13 suggestions pour accompagner le sommeil des bébés tout en tenant compte des besoins des parents
Dans son livre Dormir sans larmes, le Dr Rosa Jové veut déconstruire certains mythes autour du sommeil des enfants ainsi notre “obsession culturelle” à vouloir que les bébés dorment le plus vite possible seuls, tôt et sans se réveiller.
Loin de vouloir culpabiliser les parents, elle propose des clés de compréhension dans une optique multi-dimensionnelle : nous sommes influencés par notre culture, les valeurs dominantes dans la société, l’organisation économique, les politiques de santé publique, les médias, le marketing…Rosa Jové est convaincue que tout enfant en bonne santé sait dormir dès sa naissance et que, tôt ou tard, il aura parcouru toutes les étapes de l’évolution du sommeil et sera parvenu à le normaliser.
On lit souvent qu’il ne faut pas laisser pleurer les bébés. J’ai presque envie d’ajouter “intentionnellement” : il ne faut pas laisser intentionnellement pleurer les bébés. Les pleurs des bébés sont la première cause de maltraitante infantile : peut-être vaut-il mieux laisser un bébé quelques instants dans un endroit sécurisé pour pouvoir souffler un peu, trouver du réconfort par téléphone ou même pleurer soi-même que de risquer d’avoir des gestes déplacés. Ma cousine a eu un bébé récemment. Il souffre de RGO mais son diagnostic a été posé tard : il passait ses journées et ses nuits à pleurer pendant les premiers mois. Elle m’a dit qu’elle comprenait désormais les mécanismes qui pouvaient pousser un parent à taper son bébé. Elle n’a jamais été maltraitante avec son fils parce qu’elle a la chance d’avoir une famille et une belle famille proche géographiquement, présente émotionnellement et soutenante et que cela n’a pas déclenché en elle de pulsions incontrôlables liées à son histoire personnelle.
Ce cas illustre les propos que Rosa Jové développe dans son livre. Elle écrit :
Le problème vient souvent de ce qu’un seul des géniteurs (statistiquement la mère) se charge des soins à donner au bébé. Ces soins peuvent parfois être perçus comme contraignants, ce qui peut provoquer chez celui ou celle qui les donne un sentiment de rejet envers l’enfant (l’envie de s’en éloigner). Mais, comme l’explique Boris Cyrulnik : “C’est là justement que le bât blesse : est-il normal que la mère soit seule avec son bébé ?”.
Rosa Jové regrette que la vie socio-professionnelle des parents s’adapte si peu aux besoins des parents ET des enfants. Elle fait référence aux exigences imposées par le monde du travail qui pèsent sur les jeunes parents parce que les congés parentaux sont courts et/ou mal payés mais également aux activités sociales que la parentalité amène trop souvent à fuir (qui a déjà vu des parents emmener un bébé de 6 mois au cinéma ? à une conférence ?). Il suffit de penser au fait que de nombreuses femmes allaitantes sont priées de se cacher pour allaiter dans les lieux publics pour comprendre que la société considère les bébés comme des êtres “exclus et invisibles”.
En ce qui concerne le sommeil des bébés, force est de reconnaître les forces opposées qui tiraillent les parents : d’un côté, la pression sociale qui veut que les bébés dorment à tout prix et, de l’autre, la nature humaine qui veut que les bébés ne dorment pas sur commande et que chaque bébé a son propre rythme. Pour essayer de concilier les deux, Rosa Jové s’aventure à donner quelques suggestions pour accompagner le sommeil des bébés selon leur âge tout en tenant compte des besoins des parents.
1.Avertissements
Les quelques suggestions que formule Rosa Jové ne peuvent pas s’appliquer avant 6 mois. Elle rappelle qu’avant cet âge, le bébé est exclusivement un nourrisson, qu’il se nourrit à la demande et qu’il faut respecter cela.
Par ailleurs, il est de notre rôle d’adultes de respecter avant cet âge l’évolution normale du sommeil de l’enfant parce que ce sommeil s’auto régule pour que l’enfant soit en mesure de s’adapter à son environnement (un bébé né au pôle Nord n’aura pas le même rythme qu’un autre né sous l’équateur du fait de l’ensoleillement différent).
Rosa Jové compare le sommeil à la marche : tout enfant en bonne santé finira par marcher un jour ou l’autre. Même si l’enfant est stimulé précocement, personne ne peut garantir que l’enfant marchera à un âge donné.
2.Avoir des attentes réelles
Rosa Jové écrit qu’il vaut mieux avoir des attentes réalistes pour ne pas risquer de s’énerver contre le bébé qui ferait exprès d’embêter ses parents en se réveillant la nuit ou en pleurant au moment du coucher.
Sauf en cas de troubles du sommeil, de troubles psychologiques (voire traumatiques) ou de problèmes de santé (exemple : reflux gastriques), les réactions varient uniquement en fonction du degré de maturité de l’enfant.
Vers l’âge de 4 mois, le sommeil du bébé évolue vers le modèle du sommeil des adultes :
- le bébé commence à dormir davantage la nuit que le jour,
- il lui faut passer par une étape de sommeil non paradoxal lors de l’endormissement (avant 4 mois, un bébé ne se réveille pas au moindre bruit quand il vient de s’endormir car il est directement en sommeil paradoxal; après 4 mois, il est fréquent que le moindre changement autour de lui le réveille juste après qu’il se soit assoupi)
- le bébé se réveille brièvement entre la phase de sommeil profonde calme et le nouveau cycle de sommeil (un cycle durant entre une heure et une heure et demie).
Entre 7 et 10 mois, toutes les phases du sommeil sont en place mais leur périodicité et leur durée diffèrent encore de celles des adultes.
C’est seulement vers l’âge de 5 ou 6 ans que les enfants accèdent à un sommeil proche de celui de l’adulte, à savoir une seule période, nocturne, sans sieste et d’une durée de huit à dix heures environ.
Les enfants comme les adultes connaissent des réveils nocturnes, le seule différence étant que ces derniers maîtrisent la technique du retour au sommeil. Nos enfants ne savent pas encore comment se rendormir seuls, mais ils y parviendront un jour. – Rosa Jové
3.Tenir un registre du sommeil
Rosa Jové propose de tenir un registre du sommeil afin d’avoir une vision réaliste de la situation (elle propose des modèles dans son livre). En tant que parents épuisés et pressés par l’entourage de régler le “problème”, notre vision du nombre de réveils nocturne des bébés peut être biaisée (ils sont souvent sur évalués).
4.Identifier une éventuelle pathologie
Rosa Jové conseille d’examiner le registre afin de comprendre comment l’enfant dort. Cette évaluation, en rapport avec les attentes, permet d’éventuellement déceler une pathologie et/ou une maladie si les réveils sont vraiment supérieurs à la moyenne ou les pleurs très fréquents (reflux gastrique, allergie, apnée du sommeil…) Cela permet par ailleurs d’avoir une base de travail dans le cas d’une consultation chez le pédiatre.
Rosa Jové conseille de :
- s’assurer que l’enfant a sommeil au moment du coucher
- s’assurer que l’enfant n’a pas “trop” sommeil (les enfants fatigués s’agitent beaucoup quand leur heure du coucher est dépassée et ils auront plus de mal à s’endormir)
- rester attentifs aux signaux de l’enfant (frissons, bâillements, frottements des yeux…) et de le coucher aussitôt
Ces conseils sont essentiels pour repartir sur de “bonnes” bases : c’est à partir de là que nous pourrons éviter toute perturbation de phase puis les faire évoluer peu à peu vers un horaire qui nous convient mieux.
5.Identifier le rythme de l’enfant
Rosa Jové écrit que les enfants ne peuvent pas dormir plus qu’ils ne le peuvent. Pour identifier le rythme de l’enfant, Rosa Jové préconise de :
- examiner le registre
Un enfant qui ne se réveille ni ne s’endort jamais à la même heure présente probablement un retard ou une avance de phase. En essayant de déterminer le moment précis des signes de sommeil du bébé et de le coucher aussitôt, il est possible d’observer un rythme régulier au bout de quelques jours.
Quand c’est le cas, il est important de respecter cet horaire à la fois pour le coucher et le lever (Rosa Jové propose de réveiller doucement un bébé qui dort au delà de son horaire habituel en ouvrant la porte pour laisser passer le bruit et la lumière de la maison ou une musique douce).
- diminuer progressivement le sommeil en journée
Rosa Jové conseille d’examiner les siestes de plus près : en général à partir de 6 mois, les enfants n’ont plus besoin que de deux siestes et, à partir d’un an, une seule. L’idée est alors de concentrer dans ces siestes toutes les périodes de sommeil diurne en les répartissant équitablement tout au long de la journée, de façon à ce qu’elles soient aussi éloignées que possible de l’heure du lever, de l’heure du coucher et entre elles.
6.Identifier ce qui perturbe le sommeil des bébés
Rosa Jové liste quelques éléments perturbateurs qui peuvent empêcher un enfant de dormir :
- un malaise à la maison ?
- une inadaptation du rythme professionnel avec le rythme de l’enfant (ex : le parent rentre au moment ou après que l’enfant montre ses signes de sommeil) ?
- un temps insuffisant passé avec l’enfant qui ne suffit pas à remplir le réservoir émotionnel de l’enfant ?
- du stress contagieux ?
7.Veiller à être cohérents
Rosa Jové rappelle que la répétition et le temps sont les prérequis de l’apprentissage. Certains bébés seront plus réceptifs que d’autres.
Par ailleurs, si d’autres personnes s’occupent de l’enfant, il est important de les informer de cette démarche afin qu’elles puissent elles-mêmes l’appliquer (exemples : nounou, crèche..)
8.Ne pas brusquer les choses
Toutes les étapes précédentes peuvent être longues, il peut être difficile d’identifier les rythmes du bébé mais rien ne sert de brusquer la nature. Il est possible de demander de l’aide pour soi et/ou pour l’enfant (famille, conjoint, pédiatre, PMI, maisons vertes, La Leche League pour les mamans allaitantes, ostéopathe, allergologue, psychologue…) afin de trouver du soutien en cas d’épuisement plutôt que de risquer de devenir maltraitant.
9.Soigner l’environnement
Une fois que le bébé est bien synchronisé (rythmes identifiés et respectés), il est possible de faire en sorte qu’il s’endorme plus rapidement.
Pour que l’enfant trouve le sommeil le plus facilement possible, soigner l’environnement est primordial : tout doit inciter au sommeil.
- Luminosité atténuée (éclairage doux)
- Pas de bruit dans la chambre
- Peu d’activités bruyantes et/ou remuantes dans la maison
- Température fraîche (18° à 19°C)
10.Associer le coucher et le sommeil au plaisir
Une fois que tout est atténué et adouci autour du bébé, le plus important est de faire ce qui lui plaît (le bercer, lui chanter une chanson, raconter une histoire, faire un massage…) tranquillement, en prenant le temps.
Le but recherché est que l’enfant voie le moment de dormir comme quelque chose d’agréable… et nous aussi.
Pour les enfants qui maîtrisent le langage (2 ans et plus), il est possible de les solliciter sur ce qu’ils veulent.
11.Identifier les rituels adaptés
Toutes les techniques ne fonctionnent pas à tout âge selon l’âge et les préférences de l’enfant.
Rosa Jové écrit que ce qui fonctionne le mieux avec les tout petits est tout ce qui rappelle l’utérus maternel (le serrer dans les bras, rester à ses côtés, le porter en position de regroupement…). Tout ce qui peut rappeler ce moment heureux contribue à son bien être.
Même les plus grands ont besoin de se sentir aimés, protégés et de pouvoir se détendre en toute sécurité émotionnelle et physique avec leurs parents.
Pour les enfants qui ont du mal à dormir sans la présence des parents au-delà de 3 ans et quand le parents ne peuvent ou veulent pas rester avec l’enfant le soir et/ou la nuit, Rosa Jové propose (si cela est possible) de faire dormir l’enfant avec un frère, une soeur ou encore un animal de compagnie.
12.Evaluer les réveils
Une fois que l’enfant s’endort plus vite, on pourra s’occuper des réveils. Beaucoup d’enfant se réveillent dans la nuit, surtout en début de nuit. Rosa Jové y voit deux raisons :
- l’état d’alerte,
- les phases de sommeil (les enfants de plus de 7 mois passent par des phases de sommeil très léger en début de cycle au cours desquelles ils peuvent se réveiller facilement).
Rosa Jové conseille donc d’attendre que les bébés soient en phase de sommeil de profond pour les poser ou bien de les coucher là où ils ne remarqueront pas trop de changement de position ou d’environnement (lumière, bruit…)
13.Rester bientraitant lors des réveils nocturnes
Sommeil et sécurité vont de pair : pour dormir, les enfants doivent se sentir rassurés.
Le refus du coucher est souvent dû au fait qu’il leur faut abandonner leurs activités et se séparer de leurs parents – même si cette séparation n’est pas toujours physique. Bref, les enfants que l’on veut faire dormir ont toujours l’intuition qu’il y a là un moment de leur vie qu’ils ne contrôlent pas. – Rosa Jové
Rosa Jové propose deux principes directeurs dans cette dernière étape :
- si l’enfant qui se réveille est sevré, reprendre la routine d’incitation au sommeil qui réussit,
- si l’enfant qui se réveille n’est pas encore sevré la nuit, le nourrir.
Pour les mères allaitantes qui pratiquent le cododo, Rosa Jové indique qu’une manière de limiter les réveils nocturne d’un bébé au-delà de 6 mois est de le faire dormir du côté du père (l’enfant se sent protégé par une présence mais demande moins à téter).
Rosa Jové conseille de ne pas passer à une étape suivante tant que l’étape en cours n’est pas consolidée et de laisser une semaine entre chacune des étapes pour évaluer les avancées.
Conclusion : il n’existe pas de recette miracle pour “faire” dormir les bébés, il n’existe que des humains non standardisés (des parents humains et des bébés humains)… et si jamais quelqu’un vous vend une méthode pour que les bébés “fassent” leurs nuits, passez votre chemin. En cas de doute, les professionnels de la santé sont les meilleurs référents (pédiatres, sages-femmes).
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Source : Dormir sans larmes : les découvertes de la science du sommeil de 0 à 6 ans du Dr Rosa Jové (éditions Les Arènes). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur les sites de ecommerce.
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