On confond existence et performance en matière d’éducation.
Jesper Juul, thérapeute familiale danois, estime que nous avons trop souvent tendance à confondre existence et performance. Il prend pour exemple un jeune enfant sur un toboggan qui dirait à ses parents : “Regarde moi !”. Quand les parents répondent “Oh, c’est bien, tu es doué !” ou alors “attention à ne pas tomber !”, Jesper Juul qualifie cela de dialogue de sourds.
Le regard permet de distinguer existence et performance
Dans ce cas, l’enfant ne recherche pas une confirmation de ses compétences (il ne sait même pas à ce stade qu’on peut être bon ou nul en descente de toboggan) mais plutôt un regard, une communion, une confirmation de son expérience et de son existence.
Jesper Juul écrit qu’une réaction appropriée pour ne pas confondre existence et performance serait simplement de répondre en trouvant le regard de l’enfant et en agitant le bras : “Coucou, c’est amusant le toboggan, on dirait !” ou encore “tu es tout en haut !”. Cette réaction permet de se poser en témoin de l’expérience de l’enfant, pas en juge de ses capacités à bien ou mal faire du toboggan.
Jesper Juul trouve plusieurs avantages à ce type de réaction :
- l’enfant a été vu, confirmé
- l’enfant gagne une expression verbalisée pour décrire son expérience intérieure (“cela semble amusant”, “parfois, on peut avoir peur quand on est tout en haut du toboggan”)
Verbaliser ce qu’on voit en tant que parent ou éducateur
La verbalisation est importante : regarder un enfant dont le comportement nous indique qu’il a faim ou froid et lui dire “on dirait que tu as froid” ou “en fait, tu avais faim”, c’est participer à la construction de son langage personnel.
Tant que les enfants ne sont pas capables de s’exprimer avec un langage personnel, ils sont dans la confusion de ce qu’ils sont et ont du mal à résoudre les conflits qui les opposent aux autres.
Un enfant doté d’un langage personnel saura dire “Non merci, je n’ai plus faim” plutôt que “Je n’en veux pas” ou “Je n’aime pas ça !”.
Pour Jesper Juul, nous avons le choix entre chercher à éduquer ou chercher à “voir”. Le plus important est que les enfants soient vus et que leur attention soit portée dans la “bonne” direction : leur intimité, leurs sensations, leurs émotions, leur vécu.
C’est la même chose lorsqu’un enfant nous tend un dessin en disant : “C’est pour toi !”. C’est un don d’amour, un don de lui-même, de son existence. En échange, l’enfant n’a pas besoin d’une évaluation de l’adulte : “Il est beau, tu sais bien dessiner, c’est joli…” Le mot clé ici est reconnaissance, qui pourrait s’exprimer par des paroles comme “Merci, ce cadeau me touche beaucoup”, “Je suis heureux(se) de ce cadeau”, “On dirait que je t’ai manqué pendant mon absence, moi aussi je suis content(e) de te revoir”.
En conclusion, les perspectives dans la vie des enfants sont d’être (pas de pouvoir) et d’exister (pas de faire une performance). La reconnaissance et la confirmation de l’existence des enfants sans jugement (ni critique ni louange) à travers une réaction personnelle et spontanée est la meilleure manière de leur procurer la nourriture nécessaire à une estime de soi solide.
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Source : Regarde… ton enfant est compétent (Jesper Juul) aux éditions Chroniques Sociales (disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet)
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