Le complexe d’œdipe : une théorie incompatible avec l’éducation bienveillante et respectueusecomplexe d’œdipe éducation bienveillante

J’ai reçu dans l’été une demande par message privé d’une maman qui souhaitait des lectures pour agir avec bienveillance face au complexe d’œdipe de son enfant. Je lui ai répondu que, la parentalité bienveillante rejetant tout ce qui vient de la psychanalyse freudienne, il ne sera pas possible de trouver des choses à propos du complexe d’œdipe dans ce type d’ouvrages (si ce n’est pour dire que cela n’existe pas et que ce type de croyance entretient des problèmes plus qu’elles ne les résolvent).

Dans une drôle de coïncidence, Héloïse Junier, psychologue en crèche, aborde justement ce thème dans son nouvel ouvrage Le manuel de survie des parents – Des clés pour affronter toutes les situations de 0 à 6 ans.

Héloïse Junier rappelle la genèse du complexe d’œdipe avec humour : sur la base d’une expérience personnelle vécue par Freud lui-même, ce dernier a élaboré une théorie universelle… applicable à tous les êtres humains. Pour le grand public, le complexe d’œdipe signifie la préférence d’un enfant pour le parent du sexe opposé avec des manifestations de jalousie ou de rejet envers l’autre parent.

Pourtant, plusieurs études scientifiques ont invalidé la théorie du complexe d’œdipe (et depuis de nombreuses années). Tous les jeunes garçons ne désirent pas coucher avec leur mère et tuer leur père au passage (de même que les jeunes filles ne désirent pas coucher avec leur père et tuer leur mère). Héloïse Junier cite une étude de C W Valentine parue en 1962 qui a porté sur un millier d’enfants âgés de 2 ans à 6 ans (garçons et filles). Cette étude a montré que tous les enfants, indépendamment de leur sexe, ont une attirance préférentielle pour leur mère. Cela s’explique par la mise en place d’une figure primaire d’attachement : la mère est généralement la figure principale d’attachement des enfants parce que c’est elle qui est le plus impliquée dans l’éducation.

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Une autre étude (menée par des psychologues des université de Hanovre et Heidelberg en 2011 – Die Theorie des Ödipuskomplexes und seine Relevanz für die heutige Erziehungswissenschaft Mythos oder Wahrheit ?) a porté sur des enfants âgés de 3 à 9 ans. A l’âge dit “phallique” selon Freud, 81,5% des enfants (filles et garçons) ont jugé leur maman “gentille” et 78,5% leur papa “gentil”. Ainsi, ces statistiques montrent qu’il n’y a ni attirance préférentielle pour le parent du sexe opposé ni hostilité envers le parent du même sexe.

En parallèle, les psychologues ont demandé aux parents si leurs enfants du sexe opposé leur avaient déjà demandé de les épouser. 82,5% des mères et 86,5% des pères n’ont jamais entendu leurs enfants de sexe opposé dire qu’ils voulaient les épouser.

Il peut arriver que certains enfants (minoritaires) éprouvent une préférence pour l’un des parents du sexe opposé)mais ce n’est pas une norme ou une généralité. Cette tendance dépend de la structure familiale, de l’implication des parents ou encore de leur posture et c’est peut être le prisme de lecture freudo-oedipien qui étiquette ce comportement comme tel au risque de masquer d’autres dysfonctionnements.

Héloïse Junier regrette en effet que la prégnance encore forte du complexe d’œdipe entraîne une non prise en compte des difficultés manifestées par les enfants en question.

Quotidiennement, de nombreuses difficultés d’enfants et d’adultes sont interprétées au regard du prisme œdipien, sans qu’une autre cause ne soit avancée : des difficultés d’apprentissages, de concentration, d’autonomie, de coopération, d’endormissement… – Héloïse Junier

Par ailleurs, de nombreux professionnels (quoi que de moins en moins nombreux) ont recours à la théorie œdipienne pour justifier les séparations entre parents et enfants (en particulier entre les mères et les garçons), les privant d’une proximité émotionnelle et physique (comme l’allaitement long ou le cododo) pourtant inhérente à notre nature humaine.

Raisonner en termes de besoins et d’attachement constitue une manière plus efficace et bientraitante d’aborder les manifestations comportementales des enfants.

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Source : Le manuel de survie des parents – Des clés pour affronter toutes les situations de 0 à 6 ans de Héloïse Junier (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet

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