiste sur l’importance de laisser quelques instants de silence entre chaque question afin de laisser l’enfant vivre toutes ses sensations et de verbaliser tout ce qu’il ressent. De même, mieux vaut se concentrer sur la décharge d’énergie et le repos (plutôt que sur le récit de l’accident). L’enfant aura le loisir dans un deuxième temps de parler de l’incident, de le rejouer dans ses jeux libres ou encore de le dessiner.

L’urgence est d’abord de décharger l’énergie générée par le stress du choc et de traverser les sensations autant que les émotions sans les censurer ou les évacuer trop vite.

Valider les réponses physiques de l’enfant

Levine rappelle que les enfants se mettent souvent à pleurer ou à trembler quand ils sortent d’un choc et qu’il faut résister à l’envie de faire cesser ce processus naturel. Le corps peut avoir besoin de faire ce mouvement particulier et, si ces réactions sont parasitées (par exemple par un adulte qui dit de ne pas pleurer ou que ce n’était pas si grave), alors elles ne pourront pas faire leur travail de décharge de l’énergie accumulée lors du choc.

L’expression physique de la détresse doit se poursuivre jusqu’au moment où elle s’arrête d’elle-même. L’achèvement de ce processus prend généralement quelques minutes. Des études montrent que les enfants qui en ont eu la possibilité ont moins de problèmes à se rétablir. […] Votre rôle essentiel est de créer un environnement sécurisant pour que l’enfant puisse achever ses réponses naturelles à l’accident.  – Peter Levine

Ainsi, dire à l’enfant “C’est vrai que cela peut être impressionnant”, “Tu as eu peur et c’est normal”, “Je suis là” ou encore “Tu peux pleurer autant que tu en as besoin” participe à sa renégociation du choc. Mieux vaut éviter de changer l’enfant de place, de le serrer trop fort ou de chercher à le distraire : une fois qu’il aura vécu ce qu’il a à vivre, l’enfant se positionnera de lui-même en ouverture par-rapport au monde extérieur. Cette orientation est un signe d’achèvement du processus de guérison psychique.

Plus tard, prendre le temps de raconter ou de remettre l’incident en acte

Quand l’enfant est calme (tout de suite après ou quelques temps plus tard), Peter Levine conseille de commencer par demander à l’enfant ce qui s’est passé (décrire l’enchaînement des actes) mais aussi comment il s’est senti. Il peut se sentir en colère, avoir eu peur, être triste, avoir honte ou encore se sentir coupable. Il est important de dire à l’enfant que ce qu’il ressent est normal, digne de respect et qu’il a parfaitement le droit de se sentir ainsi.

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Source : Réveiller le tigre : guérir le traumatisme de Peter Levine (InterEditions). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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