Un tableau pour apprendre à valider les émotions des enfants

Pourquoi est-ce important d’accepter les émotions des enfants ?

Le fait de désigner une émotion désagréable comme un phénomène « normal » va avoir un impact apaisant sur les enfants. Par exemple, le simple fait que les parents puissent dire « je vois que tu as peur, je comprends, c’est désagréable et c’est normal la peur » a un effet bénéfique, autant chez les jeunes enfants que chez les adolescents. De même, valider l’émotion de colère chez un enfant frustré fait diminuer l’intensité de la colère : « c’est tout à fait ok que tu ressentes la frustration et la colère, et on voit que ça fait mal quand ça arrive ».

En fonction des familles, des cultures et des vécus parentaux, les émotions des enfants peuvent être vécues comme indésirables, voire dangereuses. Dans certains cas, les parents vont chercher à s’en débarrasser ou à empêcher l’enfant de souffrir et ce dernier est protégé du moindre inconfort. Dans certaines familles, exprimer ses émotions est honteux ou déplacé. Dans d’autres familles, les émotions sont réprimées dans l’objectif d’endurcir les enfants car on ne vit pas dans un monde de bisounours.

L’un des problèmes liés au déni, au jugement moral ou au refus des émotions des enfants est que le seul cadrage relationnel qui existe autour de leur souffrance sera celui de se taire et de surtout ne pas demander d’aide. 

La validation des émotions désagréables (colère, peur, tristesse, anxiété) passe par le fait de :

  • reconnaître le vécu émotionnel (nommer l’émotion et dire explicitement que cette émotion est normale)
  • valider la douleur que cela occasionne (dire que c’est douloureux et désagréable, décrire que c’est difficile).

Des phrases qui contiennent les mots « je vois et je comprends… » sont particulièrement intéressantes pour la reconnaissance et la validation émotionnelle des enfants à partir de 7/8 ans. Pour les enfants plus jeunes, il peut suffire de dire “Oh, tu as peur” ou “Oh, tu es triste”, tout en adoptant une expression faciale émotionnelle qui signifierait « je vois que tu souffres et je comprends que tu souffres, c’est difficile ! » (sans prononcer cette phrase).

Cet accompagnement émotionnel demande beaucoup de patience de la part des parents et ce n’est pas toujours facile car nous n’avons pas appris cette manière de valider les émotions. Pourtant, la validation des émotions ouvre une nouvelle voie dans laquelle parents et enfants apprennent à vivre AVEC les émotions désagréables.

Comment valider les émotions difficiles ou douloureuses de nos enfants ?

Je vous propose un tableau pour reconnaître les réponses obstacles aux émotions des enfants et pour apprendre à valider les émotions.

tableau valider emotions enfants

Au format PDF : valider les emotions des enfants

Mettre en perspective les pensées associées aux émotions

En s’inspirant de la thérapie ACT, on peut apprendre aux enfants et aux adolescents à vivre avec des pensées difficiles et douloureuses. Dans son livre Adapter la thérapie ACT pour les enfants, les adolescents et leurs parents, Mehdi Liratni, docteur en psychologie et formateur « habiletés sociales » auprès d’enfants et adolescents, propose quelques pistes pour aborder la défusion cognitive auprès des enfants et adolescents. Mehdi Liratni définit la défusion comme une stratégie consistant à prendre de la distance avec ses pensées douloureuses, à se « décoller » d’elles sans les juger et sans les évaluer en termes de mal/bien, de vrai/faux.

1.Verbaliser les phrases-pensées

Les phrases-pensées sont les phrases que l’enfant dit (ou se dit) face à une situation qui engendre en lui des émotions douloureuses. Cela peut passer par des phrases comme “C’est trop injuste”, “Je suis bête”, “Elle est méchante, c’est elle qui a commencé” ou encore “La mouche va m’attaquer”.

Si l’enfant a du mal à verbaliser ses pensées, il est possible de l’encourager avec des questions ouvertes (“Qu’est-ce qui te fait si peur ?”), fermées (“Est-ce que tu as peur que la mouche te pique ?“) ou bien avec des hypothèses qu’il confirmera (“J’ai l’impression que la mouche te fait peur et que tu penses qu’elle va te piquer. C’est ça ?”). Cette étape vient toujours en second temps : après la validation de l’émotion.

Ensuite, nous pouvons dire « Oh ! je vois que ta tête te RACONTE cette histoire que “c’est injuste”, que “tu es bête”… C’est bien ça que RACONTE ta tête ? » Quand on affirme que c’est la tête qui raconte des histoires, l’enfant peut décaler sa pensée, et faire un pas de côté. En parallèle, nous validons la douleur associée à cette pensée : « ça doit être difficile/triste/énervant que ta tête raconte cette histoire, je comprends. »

2. Recourir à l’humour

Quand on a recours à l’humour, il est nécessaire de faire attention à ne pas humilier l’enfant ou lui donner l’impression qu’on se moque de lui : le contexte et la personnalité de l’enfant sont à bien évaluer et prendre en compte.

Mehdi Liratni conseille de dire, avec une attitude compatissante et complice : « Oh, tu as vu ! Cette coquine de tête t’a encore raconté cette même histoire ! Elle est vraiment coquine ta tête ! » L’idée est de permettre à l’enfant de percevoir ses pensées avec humour, recul et bienveillance, sans jugement. Les pensées ne sont donc pas vues comme mauvaises/bonnes, justes/fausses mais seulement comme des pensées que tout le monde a à un moment ou un autre. L’idée n’est pas de se débarrasser de la pensée ni de sa charge émotionnelle, même si elle paraît désagréable, mais d’essayer de la visualiser un peu autrement.

Il est possible de renforcer la défusion cognitive en engageant l’imagination de l’enfant : « Oh la la, ça doit être difficile (validation de l’émotion) que ta tête te raconte (défusion cognitive) que… Je comprends, ça doit être super dur de vivre ça ! Tu as vu un peu cette coquine de tête ce qu’elle dit ? Quand elle te parle, elle le dit avec une voix moqueuse de sorcière ? une voix méchante de monstre ? une voix triste ? » L’idée est de donner des exemples théâtralisés de la phrase-pensée pour amener l’enfant à sourire, voire à rire à une ou plusieurs propositions théâtralisées. On lui demandera : « Alors, ce serait laquelle de voix ? » Puis, en fonction de sa réponse, on lui suggérera : « Je vois que ça fait te fait encore rire la voix de sorcière. Tu pourrais peut-être y penser la prochaine fois qu’il va y avoir une séparation, imaginer la voix de sorcière qui te fait rire et qui te raconte des histoires avec sa voix rigolote » L’humour et la théâtralisation peuvent créer une prise de perspective entre la pensée douloureuse et l’émotion.

Attention à ne pas proposer ce type d’approche en cas de souffrance très forte ou juste après un événement traumatisant.

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Pour aller plus loin : Adapter la thérapie ACT pour les enfants, les adolescents et leurs parents de Mehdi Liratni (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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