Effet des écrans sur le développement des jeunes enfants

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Corrélation n’est pas causalité.

Ce n’est pas parce qu’on observe un lien entre développement cognitif et temps d’écran que ce sont les écrans qui dégradent les capacités cognitives. Il se peut que la causalité soit inverse : ce sont les caractéristiques de l’enfant qui le portent vers les écrans. Des enfants porteurs de troubles autistiques ou de trouble de l’attention peuvent passer plus de temps sur les écrans du fait même de leur trouble neurodéveloppemental. Il se peut aussi que d’autres causes expliquent à la fois les trouble du développement et le temps d’écran. Par exemple, le niveau d’éducation des parents peut être un facteur influençant à la fois le développement cognitif des enfants et le temps passé sur les écrans. Ce niveau d’éducation a en effet des conséquences sur le milieu de vie des enfants (exposition au bruit, à la pollution, au tabagisme passif par exemple) et sur des croyances (il arrive que des parents pensent bien faire en exposant leurs enfants aux écrans car certains programmes sont vendus comme éducatifs ou que ces parents pensent que leurs enfants vont acquérir des compétences numériques utiles). Il existe donc des facteurs présents en amont qui induisent une corrélation entre les capacités cognitives et l’exposition aux écrans. Le travail des chercheurs consiste précisément à prendre en compte ces facteurs “cachés” et à démêler les différentes hypothèses. Il se peut que ces trois hypothèses ne s’excluent pas (temps d’écran -> capacités cognitives; capacités cognitives -> temps d’écran; autres facteurs -> capacités cognitives + temps d’écran). 

Les écrans peuvent être un facteur aggravant de troubles existants, mais ne sont pas la source primaire du trouble. Certains médecins ou orthophonistes ont pu s’alerter des conséquences des écrans sur le développement des enfants car ces professionnels ont reçu de plus en plus d’enfants porteurs de troubles du spectre autistique ou avec un déficit de langage qui passaient du temps devant les écrans. Or c’est un biais de recrutement : ces professionnels ne voient en effet que des enfants qui présentent des difficultés puisque les parents consultent précisément pour cela. Ces professionnels ne voient pas tous les autres enfants qui ont une consommation similaire d’écran et qui vont bien. Ce biais de recrutement initial peut engendrer un biais de confirmation : toutes les difficultés sont vues à travers le prisme des écrans. Il peut exister des consommations d’écran problématiques quand elles envahissent la vie de l’enfant et empêchent la réalisation d’autres activités, mais cela ne signifie pas qu’il faille diaboliser toutes les minutes passées sur écran. La question n’est pas tant celle du temps passé sur les écrans, mais plutôt celle de la concurrence avec d’autres activités : est-ce que le temps d’écran envahit (ou pas) la vie et empêche la réalisation d’autres activités ? 

Un faible effet négatif des écrans sur les capacités cognitives des enfants 

Les chercheurs ont remarqué un faible effet négatif des écrans sur les capacités cognitives et ils se demandent si cet effet est lié de manière intrinsèque aux écrans (en lien avec une éventuelle addiction, avec une perturbation de la concentration, avec des contenus de mauvaise qualité ou avec la lumière bleue) ou bien si cet effet est lié à une concurrence avec d’autres activités (en lien avec un manque de bain de langage, d’interactions humaines, de mouvement ou de sommeil). Il se peut que les écrans participent à un environnement appauvri s’ils sont l’unique activité qui mobilise tout le temps de l’enfant.

Il est donc pertinent de se demander quel est l‘usage des écrans et sur quelles autres activités ils empiètent.

  • Quel type de support ?
  • Quel type de contenu ?
  • Dans quel contexte ?
  • Y-a-t-il un partage familial autour du contenu ?
  • A quoi sert l’écran ?
  • Qu’est-ce qu’on fait autour des écrans en famille ou entre amis ?
  • Dans quelle mesure les parents sont captés par leur propre téléphone ?
  • Le PEGI de classification par âge des jeux vidéo et la limite d’âge des séries ou films sont-ils pris en compte ?

La qualité du temps autour des écrans importe : parler d’un film vu, demander quel niveau l’enfant a atteint dans son jeu vidéo, chanter les chansons entendues et vues en vidéo, échanger autour d’un documentaire, se renseigner sur les influenceurs/ YouTubeurs préférés de l’enfant et lui demander ce qui lui plait chez eux…

Pour aller plus loin : Le vide relationnel provoqué par les parents distraits par les écrans (et comment déconnecter en famille)

Effet des écrans sur la santé mentale des adolescents 

Les effets des écrans sur la santé mentale des ados sont encore à questionner

Il existe une corrélation entre apparition des écrans et dégradation de la santé mentale des adolescents (autour de 2010). Là aussi, nous pouvons nous demander si cette corrélation est une causalité ou bien si cette corrélation cache une causalité inverse : est-ce parce que la santé mentale des adolescents s’est dégradée – en lien avec des facteurs externes – que leur consommation d’écran a augmenté ? Les chercheurs n’ont pas encore tranché cette question. Le problème de santé mentale des adolescents et des étudiants est réel (dépression, troubles anxieux), d’autant plus qu’il a été aggravé par les confinements, mais ce problème ne doit pas être instrumentalisé pour désigner un unique coupable (les écrans), au risque d’oublier les facteurs environnementaux, neurodéveloppementaux et politiques.

Toutefois, certains usages des réseaux sociaux sont très nettement problématiques :

  • ils entraînent de la comparaison avec des modèles inaccessibles (physique, beauté, richesse, performance sportive…),
  • ils facilitent la prise de contact des pédocriminels,
  • ils rendent l’accès à la pornographie sans filtre d’âge,
  • ils peuvent amplifier des phénomènes de harcèlement qui se prolonge hors des murs de l’établissement scolaire.

On retrouve également la notion de concurrence avec d’autres activités. Des impacts négatifs peuvent être mentionnés, comme la réduction du temps de sommeil, la diminution du temps d’activité physique, le syndrome du manque de nature (concept de Richard Louv), et la fragilisation de la concentration (consulter les écrans en même temps qu’une autre activité nécessitant de la concentration dégrade la qualité de l’apprentissage).

Dégager les adolescents de la soumission à l’outil 

Les notifications peuvent entraîner une sorte de soumission à l’outil, dans le sens où le smartphone ou la tablette “appelle'” et l’utilisateur accourt. Les applications sont conçues de manière à rendre les spectateurs captifs car plus ils restent, plus ils sont exposés à de la publicité et plus l’application gagne de l’argent. Il est possible d’enseigner aux adolescents à rester maîtres de leur temps en résistant au scroll infini et à l’enchaînement automatique des vidéos notamment. Dans son livre Nos ados sur les réseaux sociaux, même pas peur !, Béatrice Kammerer nous invite à défendre le droit à la déconnexion des adolescents. Dormir, manger, se divertir, partager du temps avec ses proches sont des éléments essentiels à la qualité de vie. Nous pouvons leur apprendre à se préserver, notamment en désactivant les notifications de certaines applications, même si c’est évidemment plus facile à dire qu’à faire. En tant que parents, nous pourrions d’ailleurs nous imposer cette discipline et lancer un défi en famille où chacun désactive les notifications des deux applications sur lesquelles il passe le plus de temps. Les adolescents sont sensibles à la valorisation de la réactivité et de la disponibilité à tout prix, largement encouragée par le design des plateformes. Béatrice Kammerer nous invite donc à les aider à prendre de la distance face à l’injonction de l’hyper-disponibilité forcée :

  • inviter les ados à ne pas laisser le temps de réaction devenir le mètre étalon de la qualité de leurs liens sociaux;
  • leur apprendre à refuser de sacrifier à ces nouvelles normes sociales leur sommeil et leur détente;
  • les convaincre de s’octroyer – sans jamais culpabiliser – le droit de déconnecter tous leurs outils numériques;
  • dialoguer avec les enfants pour les inciter à réguler – voire à réduire – leur temps d’écran, plutôt que diaboliser leurs usages des réseaux sociaux ou de mépriser l’intérêt qu’ils y trouvent;
  • trouver des activités alternatives suffisamment attractives pour les jeunes pour “concurrencer” les réseaux sociaux, d’où l’importance de ne pas se décourager et de rester autant que possible à l’affût des centres d’intérêt des jeunes.

Des pistes comportementales pour limiter l’emprise des algorithmes 

Informer ne suffit pas pour changer de comportement : il faut récompenser le nouveau comportement et changer le schéma de comportement par de nouvelles habitudes à consolider dans le temps.

Certains artifices comportementaux peuvent être mis en place, notamment lors des sessions de révisions et de devoirs :

  • éteindre le téléphone ou, a minima, le mettre en mode silencieux;
  • placer les écrans dans une autre pièce;
  • passer l’écran en noir et blanc pour être moins attiré;
  • limiter l’accès à certaines applications avec une limite de temps quotidienne;
  • télécharger une application qui ferme l’usage du téléphone (comme Flipd)…

L’idée est que les adolescents soient consentants et conscients des enjeux pour qu’ils puissent réguler leur temps d’écran en autonomie quand ils seront jeunes adultes. L’objectif est que l’éducation devient auto-détermination. Il est également possible de co-établir des règles qui s’appliquent à toute la famille (y compris les adultes), comme “pas d’écran pendant les repas” car c’est un moment d’interaction et de partage.

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Source : Mes parents, moi, et mes écrans, chaîne YouTube REC TOULOUSE, intervenants : Franck Ramus (Directeur de Recherche au CNRS) et Magali Lavielle Guida (Orthophoniste et Docteur en psychologie)

Pour aller plus loin :

ENFANTS : Votre enfant devant les écrans : ne paniquez pas – Ce que disent vraiment les neurosciences de Nicolas Poirel (éditions De Boeck). Disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.

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Votre enfant devant les écrans ne paniquez pas ce que disent vraiment les neurosciences

 

ADOS : Nos ados sur les réseaux sociaux, même pas peur ! de Béatrice Kammerer (éditions Réseau Canopé) est disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.

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