5 principes essentiels pour la renégociation du traumatisme chez les enfants (chutes, accidents, opérations, peurs…)

traumatisme enfants

Dans son livre Réveiller le tigre : guérir le traumatisme, Peter Levine écrit que les enfants recréent les événements traumatiques dans des jeux. Les enfants ne parlent pas directement du traumatisme (chutes, accidents, opérations, peurs…) mais racontent leur histoire par la voie du jeu traumatique.

Toutefois, Levine remarque que la plupart des enfants, quand ils sont laissés à eux-mêmes dans leurs jeux traumatiques, tenteront d’éviter les émotions traumatiques suscitées par le jeu. Peter Levine utilise le terme “renégociation de l’expérience traumatique” pour décrire le guidage des adultes destiné à aider les enfants à traverser leurs émotions dans le jeu en maîtrisant leur peur, étape par étape. C’est le sentiment de “triomphe” et d’héroïsme qui révèle la conclusion heureuse de la renégociation du traumatisme. L’enfant se sent alors un gagnant car il a surmonté sa peur et regagné du pouvoir personnel.

On peut repérer si un enfant a été traumatisé (par exemple par une opération sous anesthésie générale) quand un comportement inhabituel commence peu de temps après une expérience à charge traumatique (accident, chute, dispute, violence… que ce soit subi ou vu). Peter Levine cite plusieurs comportements excessifs par rapport au comportement habituel qui peuvent éveiller l’attention :

  • les manies compulsives/ répétitives
  • besoin permanent de contrôler
  • colère/ crises de rage
  • hyperactivité
  • tendance à sursauter
  • terreurs nocturnes/ cauchemars/ énurésie/ raideur corporelle pendant le sommeil
  • difficulté de concentration
  • émotions extrêmes (agressivité excessive ou timidité exacerbée)
  • besoin excessif de s’accrocher
  • douleurs (estomac, maux de tête, autres plaines corporelles non expliquées)

Pour déterminer si un comportement inaccoutumé est bien une réaction traumatique, il est possible de faire allusion à l’événement effrayant supposé et de voir comment l’enfant réagit. Si l’enfant fuit/ s’éloigne, fait passer le message d’une manière ou d’une autre qu’il ne veut pas parler de cela ou, à l’inverse, devient anxieux, s’effondre, voire ne peut plus s’arrêter d’en parler, alors il est probablement traumatisé.

Peter Levine propose 5 principes pour accompagner les enfants dans la renégociation de leur traumatisme à travers le jeu.

1.Laisser l’enfant contrôler le tempo du jeu

Quand un enfant manifeste un des comportements mentionnés plus haut à l’évocation de l’événement traumatisant (fuit, s’éloigne, se montre anxieux ou ne s’arrête plus de parler), il signifie qu’il n’est pas encore prêt à entrer dans un jeu qui va l’activer à nouveau. L’enfant a besoin d’être “secouru” par ses parents et rassuré avant de continuer. C’est ce soutien de la part d’adultes bienveillants qui va aider l’enfant à s’engager dans le jeu (rien ne sert d’insister si l’enfant montre des signes de nervosité).

Levine rappelle que les enfants n’utilisent pas de mots pour dire quand ils veulent continuer le jeu mais qu’il faut arriver à les comprendre à travers leurs comportements et leurs réactions. Mieux vaut ralentir la démarche en cas de signes de peur (respiration accélérée, raidissement du corps, pleurs, air absent qui signale une dissociation).

Peter Levine assure que ces réactions se dissiperont au contact d’adultes patients, calmes et bienveillants, qui acceptent les émotions de l’enfant. C’est le regard et la respiration de l’enfant qui montreront quand ce dernier est prêt à poursuivre le jeu traumatique.

2.Faire la distinction entre la peur, la terreur et l’excitation

Levine nous invite à bien faire la différence entre un processus d’évitement et une échappée réussie. Pour résoudre un traumatisme, les enfants ont besoin de sentir qu’ils ont le contrôle de leurs actes plutôt que de se sentir submergés et dirigés par leurs émotions. Les comportements d’évitement se produisent quand la peur (et même la terreur) risquent de déborder l’enfant. On reconnaît un évitement aux signes corporels de détresse émotionnelle (pleurs, regards effrayés, cris).

A l’inverse, une échappée active entraîne un “sentiment d’exultation” (comme une expansion du corps). Peter Levine écrit que les enfants sont alors excités par leurs petits triomphes, et montrent leur plaisir par des émotions positives (rires, souries, taper dans les mains…).

Cette capacité à différencier évitement et échappée est essentielle parce que la posture des adultes sera adaptée en fonction de celle de l’enfant :

  • évitement : les adultes resteront à côté de l’enfant, attentifs, empathiques et rassurants (“je suis là, je vois que tu as peur et je reste à côté de toi”) en attendant que l’émotion de peur passe;
  • échappée active : les adultes encourageront et inviteront l’enfant à aller plus loin (ex : applaudir, dire “bravo”, faire la danse de la joie et dire “on recommence ?”).

3.Aller pas à pas

Selon Levine, la différence essentielle entre le jeu traumatique et la renégociation est que, dans cette dernière, les réactions de l’enfant sont de plus en plus marquées par l’expansion (l’enfant ose plus, voire montre de la joie et de la fierté). Quand un enfant se cache dans une pièce proche plutôt que de courir dehors à toute vitesse, c’est un signe de progrès, certes infime mais de progrès tout de même. Si un enfant réagit chaque fois différemment (avec une plus grande excitation, en parlant plus, avec plus de mouvements spontanés…), c’est qu’il est en train de surmonter le traumatisme.

Levine avertit que, si les réactions de l’enfant vont dans le sens de la contraction ou de la répétition plutôt que de l’expansion et la diversité, il se peut que les scénarios établis par les adultes en vue d’une renégociation impliquent une trop forte progression pour l’enfant. Mieux vaut alors ralentir et se mettre plus à l’écoute des signaux corporels de l’enfant.

Certains enfants auront peut-être besoin de reprendre un jeu plus d’une dizaine de fois. A partir du moment où l’enfant réagit dans l’expansion (même minime), alors c’est la bonne voie.

4.Être patient et confiant

Peter Levine rappelle qu ‘une bonne part de l’enfant a le désir de retravailler l’expérience et il faut attendre que cette part prenne le dessus dans une attitude de confiance inconditionnelle. Cela peut cependant être difficile de savoir rester confiant quant à l’issue favorable du processus de renégociation du traumatisme. Cette confiance des adultes, projetée sur l’enfant, devient un “contenant” qui enveloppe l’enfant.

Levine avertit que les adultes qui sont eux-mêmes en proie avec leur mémoire traumatique risquent de ne pas pouvoir adopter cette attitude de confiance et de lâcher prise. Mieux vaut alors demander l’aide d’un professionnel (à la fois pour l’enfant et pour l’adulte traumatisés).

5.Arrêter si l’enfant ne retire pas un réel profit du jeu

Peter Levine recommande de ne jamais forcer un enfant : si après quelques essais, l’enfant reste contracté et fuyant, sans changement vers plus d’expansion, alors consulter un professionnel est la meilleure solution.

En effet, guérir le traumatisme chez un enfant est une question importante et complexe.

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Source : Réveiller le tigre : guérir le traumatisme de Peter Levine (InterEditions). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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