La colère et la tristesse sont des émotions normales pour se remettre d’une frustration

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Crédit illustration : peoplecreations / freepik.com

 

Un enfant en pleine santé dit avec vigueur ce qu’il veut quand il a envie de quelque chose. Si ses parents lui disent non, il tente de l’obtenir de différentes manières et insiste. Quand l’enfant se rend compte qu’il ne pourra pas obtenir ce qu’il veut, il va se mettre en colère et pleurer un certain temps (profonde tristesse) pour finir par se calmer naturellement. Quand cela se passe ainsi, il n’y a aucune raison de s’inquiéter car l’enfant sait prendre la parole pour s’exprimer et se laisse traverser par les émotions saines qui permettent de se remettre d’une frustration.

C’est important pour un enfant d’être autorisé à éprouver de la tristesse quand il a perdu quelque chose ou n’a pas obtenu ce qui lui faisait envie. Quand on ne peut pas avoir ce que l’on souhaite, il n’y a rien d’autres à faire que de pleurer dessus. On comprend alors qu’un enfant qui pleure après un refus n’est pas insupportable, qu’il ne fait pas des manières mais qu’il est précisément en train de se remettre de sa frustration et de sa déception. Il est alors inutile de dire à l’enfant d’être raisonnable; il y a juste à accompagner le mouvement de ses émotions.

Les adultes comme les enfants peuvent travailler leur tristesse tout seul, mais c’est mieux de le faire avec quelqu’un que l’on connaît. Quelqu’un qui sait qu’une glace peut être la chose la plus importante au monde dans la tête d’un enfant d’un an et demi. – Jesper Juul

Malheureux ou frustré ?

Jesper Juul, thérapeute familial danois, fait une distinction entre les états émotionnels “frustré” et “malheureux“.

Quand les enfants sont frustrés, il ne sert à rien de les consoler comme s’ils étaient malheureux. Un enfant frustré ou déçu a avant tout besoin de temps pour éprouver pleinement son chagrin.

Lorsqu’ils éprouvent de la frustration à l’encontre des parents, il faut soit les laisser en paix, soit leur signifier que l’on sait bien qu’ils sont frustrés et que c’est normal. “Cela ne sert à rien de faire la tête !” disait la génération de mes parents quand nous étions frustrés. Ils croyaient que nous “faisions la tête” pour les manipuler et ne savaient pas que nous le faisions pour nous rééquilibrer. – Jesper Juul

Les enfants sont malheureux quand ils perdent quelque chose qui leur est précieux (une amitié forte, décès d’un proche, divorce des parents…). Dans ces cas-là, ils ont besoin de tout ce que leurs parents peuvent mobiliser de proximité, de compréhension, d’empathie et de patience.

Les parents ne doivent pas prendre personnellement l’expression de la frustration des enfants : la colère et la tristesse ne sont pas la manifestation de la nullité des parents. Si les parents se convainquent de cette idée, alors ils vont mettre toute leur énergie à éviter les conflits et les frustrations. Jesper Juul parle d’une “attitude défensive” pour qualifier l’attitude de certains parents qui cherchent toujours à prévenir, empêcher et arrêter les conflits. Comprendre que la colère et la tristesse sont des émotions nécessaires pour se remettre d’une frustration aide à ne plus redouter ces états émotionnels chez les enfants.

Il n’est pas utile de mettre plus de limites aux enfants (ni d’éviter les conflits au sein de la famille)

Des émotions et des relations, jamais des caprices !

Jesper Juul avertit les parents de ne pas chercher à mettre plus de limites face à des enfants qui réclament des choses, pleurent (pleurs souvent qualifiés de caprice) ou se mettent en colère. Quand on raisonne en termes de “limites à mettre aux enfants”, alors la responsabilité est transférée des parents aux enfants si bien que l’enfant est désigné comme coupable (ce qui ne fait qu’aggraver les choses et empêche les parents de comprendre la dynamique relationnelle dans laquelle eux-mêmes jouent un rôle). En effet, les parents portent toujours la responsabilité de la qualité de l’interaction adultes/ enfants.

Pour Jesper Juul, un des grands chantiers des parents occidentaux est d’apprendre à se manifester personnellement sans chercher à éviter les conflits et sans blesser les enfants avec des mesures coercitives (punition, isolement, fessée…). Les parents gagneront beaucoup à mieux se définir en tant qu’être humain, c’est-à-dire à parler de leurs propres besoins et émotions. Cela passe par le courage de les exprimer avec franchise (sans avoir peur de blesser les autres, en particulier les enfants) et de les faire prendre au sérieux au sein de la famille.

Plus les parents mettent de côté leurs propres besoins, moins ils sont personnels et donc moins ils sont présents. Or, l’amour sans présence, c’est comme se faire servir la carte à la place du menu : on a deux fois plus faim. – Jesper Juul

Prendre les besoins des enfants et des parents avec le même sérieux

Adopter un langage personnel et authentique signifie parler de soi-même, ce qu’on aimerait faire, ce qu’on pense, ce qui nous fait peur, ce qui nous rend triste, ce qui nous met en colère (plutôt qu’avoir recours à des règles rigides ou des manipulations douces). Cela signifie également prendre les enfants au sérieux et explorer leurs besoins et émotions avec un intérêt réel. Cela peut passer par des questions du type :

  • Je n’arrive pas à me décider. J’ai besoin de plus d’explications.
  • C’est difficile pour moi d’imaginer que tu veuilles… Est-ce que tu peux m’en dire plus ?
  • J’aimerais savoir pourquoi c’est si important pour toi.
  • Tu as dit oui mais on dirait que tu penses non. Tu peux dire non si c’est ce que tu penses.

Si les parents veulent avoir le respect des enfants pour leur “non”, ils doivent montrer du respect au “non” des enfants. – Jesper Juul

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Source : Me voilà ! Qui es-tu ? – Sur la proximité, le respect et les limites entre adultes et enfants de Jesper Juul (éditions Fabert). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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