Les conflits de possession entre enfants sont très fréquents autour de 2 ans.

Dans son livre L’agressivité chez l’enfant de 0 à 5 ans, Sylvie Bourcier, consultante en petite enfance et professeur à l’Université de Montréal, estime que « 83% des contacts observés chez les tout-petits gravitent autour des objets». En réalité, pour les enfants autour de 2 ans, utiliser un même objet ou un objet similaire représente une manière de communiquer.

L’objet devient le prolongement de lui-même. Le «à moi» signifie donc «c’est moi». – Sylvie Bourcier

Il est difficile pour les jeunes enfants de saisir le sens du partage et du prêt. En effet, les petits enfants n’ont pas encore assez de maturité pour comprendre le mot « partage » : ils assimilent « partage » et « don », si bien qu’ils sont convaincus de ne jamais récupérer leur jouet. Vers 3-4 ans, les enfants deviennent plus enclins à prêter et à attendre. Avant cet âge, les jeux se déroulent plutôt en parallèle et la notion de propriété se limite à la règle d’antériorité. « Si je l’avais dans mes mains avant, c’est que cet objet m’appartient à moi et moi seul ! »

10 idées pour réagir quand les enfants ne veulent pas partager et arrachent des mains

Je vous propose 10 solutions pour régler les conflits de possession entre des jeunes enfants (entre 2 et 5 ans). Dans tous les cas, il est essentiel que les enfants sachent qu’il est défendu d’utiliser la violence : « Je ne te laisserai jamais taper. Je vois que tu es en colère, et je n’accepte pas que tu frappes et blesses les autres pour autant. »

1.Apprendre la notion d’attente

Apprendre à attendre, c’est comprendre le principe de l’alternance des tours. En tant qu’adultes, nous pouvons verbaliser : « D’abord, c’est lui qui joue avec le camion et après, ce sera toi. » Nous allons rester à côté de l’enfant jusqu’à ce qu’il reprenne possession de l’objet pour le rassurer . Les jeux de blocs, de docteur, d’échanges téléphoniques ou de poupées qui se déroulent à tour de rôle aident l’enfant à acquérir ce concept d’alternance des tours. Au début de cet apprentissage, il est nécessaire d’accompagner l’enfant.

Toutefois, Sylvie Bourcier souligne que la pratique de l’alternance est plus difficile pour les petits, puisque l’attente suppose la compréhension du «avant/ après». Il peut alors s’avérer efficace de détourner leur attention vers un autre jeu si les enfants s’impatientent.

2.Aider l’enfant à mieux cerner la notion de propriété

Nous pouvons saisir des opportunités informelles lors de moments d’interaction quotidienne pour illustrer la notion de propriété et de prêt : « Je veux bien te prêter mon crayon. Je sais que tu me le rendras et il sera encore mon crayon. C’est ton tour de dessiner, après je prendrai mon crayon pour écrire à mon tour. »

3.Établir des règles claires

Sylvie Bourcier propose deux règles de base :

Règle numéro un : l’objet tenu par un ami ou sa sœur n’est pas accessible. S’il est déposé, on peut le prendre.

Règle numéro deux : on doit demander avec des mots et gentiment pour obtenir un jouet.

4.Enseigner à l’enfant comment faire une demande

Il est recommandé d’accompagner les enfants de 2/3 ans pour qu’ils formulent leur la demande. Les enfants nous observent et nous leur donnons l’opportunité de reproduire par la suite ce modèle. Nous pouvons aussi faire pratiquer un enfant plus vieux en le guidant avec des mots à dire : « Si tu veux jouer, tu peux lui demander : “ Veux-tu me prêter ton jouet, s’il te plaît ? ” »

Quand l’enfant réussit à s’empêcher de prendre des mains et passer par une demande avec des mots, le féliciter vient renforcer ce comportement.

5.Susciter la résolution de problèmes

Les enfants ont besoin d’être guidés et accompagnés dans une réflexion pour trouver des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent : « Qu’est-ce que tu aurais pu faire?» ou «Qu’est-ce que tu voulais lui dire ?». Ces questions l’aident à évaluer d’autres options pacifiques et à choisir des solutions appropriées.

6.Passer par le troc

On peut montrer aux petits de 2 ans comment faire du troc.

Lorsque l’enfant désire le jouet d’un autre, mettez-lui dans la main un jouet susceptible d’intéresser l’enfant qui détient le jouet convoité. Invitez l’enfant à donner le jouet dans sa main à l’autre. Ensuite, vous pouvez présenter deux jouets à l’enfant et lui demander lequel plaira à l’autre enfant. Enfin, on demande à l’enfant de choisir un objet qui fera plaisir à l’autre pour pratiquer le troc. – Sylvie Bourcier

Attention toutefois : prêter et partager n’est pas une obligation. Les enfants ont le droit de ne pas vouloir prêter un jouet chargé d’amour ou de souvenirs, comme un doudou ou un cadeau.

7.Encourager la pensée causale et la sensibilité à l’autre chez l’enfant

Développer l’empathie d’un enfant passe par la pensée causale : c’est son geste (prendre des mains, taper, crier…) qui a provoqué la blessure ou la peine de l’autre. Cela se fait sans appel à la morale, ni culpabilisation. Les enfants ont besoin de comprendre les causes/ conséquences, pas d’être culpabilisés ni d’apprendre à se cacher les fois suivantes pour éviter les leçons de moral. Encourager la pensée causale peut passer par des phrases comme « Stop, pas de coups! Regarde, ta copine se sauve et pleure. Son bras est rouge. » Il est inutile de demander à l’enfant « Et toi, est-ce que tu aimerais que je te frappe ? » ou « Est-ce que tu aimerais qu’elle vienne te frapper ? »

C’est la répétition de ces messages (elle a de la peine, cela fait mal) qui permet à l’enfant de comprendre l’impact de ses gestes et d’être attentif à ce que l’autre ressent.

8.Accueillir la peine de la victime

Il est important que l’adulte nomme les émotions de la victime pour deux raisons :

en lien avec le point précédent, développer l’empathie de l’enfant agresseur
faire en sorte que la victime se sente comprise et protégée.

En complément, afin de donner d’autres moyens d’agir à l’agresseur, l’adulte peut consulter la petite victime pour savoir ce dont elle aurait eu besoin : «Tu aurais aimé qu’il te demande le jouet ou qu’il attende que tu termines ou qu’il te dise… »

9.Accueillir les émotions de l’agresseur

Accueillir les sentiments de l’enfant qui a agi de manière agressive permet de l’apaiser et de montrer qu’il peut très bien être frustré et s’empêcher de taper : « Je comprends, tu es déçu. Tu as fait une belle demande comme je t’ai demandé, mais ton copain n’est pas prêt maintenant à te prêter son jouet. Tu te faisais une telle joie à l’idée de jouer avec. »

10.Proposer de jouer seul et on lui offre l’occasion de retourner au jeu de groupe lorsqu’il sera prêt.

Quand un comportement devient inacceptable, on pourra accompagner l’enfant agressif à part pour un temps calme de retrait. Ce retrait permet à l’enfant de se couper de sa frustration et lui permet, ainsi qu’à l’adulte, de se calmer. Cela peut se faire dans un coin spécialement aménagé à la maison ou en classe quand c’est possible. Par exemple, on peut imaginer une petite tente ou un paravent avec des ressources pour réguler les émotions (paille pour souffler, doudous à caresser, feuilles à déchirer et froisser, fidgets à faire tourner…)

Sylvie Bourcier rappelle que ce type de retrait au calme doit se jumeler avec l’attention positive.

Pour aller plus loin : Antidotes aux comportements agressifs des jeunes enfants (moins de 5 ans) sans punir ni menacer

Le message à exprimer est: « Je suis près de toi. Personne ne va t’ennuyer. Maintenant je sais que tu seras capable d’arrêter…» On peut aider l’enfant à se situer dans le temps avec une horloge. Et après la crise, l’enfant doit profiter d’une occasion pour vivre du succès et être rassuré quant à l’amour. « Viens maintenant me montrer que tu es capable de jouer gentiment avec ton frère. » – Sylvie Bourcier

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Source : L’agressivité chez l’enfant de 0 à 5 ans de Sylvie Bourcier aux éditions CHU Sainte Justine (disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce).

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