Une forme de violence psychologique courante consiste à rendre une autre personne (enfant, partenaire…) responsable de nos émotions désagréables.
Il y a inversion de culpabilité quand on fait porter la responsabilité de nos émotions et comportements violents sur autrui
Dans son livre Manuel d’auto-défense contre les violences psychologiques, Ariane Calvo rappelle qu’une forme de violence psychologique courante consiste à rendre une autre personne (enfant, conjoint.e…) responsable de nos émotions désagréables. cela se traduit par des phrase du type “Il m’a poussé à bout, je n’avais pas d’autre choix que de le punir/ le taper” ou bien “J’espère que tu as bien conscience d’avoir de la chance que je te supporte alors que tu es infernal”.
Se basant sur des faits réels, l’agresseur nie la victime pour l’accabler; en utilisant les défauts de l’autre, en les martelant et en les amplifiant, il se dédouane de ses propres agissements. D’une erreur banale, il va faire une vérité sur le caractère de sa victime (parce qu’elle a raté un plat une fois, elle va devenir “incapable de cuisiner”) et pourra jouer de cette culpabilité. – Ariane Calvo
Ariane Calvo parle d'”inversion de la culpabilité” parce que l’agresseur justifie sa violence par les supposés défauts et manquements de sa victime : “J’en suis là parce que tu me rends malade”, “C’est ta faute si je deviens dingue”, “Tu es insupportable, tu as de la chance que je reste”. La victime en vient à se sentir coupable si bien qu’elle oublie ou justifie les actes violents de l’agresseur… qui devient dès lors la victime ! Pourtant, personne n’oblige jamais une autre personne à devenir folle ou violente; de même, le comportement d’un enfant ne justifie jamais les comportements violents de son parent.
Vous êtes donc, d’après lui ou elle, une très mauvaise personne qui ne mérite pas l’amour qui lui est porté. Si vous quittez ce parent, ce conjoint ou cet employeur, personne d’autre ne pourra vous aimer ou vous estimer aussi bien et aussi fort que lui. Cet autre vous aime dans son immense générosité et sa “sensibilité” car lui seul a compris qui vous étiez vraiment. Il veut juste vous “corriger” dans ce que vous ne savez pas encore bien faire – ou, en tout cas, pas à sa façon qui est, bien sûr, la seule valable. – Ariane Calvo
Des effets nocifs sur les victimes de cette forme de violence psychologique
Le piège de cette forme de violence psychologique est que les victimes (enfants autant qu’adultes) finissent par penser que l’agresseur (le parent, le ou la partenaire…) est violent parce qu’elles n’ont pas su répondre à ses besoins ou parce qu’elles se sont “mal” comportées. La victime est peu à peu submergée par la honte et la culpabilité et a tendance à se refermer, à s’isoler. Dans une relation de couple, l’agresseur risque de redoubler de violence quand la victime menace de le quitter : il l’accuse de vouloir le détruire et peut aller jusqu’au chantage au suicide.
Par ailleurs, de nombreuses personnes victimes de violence psychologique deviennent convaincues qu’elles sont réellement invivables et qu’elles méritent d’être traitées ainsi. La plupart des victimes (enfants et adultes) sont persuadées que c’est de leur faute et que c’est vraiment fatigant pour le/ la conjoint.e, pour le parent, pour l’enseignant de les supporter au quotidien. Le mécanisme pervers du “c’est pour ton bien” se referme : le mal fait est justifié parce que c’est pour le bien de la victime (qui va finir par remercier son bourreau de l’aimer et la supporter malgré tout). La victime intériorise la faute et son estime de soi est au plus bas. Quand un agresseur fait porter sa responsabilité émotionnelle à l’autre, cela entraîne également un épuisement et une perte de repère identitaire chez la victime.
De plus, il y a toujours une part (plus ou moins grande) de vérité dans les critiques formulées par l’agresseur et c’est précisément pour cela que le mécanisme est efficace et violent. Il est normal pour la victime dévalorisée et critiquée d’exploser à force de se sentir incomprise, manipulée, ignorée. L’agresseur va en profiter pour justifier ses propres débordements en retour.
“C’est vrai, je n’aurais pas dû insister”, “J’ai sûrement été blessant(e) en disant cela”, “J’ai eu l’air d’un(e) hystérique” sont des phrases que vous avez probablement déjà pensées ou dites. Vous avez peut-être même déjà demandé pardon après avoir subi des déferlements de reproches et de remarques injustes de ce type. Ces pensées sont terribles car elles vous condamnent illégitimement et ne reconnaissent pas la part de responsabilité de l’autre dans votre fragilisation. – Ariane Calvo
Parents : identifier quand nous faisons porter la responsabilité de nos dysfonctionnements aux enfants
En tant que parents, nous pouvons identifier quand nous faisons porter la responsabilité de nos émotions et de nos dysfonctionnements à nos enfants. Ariane Calvo nous invite à faire preuve de responsabilité émotionnelle. La responsabilité émotionnelle est la capacité à choisir le comportement associé à une émotion et à cultiver des relations non violentes avec les personnes qui nous tiennent à coeur. Nous sommes responsables de nos débordements violents et il est nocif pour le développement de l’enfant de nous déresponsabiliser de ces comportements en faisant porter la faute à l’enfant de notre violence.
Pour Ariane Calvo, la responsabilité émotionnelle peut se résumer par trois grands principes que nous pouvons garder en tête :
- Je ne contrôle pas mes émotions mais je choisis la façon dont je les exprime et le comportement que j’y associe.
- Je suis responsable de répondre à mes besoins. L’objectif de l’accompagnement émotionnel de nos enfants est de construire petit à petit leur capacité à exprimer leurs propres besoins et à y répondre sans avoir besoin de passer par des jeux de pouvoir à l’âge adulte.
- Je suis responsable des comportements que je choisis d’associer à mes émotions. Là aussi, notre aspiration de parent est de permettre aux enfants de devenir responsable des comportements qu’ils choisissant d’associer à leurs émotions. Ce travail d’accompagnement émotionnel se fait sur le long terme, avec des essais-erreurs.
Ainsi, nous pouvons remédier à cette tendance à la déresponsabilisation émotionnelle pour des relations bientraitantes avec nos enfants. Ce type de relation prend soin de l’estime de soi des enfants et développe leur propre sens de la responsabilité.
Pour aller plus loin : Education bienveillante : réguler nos propres explosions émotionnelles et sur réactions face aux enfants
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