Violence conjugale et droits de l’enfant : les enfants doivent être reconnus comme victimes eux aussi.

Violence conjugale enfants sont aussi victimes

Crédit illustration : freepik.com

 

Un conjoint violent est un parent violent

Dans son livre Les prisons familiales (Comprendre et agir), Anne-Laure Buffet rappelle qu’un adulte faisant preuve de violence sur son/sa conjoint.e est par définition un parent violent. Elle écrit : “Un conjoint violent est de fait un parent violent.”. En effet, la violence, y compris psychologique, infuse toute l’ambiance familiale et, les enfants en étant témoins, ils en sont donc victimes même si cette violence n’est pas directement tournée contre eux.

Une personne violente est incapable de faire preuve de respect envers l’intégrité et la dignité des autres humains. Même s’il ne s’en prend pas directement aux enfants (que ce soit par des coups ou des maltraitances verbales), le conjoint violent instaure un climat où la conscience de l’autre est inexistante. De fait, il interdit chez les enfants un rapport sain avec l’autre parent.

La violence psychologique, une violence invisible

Anne-Laure Buffet insiste sur le mécanisme de la violence psychologique, au-delà de la violence physique.

La violence psychologique est caractérisée par sa récurrence. Faire quelques fois des reproches relève plus de la maladresse ou de l’incompétence relationnelle que de la violence psychologique.

La répétition est au fondement du conditionnement et de la croyance de la victime, car ce qui est si souvent dit ou agi ne peut qu’être vrai. L’unicité d’une remarque crée un doute. La redite exacerbe ce doute. La répétition fait croire à sa réalité. – Anne-Laure Buffet

On reconnaît la violence psychologique au fait que la personne qui en est victime, enfant ou adulte, ne sait jamais sur quel pied danser et vit sous stress permanent.

La victime de violence psychologique sait d’avance que, si elle parle ou si elle réagit mal (du point de vue de “l’emprisonneur”), elle sera critiquée. Anne-Laure Buffet utilise le mot d’emprisonneur pour désigner les bourreaux, auteurs de violence psychologique (ces emprisonneurs peuvent être des hommes ou des femmes, de tout âge et de toute classe sociale). Les reproches sont une constante dans les violences psychologique car la victime est mise en incapacité de savoir comment réagir : elle s’expose toujours aux reproches.

La violence psychologique envers les enfants peut prendre plusieurs formes :

  • l’enfant est le souffre douleur et reçoit menace, punition et mépris, objet de tous les reproches et coupable désigné
  • l’enfant est considéré comme un objet et est contraint de faire ce que le/les parents attendent de lui, condamné à réussir, à servir les parents, et à se sacrifier
  • l’enfant est entraîné dans un conflit de loyauté (entre les injonctions et interdictions diverses et parfois contradictoires des parents, ces enfants sont pris en tenaille et ne savent qui croire ni comment se comporter)
  • le déni parental où l’autre parent est exclu de la vie de l’enfant avec la volonté délibérée de nuire à l’autre parent (sans considération pour la souffrance de l’enfant qui est alors un moyen de faire souffrir l’autre plutôt qu’une personne à protéger)
  • les secrets de famille (l’enfant pressent qu’il existe une réalité à laquelle il n’a pas accès, une histoire qui appartient à sa propre histoire mais qu’il lui est interdit de posséder)
  • l’incestuel, climat qui sous-tend l’inceste (néologisme inventé par Paul-Claude Racamier qui indique des relations troubles et malsaines dans une famille sans passage franc à des actes sexualisés. L’incestuel est un climat délétère où la tension sexuelle est aussi indicible qu’indéniable)

L’enfant victime de violences psychologiques est interdit de grandir. Son droit à l’existence lui est refusé par l’adulte. C’est en quelque sorte un meurtre psychique : l’enfant n’est rien ou ne sera bientôt plus rien. Il intègre un sentiment d’inutilité. – Anne-Laure Buffet

Quand il y a violence psychologique, contrainte et soumission dans un couple, le conjoint et parent violent prend le contrôle et brise les liens familiaux : par là, il atteint directement le psychisme de son enfant.

Non seulement le lien est corrompu, mais un élément fondamental dans la construction de l’enfant est brisé : l’attachement n’est pas possible, pas autorisé, pas sain.- Anne-Laure Buffet

Les moments de gentillesse, des pièges redoutables dans la violence psychologique

La destruction du psychisme des enfants est d’autant plus efficace que l’adulte violent sait se montrer parfois gentil. Anne-Laure Buffet utilise le mot de “chausse-trappes” pour désigner les cadeaux, surprises et autres moments d’accalmie où le parent violent se montre sous un bon jour.

Ces moments sont des pièges car les enfants développent la pensée que le parent n’est peut-être pas si méchant, que l’autre parent a alors mérité ce qui lui arrive et qu’eux-mêmes se sont fait des idées, qu’ils ont été injustes envers le parent maltraitant. La pensée est brouillée.

Dans les faits, ces moments calmes ne sont pas des signes de gentillesse. D’une part, parce que c’est ce que tout parent doit à son enfant et d’autre part, parce que cela fait partie de la violence psychologique que de générer de la confusion chez les autres.

De plus, ces moments sont rarement offerts dans le simple don sans attente de la part du parent violent : ces “chausse-trappes” sont la plupart du temps suspendus à la contrainte, à la menace ou au chantage, parasités par des phrases et des jugements contre l’autre parent, soumis au bon vouloir du parent toxique (ils n’arrivent jamais lorsque l’enfant en a besoin mais uniquement lorsque le parent l’a décidé).

Le piège de la violence psychologique se referme car la relation est faussée, de même que les émotions et pensées des enfants. Quand un parent fait preuve de violence psychologique, les enfants finissent toujours manipulés et instrumentalisés.

Pour Anne-Laure Buffet, les enfants doivent être reconnus comme victimes.

L’autre parent est victime, mais la victime principale est l’enfant qui n’a plus aucun repère ni aucune protection.

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Source : Les prisons familiales (Comprendre et agir) de Anne-Laure Buffet (éditions Eyrolles). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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