Pourquoi apprendre aux enfants à reconnaître leurs émotions ?
Tant que le cerveau n’a pas atteint sa pleine maturité (pas avant 20 ans, certains chercheurs affirmant même vers 30 ans), les processus de gestion des émotions ne sont pas totalement fonctionnels.
L’enfant a alors des difficultés à contrôler et maîtriser ses réactions émotionnelles. L’enfant n’est pas en mesure de gérer l’ensemble des émotions qui affluent en lui du fait de l’incomplétude de ses réseaux neuronaux. Le cortex préfrontal est incapable de jouer son rôle de régulateur des émotions fortes.
L’apprentissage du langage des émotions aura alors sur l’enfant un impact sur son comportement social, et notamment sa capacité à surmonter le stress, à gérer son agressivité et à exprimer ses affects.
Par ailleurs, un enfant qui enfouit ses émotions, ses peurs, qui ne peut pas manifester sa joie ou sa colère, n’apprend pas à tenir compte de ce que lui ou les autres ressentent. Il ne développe pas d’empathie, pas de bienveillance : ni pour lui-même, ni pour les autres.
Quand un enfant apprend à repérer ses émotions et à repérer le message envoyé par son corps, il arrive mieux à s’adapter et à comprendre ce qui compte pour lui mais aussi pour les autres.
Par quelle attitude accompagner ce travail de découverte ?
Le fait d’apprendre à l’enfant à nommer une émotion et à la reconnaître dans ses manifestations physiologiques sera encore plus efficace quand le parent accueille avec une attitude bienveillante ses émotions. L‘écoute empathique qui consiste à reformuler et à réfléchir en miroir les sentiments est parfaite pour montrer à l’enfant que:
- on accepte son émotion, même pour une bricole ou une grosse frustration,
- nous cherchons avec lui à mettre du sens sur elle.
Jeanne Siaud-Facchin décrit les 5 avantages d’une posture accueillante, ouverte et bienveillante :
1. L’enfant comprend que son émotion est acceptable, quelle qu’elle soit. L’enfant a le droit d’avoir peur, d’être triste, de se sentir en colère, d’être joyeux.
2. L’enfant a appris à reconnaître les sensations de l’émotion et à la nommer.
3. Il peut ressentir dans son corps ce que l’émotion produit.
4. Il en déduit donc le sens de l’émotion : ce qui l’a touché au plus profond de lui.
5. Il peut s’adapter en étant présent à l’émotion et à ce qu’elle lui a fait comprendre de lui, de la situation.
Quelles sont les émotions primaires ?
Face à un événement, une émotion est une réaction automatique qui se traduit par des sensations physiques.
Il existe 6 émotions primaires universelles dont on peut repérer les expressions faciales dans tous les peuples humains. Une émotion peut générer des sentiments ou des états affectifs associés. Connaître ces derniers permettra aux enfants de reconnaître et nommer l’émotion qui les habite.
1. La peur
La peur signale la présence d’un danger, réel ou imaginaire. La peur protège et entraîne plusieurs stratégie pour faire face à la menace : fuite, attaque ou sidération.
Les réactions corporelles de la peur se traduisent par un afflux de sang dans les muscles (pour courir plus vite, avoir plus de force…), une montée d’adrénaline (pour augmenter la puissance) et une accélération du rythme cardiaque (pour préparer à l’effort).
2. La colère
La colère surgit quand ce qui est essentiel pour nous est menacé, quand on essaie de nous imposer quelque chose, que notre territoire est envahi. mais colère n’est pas synonyme d’agressivité : l’agressivité est seulement une expression (inappropriée) de la colère.
La colère déclenche une concentration d’énergie.
3. La tristesse
La tristesse est un retour au calme, un retour à soi. Le retour au calme donne le temps nécessaire pour intégrer l’événement douloureux, l’élaborer, pour se régénérer, trouver de nouveaux repères et reprendre le cours de la vie.
La tristesse se traduit par un ralentissement du rythme du corps.
4. Le dégoût
Le dégoût permet de ne pas accepter ce qui n’est pas bon pour nous, de ne pas avaler n’importe quoi.
Le dégoût se traduit par une sensation de nausée.
5. La surprise
La surprise prépare au changement.
Elle se traduit par un élargissement des perceptions visuelles et auditives grâce à la mobilisation rapide et concentrée des neurones.
6. La joie
La joie augmente l’énergie disponible et le bien-être.
Elle se traduit par la sécrétion d’hormones du plaisir (ocytocine, endorphine…) qui développent l’optimisme.
A quoi servent les émotions ?
Pour Jeanne Siaud-Facchin, les émotions sont des guides fidèles. Ce sont elles qui nous mettent en action et sont indispensables à la vie humaine car elles nous aiguillent sur la réaction la mieux adaptée à notre environnement.
Une émotion est à considérer comme une réaction du corps à un stimulus : elle nous indique la nature de la situation (la présence d’un danger éventuel, une souffrance, une réjouissance…) et comment il convient d’y répondre.
Il n’existe pas à proprement parler d’émotions négatives ou positives. Toutes les émotions ont une fonction. C’est ce que l’on va donner comme sens à l’émotion qui en fera une émotion agréable ou désagréable. Toutes les émotions ont une valeur importante, sans connotation. – Jeanne Siaud-Facchin
Pour reconnaître une émotion, il est alors essentiel de capter les sensations corporelles, ce qui se passe à l’intérieur, les envies ressenties.
Les émotions sont des indices sur soi.
7 étapes pour apprendre à reconnaître les émotions
Dans son livre Tout est là, juste là: Méditation de pleine conscience pour les enfants et les ados aussi, Jeanne Siaud-Facchin propose un exercice en 7 étapes pour entraîner les enfants à reconnaître leurs émotions.
1. Où sens-tu l’émotion dans ton corps ?
Cette première étape permet de relier les émotions dans la tête et dans le corps (un tiraillement, un pincement, des mains moites, un serrement dans la poitrine…).
2. Centration sur la perception
Tu te centres sur ta perception corporelle et tu ne cherches pas à la modifier.
3. Respiration
Tu prends conscience de ta respiration, de son mouvement, et tu mets ta respiration à l’endroit de ton corps où se trouve ton émotion. Tu respires dans ce point comme si l’air entrait et sortait de cet endroit de ton corps.
4. Observation des pensées
Tu observes tout ce qui se passe. Dès que tu vois des pensées comme “J’en ai marre, tout m’énerve, j’ai mal, ça suffit, c’est pas juste, j’aurais dû…”, tu les laisses passer comme si tu étais une vache qui regarde un train passer.
Tu observes, c’est ta mission.
5. Retour à l’endroit où se trouve l’émotion
Dès que tu te rends compte que tu t’es perdu dans tes pensées, tu reviens à l’endroit de ton corps où se trouve l’émotion, autant de fois que tes pensées de dispersent.
6. Élaboration des pensées
Est-ce ça n’a pas déjà un peu changé ?
Est-ce que ton émotion ne s’est pas déjà un peu transformée ?
Est-ce que tu ne te sens pas un peu moins triste, en colère ou toute autre émotion ?
Est-ce que tu ne vas pas finalement faire tout à fait autre chose que ce que tu aurais fait en étant sous l’emprise de ta tristesse, comme te mettre dans un coin et te sentir encore plus seul, ou te disputer avec le copain qui a déclenché ta colère ?
7. Partage avec l’enfant
Le parent partage avec l’enfant la façon dont il a vécu cet épisode, les impressions qu’il a ressenties.
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Source : Tout est là, juste là :Méditation de pleine conscience pour les enfants et les ados aussi de Jeanne Siaud-Facchin (éditions Odile Jacob). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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