14 principes pour une éducation lente (ou le “slow parenting” pour ralentir et moins stresser)
1.L’éducation est une activité lente.
L’éducation lente cherche à trouver le rythme d’apprentissage de chacun et de chaque activité, en le respectant, en le stimulant et en l’amplifiant. Elle ne pénalise pas la lenteur, elle ne vise pas la standardisation.
2.Les activités éducatives définissent elles-mêmes le temps nécessaire à leur réalisation, et non l’inverse.
Le temps passé sur un apprentissage dépend-t-il de l’activité ? Ou à l’inverse, le temps étant déjà établi à l’avance, l’activité dépend-elle du temps imparti ?
3.En matière d’éducation, moins, c’est souvent mieux.
Nous disons que nous souhaitons mieux préparer les élèves : voilà pourquoi nous surchargeons les programmes scolaires. Les statistiques montrent pourtant que le temps passé par élève à l’école n’est pas corrélé aux résultats des évaluations internationales.
De quelles activités pourrions-nous nous passer car elles n’apportent aucun apprentissage significatif ? Quelle serait la quantité de temps libéré ?
4.L’éducation est un processus qualitatif.
Mémoriser ne signifie pas apprendre. Apprendre en vue d’un examen ne signifie pas savoir. Savoir ne signifie pas comprendre. Lorsque nous apprenons en vue d’un examen et que nous oublions ce que nous avons appris sitôt l’examen passé, c’est là un apprentissage quantitatif.
Dans un cadre démocratique, l’intelligence n’a de sens que si elle est mise au service de l’humanité. –
5.Le temps éducatif est global et inter-relié (et non fragmenté ni compartimenté).
Quand les disciplines sont spécialisées et closes, l’esprit perd son aptitude naturelle à remettre les connaissances et les faits dans son contexte.
Comme notre éducation nous a appris à séparer, compartimenter, isoler et non à relier les connaissances, l’ensemble de celles-ci constitue un puzzle inintelligible. Les grands problèmes humains disparaissent au profit des problèmes techniques particuliers.
L’affaiblissement de la perception du global conduit à l’affaiblissement de la responsabilité (chacun tendant à n’être responsable que de sa tâche spécialisée), ainsi qu’à l’affaiblissement de la solidarité (chacun ne ressentant plus son lien avec ses citoyens).
Incapable d’envisager le contexte et le complexe planétaire, l’intelligence aveugle rend inconscient et irresponsable. – Edgar Morin
L’éducation doit favoriser l’aptitude naturelle de l’esprit à poser et à résoudre les problèmes essentiels et, corrélativement, stimuler le PLEIN EMPLOI DE L’INTELLIGENCE GÉNÉRALE.
6.La construction du processus éducatif se doit d’être durable.
Un processus éducatif doit tenir compte des apports du passé et envisager les conséquences qu’auront nos agissements présents. L’éducation lente ménage du temps afin d’éduquer à un futur incertain et flou.
L’histoire humaine a été et demeure une aventure inconnue. Pour Edgar Morin, « le futur se nomme incertitude » et « l’Histoire ne constitue pas une évolution linéaire ».
Edgar Morin propose d’enseigner l’incertitude de la connaissance et du réel (comme développé dans son point n°1) mais également l’incertitude de l’action. Il propose de dire aux enfants qu’une action commence à échapper à leurs intentions dès qu’ils l’entreprennent car c’est l’environnement et les interactions qui s’en saisissent (dans un sens qui peut parfois devenir contraire à l’intention initiale).
Au cours de l’Histoire, nous avons vu souvent, hélas, que le possible devient impossible, et nous pouvons pressentir que les plus riches possibilités humaines demeurent encore impossibles à réaliser. Mais nous avons vu aussi que l’inespéré devient possible et se réalise : nous avons souvent vu que l’improbable se réalise plutôt que le probable; sachons donc espérer en l’inespéré et œuvrer pour l’improbable. – Edgar Morin
7.Chaque enfant – et chaque personne – a besoin d’un temps propre pour apprendre.
Revendiquer le temps juste pour chaque élève suppose forcément de prêter attention à la diversité des apprenants et de se heurter à la rigidité du temps scolaire.
Cela suppose de partir de l’élève et de recourir à des méthodes plus participatives où les apprentissages ne reposent pas sur des manuels standards qui proposent les mêmes activités et les mêmes contenus pour tous les élèves.
8.Chaque apprentissage a son moment.
En éducation, “plus tôt” n’est pas toujours synonyme de “mieux”. –
Le fait de vouloir faire apprendre des choses (couleurs, noms des animaux, comptine numérique chez les jeunes enfants…) de manière trop précoce peut être efficace en termes cognitifs (les acquisitions précoces sont effectives) mais présentent des risque d’altération du développement par ailleurs :
- repères spatio-temporels,
- latéralisation,
- réflexes primitifs rémanents.
Chacun doit faire les apprentissages quand il est prêt.
9.Pour profiter au mieux du temps, définir et hiérarchiser les finalités de l’éducation.
L’éducation lente n’est pas une mode : elle découle de la conviction que c’est la voie vers des apprentissages réussis et profonds, durables et accessibles au plus grand nombre.
Nous pouvons nous poser cette question en vue d’éduquer : Quelles sont les trois intentions ou priorités à privilégier au cours de cette année ?
10.L’éducation requiert des moments sans temps.
Un exemple : lire pour le simple plaisir de lire, pas pour remplir une fiche ou faire un résumé.
Le temps ne doit pas toujours être organisé, rentabilisé, utile ou éducatif. Les temps visiblement “non productifs” sont essentiels pour consolider les apprentissages et pour leur donner du sens dans la “vraie” vie.
11.Redonner du temps aux enfants.
Quand les adultes planifient à l’excès le temps des enfants, ceux-ci n’ont plus la possibilité de l’organiser ni de le gérer eux-mêmes pour faire les activités qu’ils souhaitent et dont ils ont naturellement besoin.
Il faut redonner du temps aux enfants à l’école et à la maison afin de leur offrir des espaces où ils puissent assimiler les connaissances, vivre, connaître, apprendre et construire leurs propres apprentissages.
En leur rendant ce temps, c’est l’enfance elle-même que nous rendons aux enfants. – Joan Domenech Francesch
Par ailleurs, il n’est pas possible d’apprendre à gérer son temps et, par là, à être autonome si on n’en dispose pas !
Le temps libre a d’immenses bénéfices :
- l’accès à l’autonomie,
- le plaisir de vivre,
- la connaissance de soi et des autres à travers le jeu,
- le développement de la créativité,
- l’acquisition et la consolidation de certains apprentissages fondamentaux,
- l’espace pour discerner et considérer les problèmes.
12.Repenser le temps dans les relations entre enfants et adultes.
Rendre du temps aux enfants nous pousse à revoir leur relation avec les adultes.
Faisons une description des moments que nous adultes, consacrons à parler, à questionner, à nous intéresser directement à la vie personnelle de nos enfants ou de nos élèves. Est-ce que ce temps est suffisant ? En quoi ce temps a-t-il une valeur éducative ?
13.L’école doit éduquer au temps.
Nos élèves doivent être capables d’apprendre à gérer leur temps en étant beaucoup plus respectueux d’eux-mêmes.
Dans la planification scolaire, nous pouvons laisser du temps pour la réflexion aux enfants et aux adolescents, pour revoir ce qui a été appris, mais également pour se tromper, pour s’aventurer sur des chemins inconnus…
14.L’éducation lente fait partie des nouvelles perspectives pédagogiques.
Adopter cette perspective du temps éducatif demande de croire réellement à une possible amélioration, de s’engager professionnellement, d’y réfléchir, et d’avoir une vraie attitude critique face à certaines exigences actuelles de l’administration et aux pressions de certains secteurs de la société. –
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Source : Eloge de l’éducation lente de