Pourquoi les enfants disent-ils des gros mots ?

Quand les enfants disent des gros mots

Dans son livre Développer le lien parent-enfant par le jeu, Aletha Solter propose d’adopter une approche basée sur le jeu avec les enfants qui disent des gros mots. Elle explique que, autour de l’âge de quatre ans, de nombreux enfants se mettent à utiliser un langage grossier. En effet, ils entendent des jurons et d’autres expressions grossières de la bouche d’adultes ou d’autres enfants à l’école, mais surtout ils découvrent rapidement que ces mots peuvent susciter des réactions fortes chez les autres. C’est surtout les réactions des autres qui amusent les enfants car elles leur donnent le sentiment d’être puissants.

Par ailleurs, les enfants ont tendance à utiliser des gros mots après que quelqu’un leur a parlé de cette manière parce qu’ils essaient de se défouler de la peine ressentie.

Enfin, les gros mots intriguent les enfants parce que ce vocabulaire se réfère souvent aux activités ou à l’anatomie sexuelles, ainsi qu’aux fonctions urinaire ou défécatrice. Les jeunes enfants y sont particulièrement sensibles parce qu’ils viennent d’apprendre à utiliser les toilettes et sont donc très conscients de parties intimes de leur corps. Un peu plus tard, vers les quatre ans, de nombreux enfants sont intrigués par la sexualité et la reproduction.

Ainsi, Aletha Solter affirme que nous n’aurons pas beaucoup de succès si nous corrigeons verbalement les enfant ou si nous les punissons lorsqu’ils utilisent des jurons. Au mieux, les enfants adopteront la stratégie du “pas vu, pas pris” : ils n’emploieront plus ces mots devant l’adulte qui les a réprimandés, mais continueront probablement à les utiliser hors de sa présence (quand le chat n’est pas là, les souris dansent…).

Pour une approche ludique quand les enfants disent des gros mots

Solter propose donc une approche ludique pour plus de succès (exemples : un adulte qui gronde un nounours; le juron qui assomme l’adulte ou qui le fait vomir; inventer des jurons stupides; répéter ensemble les vilains mots à très haute voix, en riant).. Elle écrit : “Le rire permettra à votre enfant de libérer les deux émotions majeures qui président à son besoin de dire des gros mots : l’embarras et l’impuissance”

Les jeux de renversement

Dans les jeux de renversement de pouvoir, les adultes prétendent être faibles, effrayés, maladroits, stupides ou en colère. Le rôle que l’adulte consent à tenir est une composante essentielle du jeu de renversement de pouvoir.

Dans le cas des gros mots, les jeux de renversement de pouvoir sont particulièrement efficaces car ils provoquent le rire et créent du lien plutôt que des fossés.

Aletha Solter propose par exemple, quand un enfant utilise un gros mot, de s’effondrer dramatiquement à terre en disant : « Ô bonté divine ! Ce mot est tellement violent qu’il m’a renversé ! »

Solter rapporte également un jeu inventé par une mère face à son fils qui disait des gros mots :

Mon fils de quatre ans m’avait gratifiée les jours précédents de nombreux gros mots après qu’à son école des enfants plus âgés les lui avaient lancés à la tête. Cela n’a servi à rien de lui dire des choses du genre « Cela me fait de la peine » ou « Nous n’utilisons pas de mots grossiers dans notre famille ». C’est pourquoi, un jour que nous nous trouvions dans une épicerie, j’essayai une approche ludique. Il se mit à me dire : « Maman, tu es une idiote stupide, tu es une double idiote ! » Je lui répondis « Je vais les manger, ces idiots », et je mis mes doigts en pinces sur ses lèvres. Je fis semblant de manger ses petites grossièretés et lui dis : « Beurk ! Ces vilains mots ont un goût répugnant ! » Il pouffa de rire. Il me lança des gros mots pendant environ une minute, que je continuai à faire semblant de manger. Pour finir, je mimai un vomissement sur lui, ce qui déclencha de sa part un éclat de rire. Pendant les quelques semaines qui suivirent, je « mangeai » à chaque fois ses écarts de langage et, avant que je ne le réalise, il avait cessé de me dire des vilains mots. J’étais extrêmement satisfaite et surprise de ce résultat !

Utiliser les jouets comme médiateurs

Utiliser les jouets comme médiateurs est également efficace pour déclencher des rires et passer des messages sans punition ni autre moyen de coercition.

Il est ainsi possible de simuler la naïveté et d’accuser à tort un nounours d’avoir dit des gros mots, tout en simulant une colère exagérée envers le jouet. Après que l’enfant aura utilisé un gros mot, cette stratégie consiste à tendre un index accusateur vers le nounours et à dire avec une colère feinte : « Qui a dit ça ? Nounours, est-ce toi qui as dit ce vilain mot ? Je ne veux plus jamais t’entendre répéter ce mot ! »

Quand l’enfant répétera ce mot – ce qu’il fera certainement –, on pourra simuler une colère encore plus grande vis-à-vis du nounours. À ce moment-là, l’enfant rira probablement avec jubilation.

Les jeux d’absurdité

Au cours des jeux d’absurdités, il s’agir d’agir stupidement en faisant volontairement des erreurs manifestes ou en exagérant les émotions ou les conflits de façon ludique. Les jeux d’absurdités servent aussi à provoquer le rire, mais ici en prononçant ces mots de travers ou en utilisant l’exagération.

Aletha Solter propose quelques exemples pour traiter les problèmes de gros mots des enfants avec les jeux d’absurdité :

  • créer des expressions absurdes en transformant les gros mots en d’autres moins injurieux. Quand l’enfant dit par exemple « Tu as une tête en caca », l’adulte peut répondre « Tu as une tête en cacao ». L’enfant rira de ces transformations absurdes, et, petit à petit, cessera d’utiliser un langage déplacé,
  • crier ensemble des jurons tout en riant.

Dans l’exemple suivant, une mère décrit comment sa fille avait initié ce jeu spontanément après avoir été grondée par son grand-père :

Quand Heather avait quatre ans, nous dînions chez mes parents, et elle laissa tomber sa boisson sur le plancher en bois dur. Sur-le-champ, elle cria « Merde ! » Je pouffai légèrement de rire, parce que je savais qu’elle tenait ce juron de moi. Mon père ouvrit la bouche en grand et dit sèchement : « Heather, nous n’utilisons pas ce genre de langage dans cette maison ! » Mes parents ne se laissent en effet jamais aller à dire de gros mots, et je n’avais jamais été autorisée à le faire étant enfant. Heather resta muette pendant un instant, devint très tranquille, grimpa sur mes genoux et se mit à pleurer. J’expliquai à mon père qu’elle n’avait fait que répéter ce qu’elle avait entendu de ma part. Il présenta des excuses à ma fille puis me conseilla de ne pas parler ainsi devant elle, ni même ailleurs. J’amenai Heather dans une autre pièce afin qu’elle puisse continuer de pleurer avec mon soutien. Elle était blessée, désorientée par le ton tranchant et sévère de son grand-père, et elle sanglota pendant environ un quart d’heure. Plus tard, ce soir-là, nous sautions sur notre trampoline, et à chaque fois qu’elle atterrissait elle disait « Merde ! » Lorsqu’elle me regarda pour voir ma réaction, je souris et lui fis comprendre que c’était bien. Alors elle se mit à le crier de plus en plus fort à chaque bond, en riant de manière débridée. Puis elle me saisit les mains, et nous nous mîmes à sauter ensemble et à hurler « Merde ! » en rigolant. Après avoir continué ce jeu pendant environ vingt minutes, nous nous assîmes sur le trampoline et parlâmes des jurons.

Une fois la connexion établie, rediriger et trouver des solutions

Une fois que la connexion émotionnelle a été établie par le rire peut venir le temps de la redirection du comportement et de la recherche de solutions. Il est alors possible d’expliquer à l’enfant qu’il doit être conscient de son entourage, parce que la plupart des adultes sont offensés d’entendre des gros mots.

Ensuite peut venir un temps de recherche de solutions (par exemple, dire des mots gros mots dans les toilettes, chuchoter les gros mots à l’oreille du parent, fixer un moment de défoulement limité dans le temps où tous les gros mots sont autorisés comme un temps de défoulement…).

Ces méthodes peuvent paraître contre-productives de prime abord, parce qu’elles encouragent temporairement votre enfant à répéter de vilains mots en votre présence, mais la tentation de les utiliser dans d’autres contextes ira décroissant. Votre enfant commencera par utiliser un langage déplacé davantage comme une invitation à jouer avec vous que comme un moyen de se sentir fort, de choquer les autres ou d’exprimer de la colère. L’enjouement et le rire réduiront la tension ou l’embarras lié à l’usage de ces mots. En aidant votre enfant à évacuer ses sentiments d’impuissance, ce jeu réduira également la nécessité pour lui de chercher le pouvoir en jurant.  Ultérieurement, il cessera complètement d’utiliser ce genre de vocabulaire.- Aletha Solter

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Source : Développer le lien parent-enfant par le jeu de Aletha Solter (éditions Jouvence). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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