Pourquoi est-il urgent de repenser le pouvoir et l’autorité (et pourquoi c’est aux adultes de porter la responsabilité de la qualité de la relation adultes/enfants) ?

Dans son livre “Me voilà ! Qui es-tu ?”, Jesper Juul écrit :

me voila qui es tu jesper juul

La violence en tant que méthode éducative n’inspire pas le respect, elle crée de l’angoisse. Elle n’apprend pas aux enfants à faire la différence entre le bien et le mal, elle leur apprend qu’on a le droit d’en faire usage si on a le pouvoir. La violence n’apprend pas non plus aux enfants à respecter les limites des parents, elle leur apprend à avoir peur des conséquences.

Pendant des centaines d’années, nous avons été habitués à penser que le seul fait d’être parent nous donnait une autorité formelle, ce qui facilitait l’usage de notre pouvoir. Il n’en est plus ainsi […]. Les parents modernes doivent pouvoir développer une autorité bien plus personnelle, s’ils veulent que leur leadership porte ses fruits et que les abus de pouvoir soient évités. Les rôles traditionnels des genres ayant peu à peu été remis en question, cela vaut aujourd’hui aussi pour la réussite de la vie de couple.

Ni les parents, ni les enseignants, ni les pédagogues n’obtiennent de nos jours, comme c’était le cas auparavant,  le respect de leur entourage simplement pour le rôle qu’ils incarnent. Ils l’obtiennent pour la personne qu’ils sont.

Les adultes, comme les enfants, ont tout simplement perdu le respect envers les figures d’autorité. Et nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers une époque où le degré de crédibilité personnelle sera décisif quant au respect que nous inspirerons et au pouvoir que nous aurons le droit d’exercer envers les enfants et les jeunes, dans les relations pédagogiques comme dans les relations privées.

Les parents modernes, lorsqu’ils doivent aujourd’hui prendre des décisions pour les enfants, se trouvent donc, à bien des égards, devant une tâche compliquée. Qu’ils décident est important, mais que leurs décisions donnent aux enfants les meilleures conditions de développement possible l’est tout autant.

Cela signifie, entre autres, que les parents doivent abandonner une grande partie du pouvoir qui a traditionnellement toujours été le leur, sans pour autant abandonner le leadership. C’est une tâche incroyablement difficile qu’ils ne peuvent accomplir d’un coup de baguette magique et qu’ils ne pourront apprendre à faire qu’avec les enfants, au fur et à mesure que ceux-ci grandissent.

Ce processus d’apprentissage réciproque conduit inévitablement à des conflits et des frustrations.

Les besoins des enfants sont simples (même si leurs désirs et leurs souhaits sont nombreux) : ils ont besoin que les parents établissent un leadership compétent. Par contre, les parents ont toute leur histoire personnelle derrière eux et ont besoin en général de plus de temps pour apprendre les nouvelles façons de rencontrer l’enfant. Hélas, beaucoup de ces parents reçoivent comme conseils de “mettre plus de limites” sous forme de règles strictes pour le comportement de l’enfant. […] L’enfant est alors désigné comme coupable, ce qui ne fait qu’aggraver les choses. Ce que les parents doivent apprendre à faire, c’est se manifester personnellement et mieux se définir en tant qu’être humain.

Cet apprentissage peut prendre deux ou trois années, mais cela vaut la peine de faire ce travail et de ne pas se satisfaire d’un diagnostic sur l’enfant.

 

Les deux types d’autorité (selon Thomas Gordon)

Pour Thomas Gordon, l’autorité prend deux formes : l’une est efficace, l’autre ne l’est pas.

L’autorité pouvoir (inefficace)

L’autorité pouvoir repose sur la capacité à récompenser et punir, du fait de la dépendance des enfants.

L’autorité pouvoir vise à contrôler les jeunes.

On prend souvent comme exemple la police qui distribue des contraventions pour justifier l’usage des punitions. Or la plupart des automobilistes n’appliquent la loi que lorsqu’ils craignent de se faire prendre. Le pouvoir n’influence jamais constructivement.

De nos jours, la vie en société, tant professionnelle et sociale que familiale et personnelle, requiert plus la participation et la collaboration que la domination et la soumission.

 

L’autorité compétence (efficace)

L’autorité peut aussi signifier la compétence. Cette autorité est “méritée” car elle repose sur une sagesse personnelle, sur des talents utiles et transmis sans imposition, sur une connaissance de soi qui conduit l’adulte à communiquer ses besoins et ses demandes sans violence.

Les enfants “incontrôlables” n’ont pas besoin qu’on les contrôle, mais qu’on développe leur contrôle intérieur, ce qui requiert des relations où les besoins de chacun sont respectés.

Les enfants désirent connaître les limites des adultes qui partagent leurs vies, qu’ils les informent des sentiments qu’ils éprouvent face à leurs comportements. Ainsi les enfants peuvent eux-mêmes modifier librement ces comportements qui entrent en conflit avec les besoins des adultes.

Les jeunes ne veulent pas subir le contrôle du pouvoir et de l’autorité. Ils veulent être considérés et participer à la résolution des conflits.

Comment repenser le rapport à l’autorité pour des relations vivantes et authentiques ?

Une relation vivante, authentique, incarnée, intime est fondée sur plusieurs piliers :

  1. la franchise (qui rend chacun libre de s’exprimer ouvertement)
  2. le souci des autres (qui permet à chacun de se sentir estimé et apprécié)
  3. la solidarité (qui favorise la coopération et l’entre aide)
  4. la diversité (qui permet à chacun d’épanouir ses talents et sa créativité)
  5. le respect des besoins des autres (qui concrétise le respect mutuel)

Le temps relationnel est vital : il comprend des périodes de contact de personne à personne, des moments pour répondre au besoin de communication intime, des espaces pour satisfaire les besoins de temps individuel.

 

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Sources :
Me voilà ! Qui es-tu ? : Sur la proximité, le respect et les limites entre adultes et enfants de JesperJuul (éditions Fabert)

Enseignants efficaces de Thomas Gordon (les éditions de l’Homme)

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