Un petit tableau pour définir la bienveillance (ou comment être exigeant ET encourageant)
Dans son livre Grit: The Power of Passion and Perseverance (non traduit en français), Angela Duckworth propose un petit tableau qui peut servir de guide, de filtre pour nos actions à visée éducative. Elle y définit les variations autour de l’autorité selon deux axes : encourager et être ferme sur le comportement.
La bienveillance s’inscrit dans la rencontre de l’encouragement et de la fermeté sur les comportements.
J’ai aimé l’idée parce qu’on comprend facilement que la bienveillance n’est ni du laxisme, ni de l’autoritarisme, et encore moins de la négligence. Une attitude encourageante et exigeante est au contraire très difficile à adopter.
Beaucoup d’adultes pensent en effet que la baisse de leurs exigences amènera les enfants à vivre des expériences de réussite et améliorera leur estime de soi. Mais Carol Dweck, psychologue américaine, averti que la baisse des exigences ne fait que générer des enfants faiblement instruits et peu portés sur les valeurs éthiques qui se sentent en droit d’avoir un travail facile et de généreux compliments (sur leur talent inné, sur leur intelligence). Pour autant, avoir de hautes exigences sans donner aux enfants les moyens de les atteindre n’est pas efficace.
Seule une attitude exigeante ET encourageante libère les potentialités des enfants.
Qu’est-ce qu’une attitude exigeante ?
Ici, l’attitude exigeante n’est pas à comprendre comme une attitude intransigeante, rigide.
On peut être souple sur les émotions ET ferme sur le comportement.
On peut formuler des règles claires non négociables (ne jamais taper qui que ce soit, respecter l’autre dans sa différence, dans sa personnalité et dans son intégrité, toujours faire de son mieux…) ET admettre des exceptions aux règles négociables (les enfants sont plus censés que ce que nous pouvons bien croire. Ils sont tout à fait capables de comprendre des circonstances exceptionnelles qui entrainent des modifications des règles. Certains cas exceptionnels peuvent donc bouleverser temporairement les règles et le cadre habituels – comme par exemple manger des bonbons avant de dîner à l’occasion d’un anniversaire).
L’exigence est plutôt à comprendre comme le fait de croire que tous les enfants sont capables de beaucoup, qu’ils ont des ressources extraordinaires en eux, qu’ils peuvent accomplir de grandes choses, qu’on ne va pas les laisser rater, qu’on leur proposera des situations dans-lesquelles ils apprendront et des défis à leur hauteur, qu’on mettra l’accent sur le travail et les efforts (plutôt que l’intelligence et les résultats).
Ce qui est visé ici est le développement propre de l’enfant pour devenir un être humain complet qui apportera sa contribution à la société d’une façon qui l’enthousiasme.
Qu’est-ce qu’une attitude encourageante ?
Une attitude encourageante est chaleureuse, accueillante, inconditionnelle, positive, compréhensive. Elle consiste à croire dans les capacités de l’enfant et à lui apporter une aide utile (ni trop en faisant à sa place ou en proposant des choses trop faciles, ni trop peu en le laissant se débattre seul ou en proposant des défis trop loin de sa zone proximale de développement).
Il y a énormément d’intelligence gaspillée par le seul fait de sous-estimer le potentiel de développement des enfants. Tout le monde est capable de bien faire.
>>>Pour aller plus loin : 5 manières d’utiliser l’encouragement de façon efficace
Comment concilier exigence et encouragement, défi et soutien ?
Pour les enseignants
Les excellents enseignants croient dans le développement de l’intelligence et du talent et ils sont passionnés par le processus d’apprentissage. – Carol Dweck
Une enseignante témoigne dans le livre de Carol Dweck sur l’état d’esprit en développement : pour elle, dans l’enseignement, il est question de voir grandir quelque chose sous ses yeux. Et le défi est de trouver comment faire en sorte que cela se produise. Si les élèves échouaient, c’était parce qu’il n’avait pas bien appris comment faire. Elle expérimentait différentes façons d’y remédier et pensait que le talent n’est pas inné mais peut être acquis grâce au travail, aux efforts, à la pratique, à l’entrainement.
Carol Dweck a étudié de nombreux enseignants à travers le monde et en a déduit plusieurs caractéristiques des enseignants qui ont des hautes exigences dans une atmosphère de soutien :
- ils se soucient de chacun de leurs élèves, ils les aiment
- ils croient en l’amélioration de tous les enfants, ils ont la foi
- ils ont de fortes attentes pour l’ensemble des enfants, pas seulement ceux qui réussissent déjà
- ils mettent en place un climat d’affection et d’engagement personnel profond envers chaque enfant
- ils apprennent aux élèves comment atteindre des attentes élevées
- ils apprennent aux enfants à aimer apprendre et à réfléchir par eux-mêmes
- ils sont clairs sur les manière d’atteindre un objectif : il n’y a pas de raccourci ni de magie
- ils disent la vérité aux enfants (où ils en sont, ce qu’ils savent déjà faire et pas encore faire, ce qui est acquis et non encore acquis) en leur donnant toujours des outils pour réduire l’écart avec l’attente (fournir de nouvelles stratégies d’apprentissage plus adaptées et efficaces)
- ils apprennent en même temps que leurs élèves apprennent et ils aiment apprendre avant d’enseigner
- ils donnent des feebacks sur les processus utilisés par les enfants
Pour les parents
Beaucoup d’enfant sont coincés dans un état d’esprit fixe et en deviennent réticents à l’effort et à l’apprentissage.
Carol Dweck propose plusieurs pistes pour engager les enfants dans un état d’esprit en développement :
- dire que personne n’est bête, que perdre un match ou avoir une mauvaise note signifie qu’on n’a pas assez travaillé, qu’on ne s’est pas assez entrainé, ou qu’on n’a pas trouvé la bonne façon d’apprendre : il s’agit d’entrainement et d’apprentissage, pas d’intelligence ou de bêtise
- vivre l’état d’esprit de développement au quotidien, en famille : par exemple, faire un tour de table lors du diner à la fin de chaque journée ou semaine
- qu’as-tu appris aujourd’hui (pas forcément en termes d’apprentissages scolaires) ?
- quelle erreur as-tu faites ? qu’est-ce que tu en as appris ?
- à quoi as-tu consacré tes efforts aujourd’hui ?
- quand un enfant se vante d’être le meilleur ou de mieux réussir que les autres, on peut lui dire de plutôt nous expliquer ce qu’il a appris et ce qu’il pourrait faire de plus difficile pour apprendre de nouvelles choses
- en cas d’échec malgré un dur travail préalable, insister sur les efforts, sur le travail déployé, sur le processus, sur la progression, sur les connaissance apprises en reconnaissant la déception, proposer de nouvelles stratégies d’apprentissage
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Pour aller plus loin : Changer d’état d’esprit : Une nouvelle psychologie de la réussite de Carol Dweck (éditions Mardaga)
Commander Changer d’état d’esprit : Une nouvelle psychologie de la réussite sur Amazon.