Les bébés ont besoin de quelqu’un jour et nuit : nous nous racontons des histoires au sujet du sommeil solitaire des petits

sommeil solitaire bébé

Dans nos modes de vies séparatistes, la plupart des gens sont chroniquement privés de bon sommeil depuis leur naissance. L’expression “société séparatistes” est de Valérie Vayer, autrice du livre À moi ! Lorsque l’ego paraît : pour une égologie pratique. Par cette expression, elle décrit le fait que les parents (et en particulier les mères) et les enfants soient très tôt, très souvent et très longtemps séparés. Cette séparation est d’ordre physique (manque de contact) et affectif (manque d’attention, de soutien émotionnel et d’empathie). Or les bébés humains et leurs parents ont besoin de continuité et de liens.

Valérie Vayer estime que le sommeil solitaire imposé aux bébés et jeunes enfants est source de mal-être et a des répercussions négatives à long terme. Peu d’adultes ont une vie nocturne satisfaisante et certaines personnes ne peuvent s’endormir que dans des conditions contraignantes (lumière, bruit, télé allumée, dans le canapé plutôt que dans le lit…). D’autres retardent le moment du coucher et certaines ne vont se coucher que sur demande insistante de leur conjoint.e. Si ces personnes se réveillent dans la nuit, elles auront beaucoup de mal à se rendormir (ou ne se rendormiront pas).

Les insomnies qui se répètent font partie des vécus considérés comme dépressifs.

Je me demande comment on peut prétendre que le sommeil solitaire est bon alors que, de toute évidence, les bébés et les enfants n’aiment pas ça. Les adultes qu’ils deviennent suite à ce “dressage” et à la privation chronique de sommeil de leur vie d’adolescent, ont un sommeil peu réparateur. – Valérie Vayer

En tant qu’adultes (parents, professionnels de la santé, famille…), nous avons tendance à nous raconter des histoires au sujet du sommeil des bébés comme pour donner du sens à nos propres souffrances de bébé et d’enfant (c’est le même fonctionnement pour les personnes qui justifient les fessées et les punitions). Nous avons tendance à nous dire que les enfants dorment mieux seuls, qu’il faut que le couple préserve son intimité, que les adultes dorment mal avec un bébé dans la chambre, que le sommeil partagé entrave l’autonomie…

La guerre commence dans les entrailles des petits laissés à l’abandon. Ces sensations sont toujours très présentes chez la plupart des adultes : la violence subie a été repoussée du champ de conscience ordinaire, mais le mal-être persiste, nos rapports aux êtres vivants, à la planète et aux objets en sont empoisonnés, nos corps mal en point en témoignent.- Valérie Vayer

Pourtant, ces histoires que nous nous racontons pour ne pas sentir la souffrance des bébés laissés seuls pour dormir (ainsi que notre propre malaise) ne font pas disparaître les besoins fondamentaux de contact des bébés (ni les conséquences du sommeil solitaire). Les bébés ont besoin de quelqu’un jour et nuit.

Un tout-petit peut devenir insomniaque à 15 jours de vie par crainte d’être laissé dans son sommeil ou de se retrouver seul au réveil : ça ne veut pas dire qu’il ne dormira pas mais son sommeil sera sera fragile ou abrutissant, non réparateur. On ne peut pas se reposer complètement en restant rigide, même si on est fatigué. On ne peut pas non plus, au réveil, se mobiliser pleinement si on se sent flottant, sans rien à quoi s’ancrer. – Valérie Vayer

Toutefois, si parents et enfants ne dorment pas ensemble dès la naissance, réapprivoiser la présence de l’autre la nuit peut prendre du temps. La désynchronisation  des rythmes entre parents et enfants dûe à un mode de vie séparatiste peut rendre le sommeil en famille pénible. Cela suppose d’arriver à supporter le rythme du bébé. Cette affirmation, simple d’apparence, n’est rien de moins qu’une invitation à révolutionner nos modes de vie occidentaux.

Laisser le bébé pleurer (mais “pas trop”, comme si ça se dosait, ces choses-là !) est le conseil le plus fréquent donné aux parents désespérés qui auraient voulu trouver quelque chose de plus respectueux, et qui veulent aussi dormir ! La continuité est la seule vraie nécessité : à nous de trouver les solutions à partir de là. Si nous pouvions ne serait-ce que dormir et nous réveiller quand notre corps en profite au mieux , la plupart des médecins seraient au chômage. Notre société changerait radicalement de visage. Le respect des petits serait au cœur de nos vies et les vies actuelles seraient inenvisageables ! – Valérie Vayer

Toutefois, certains parents, dont de nombreuses mères, ne supportent pas le contact avec leur bébé, ou seulement un certain temps (surtout quand le bébé pleure beaucoup et s’agite). En cas d’urgence, quand on se sent devenir vraiment maltraitant pour le bébé en tant que parent ou quand on a l’impression qu’une mère et/ou un père sont débordés, demander ou donner l’aide est nécessaire.

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Source : À moi ! Lorsque l’ego paraît : pour une égologie pratique de Valérie Vayer (éditions Le Hêtre Myriadis). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet (site de l’éditeur)

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