La résistance des enfants diminue quand ils sentent que nous les prenons au sérieux : soyons les témoins des expériences des enfants plutôt que des juges
En tant que parents, nous pouvons être tentés de fixer des limites aux enfants, de les empêcher de faire ce que nous estimons inapproprié, de rediriger leur comportement sans chercher à nous connecter émotionnellement avec eux avant, sans reconnaître leur expérience. Or les êtres humains ont besoin de se sentir vus, reconnus en tant que personne avec une volonté propre, de se sentir exister à travers le regard des autres. Quand un parent dit à un enfant ce qu’il ne doit pas faire, ce dernier va être tenté de résister pour protéger sa dignité, pour se sentir exister comme un individu singulier, pour confirmer son expérience personnelle et son existence.
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Cela peut paraître bizarre, contre intuitif et même inefficace de valider les gestes et mots des enfants, alors même qu’on cherche à empêcher ou rediriger ces mêmes gestes (et pour de bonnes raisons : la santé de l’enfant, sa socialisation, sa sécurité…). Pourtant, quand nous reconnaissons l’expérience des enfants et que nos mots vont dans leur sens, ils sont plus ouverts à notre influence. Leur résistance diminue quand ils sentent que nous les prenons au sérieux et que nous nous posons en témoins de leur expérience, plutôt qu’en juge. Le problème quand nous cherchons à corriger les enfants sans les voir ni confirmer leur expérience, c’est que nous devenons des obstacles à la satisfaction de leurs besoins plutôt que des partenaires de confiance. Il est important que les adultes prêtent attention non seulement à ce qu’ils veulent transmettre aux enfants, mais aussi au sentiment que les enfants éprouvent quand ils reçoivent les conseils. Changer notre état d’esprit n’est pas facile parce que nous n’y sommes pas habitués et que peu de gens autour de nous pratiquent ce mode de communication. Pourtant, cette manière d’aborder les comportements enfantins qui nous posent problème change la dynamique de la relation pour plus d’harmonie et de satisfaction mutuelle.
En pratique : quand un enfant met un crayon à la bouche
Par exemple, si un enfant suce un crayon, il est évidemment tentant de lui demander d’arrêter, ou de lui retirer le crayon des mains. D’une part, il y a peu de chances pour que l’enfant coopère avec la demande et, d’autre part, arracher un objet des mains de l’enfant est irrespectueux et risque de déclencher une violente manifestation de désapprobation de sa part (justifiée). Plus nous demandons à un enfant d’arrêter de faire ce qu’il est en train de faire, plus le risque est grand qu’il continue parce que ses motivations et son expérience ne sont pas prises en compte (ex : besoin d’exploration, besoin de découverte, besoin d’autonomie renforcé face à la contrainte). Quand un parent se sent impuissant et incompétent, c’est peut-être le signe de suivre la direction de l’enfant au lieu d’aller contre elle. Ce parent peut commencer par valider avec enthousiame l’expérience de l’enfant avec son crayon : “Hum, on dirait que ce crayon a bon goût. Et c’est nouveau comme sensation dans ta bouche. C’est une nouvelle expérience et je vois que c’est ta façon d’explorer le monde.”
Il est très probable que l’enfant soit étonné et intéressé. Il va peut-être prendre un temps d’arrêt pour observer le crayon avec un regard nouveau ou bien faire une dernière tentative en regardant l’adulte dans les yeux afin de vérifier qu’il parle bien de cette expérience-là. L’adulte pourra alors saisir cette occasion pour encourager l’enfant : “Oui, c’est bien de ce crayon dont je parle. Quel goût a-t-il donc ?”. L’enfant va sûrement retirer le crayon de sa bouche et c’est là qu’il est possible d’amorcer la coopération et la redirection du comportement : “Est-ce que tu serais d’accord pour me donner le crayon ? Je voudrais te montrer quelque chose”. L’adulte pourra dessiner et laisser l’enfant s’approcher puis lui donner le crayon afin qu’il s’approprie cette expérience du dessin.
Cette approche nous invite à chercher d’abord ce que nous pouvons apprécier dans le moment, plutôt que de chercher ce qu’il faut corriger. Elle est d’autant plus efficace quand nous ressentons un fort besoin de corriger le comportement de l’enfant (et que la sécurité et la santé ne sont pas immédiatement en jeu). La qualité de la relation s’en trouve fortement améliorée.
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