Trembler est normal après avoir eu peur (l’histoire de la grande fille qui a cassé des assiettes)

Trembler est normal après avoir eu peur

Aujourd’hui, j’ai envie de vous raconter une petite anecdote personnelle pour montrer à quel point l‘accueil des émotions permet de rendre les petits accidents de la vie moins traumatisants.

Hier soir, ma fille (9,5 ans) a entrepris de mettre la table tandis que j’étais sous la douche. J’ai entendu un grand “boum” et des bruits d’assiettes cassées. Je suis vite sortie de la douche et j’ai passé la tête par l’entrebâillement de la porte pour demander si tout allait bien. Elle m’a répondu qu’elle allait bien mais qu’elle avait cassé toutes les assiettes à dessert qui ont glissé quand elle a voulu prendre les assiettes plates. J’ai enfilé mon peignoir vite fait et je l’ai rejointe.

Elle avait déjà ramassé tous les morceaux éparpillés par terre (“j’ai mis des pantoufles et j’ai fait attention maman”). Je lui ai dit qu’elle avait dû avoir peur et que j’étais rassurée de savoir qu’elle allait bien. Elle m’a répondu qu’elle avait eu peur mais qu’elle avait eu le temps de se reculer et de mettre ses bras sur sa tête pour se protéger. Elle m’a alors montré sa main avec une légère entaille (sans sang) en me disant : “T’as vu, j’ai juste eu une marque sur la main, mais par contre je tremble”.

Du coup, je lui ai fait un gros câlin (bienvenu !) et j’ai repris en lui disant qu’il est normal de trembler après avoir eu peur et avoir été immobilisé par la peur. En effet, en cas de peur ou de stress, le corps mobilise de l’énergie pour fuir ou attaquer. Quand il ne peut ni fuir ni attaquer et qu’il se fige, alors l’énergie est bel et bien là mais ne peut pas être déchargée par le mouvement (fuite ou attaque en l’occurrence). Du coup, les tremblements consécutifs à la peur ou au stress sont la manière que trouve l’organisme de décharger cette énergie : il est donc utile d’accueillir ces tremblements et ne pas chercher à les faire cesser. Ils sont précisément le signe que le corps est en train de se remettre de la peur ou du stress.

Elle a eu besoin d’en reparler hier soir au moment du coucher et j’ai accompagné son récit pour en faire un récit cohérent dans le temps et l’espace, tout en reconnaissant ses émotions. Cela a donné quelque chose de cet ordre : “Tu as voulu me faire une surprise en mettant la table pendant que j’étais sous la douche. Et, comme j’avais mis les assiettes à dessert hier sur les autres, tu ne t’attendais pas à ce qu’elles tombent. Tu as eu le temps d’anticiper leur chute et tu as mis tes mains sur ta tête. Une assiette t’a effleurée mais tu n’as pas eu mal. Tu as surtout eu peur et tu as tout de suite pensé à mettre tes pantoufles pour ne pas marcher sur un morceau cassé par terre. Et puis je suis arrivée pour te faire un câlin. Tu te rappelle que tu tremblais ? Je t’ai dit que c’était normal et on a attendu un moment avant de finir de ramasser ensemble. Maintenant, tu es un peu triste parce que c’était les assiettes que mamie nous avait données ce week-end.”.

Ma fille en a reparlé ce soir avec son père quand il est passé la chercher après l’école mais j’ai bien saisi dans son ton et son attitude corporelle que l’événement était digéré. Elle avait surtout envie de partager sa joie et sa fierté de s’être protégée et d’avoir commencé à ramasser toute seule.

………………………………………………………………….

C’est dans le livre Réveiller le tigre : guérir le traumatisme de Peter Levine que j’avais lu ce mécanisme au sujet des tremblements. Levine y écrit que trembler est non seulement normal mais que cela aide les personnes à se libérer du choc. Lorsque la décharge sera terminée, elles se sentiront alors soulagées et auront peut-être une impression de chaleur au niveau des pieds et des mains, puis leur respiration devrait devenir plus ample et aisée. Ainsi, face à une peur ou un stress, il est toujours utile d’encourager les personnes à vivre leurs sensations corporelles telles que les secousses ou tremblements, les sensations de froid ou de chaud.