Inefficacité et nocivité des récompenses dans l’éducation
Définir la notion de récompense dans l’éducation
Les récompenses prennent plusieurs formes, que ce soit à l’école ou à la maison : étoiles, bonnes notes, bons points, temps libre, allocation préférentielle de place, argent, bonbon, gâteau, dessert, cadeaux, compliments…
Selon Thomas Gordon, une récompense doit réunir 3 conditions pour fonctionner :
- l’enfant doit vouloir ou avoir besoin de quelque chose assez fort pour accepter de se soumettre à la volonté de l’adulte
- l’enfant doit juger que la récompense offerte peut satisfaire un de ses besoins
- l’enfant doit dépendre de l’adulte pour obtenir la récompense (et donc être incapable de répondre à son besoin par ses propres moyens)
Les récompenses peuvent-elles être efficaces ?
Thomas Gordon estime que les récompenses peuvent être efficaces sous certaines conditions… mais que ces conditions mêmes sont la preuve à la fois de l’inefficacité et de la nocivité des récompenses à long terme :
1. L’adulte possède les moyens de satisfaire les besoins de l’enfant que ce dernier ne peut pas satisfaire par lui-même.
2. L’adulte possède les moyens d’empêcher l’enfant de satisfaire un de ses besoins.
3. La relation adulte/ enfant est inégale, que ce soit par la force (l’adulte est plus grand/ fort que l’enfant), par les moyens financiers (l’adulte décide du budget), par la maîtrise de l’environnement (l’adulte sait où se trouvent les choses, l’adulte est en mesure d’attraper les choses…).
4. L’enfant est dans un état de dépendance et de crainte : dépendance envers les récompenses et crainte de ne plus en obtenir.
Ces conditions impliquent donc que le système des récompenses s’écroule le jour où l’enfant devient capable de satisfaire ses propres besoins (par exemple, le fait de s’acheter des bonbons avec son argent de poche, le fait d’accéder au placard des gâteaux, le fait de devenir plus grand/ plus fort que l’adulte).
Pourquoi les récompenses sont-elles inefficaces ?
Arrive un moment où les récompenses n’ont pas ou plus de valeur (récompense non désirée par l’enfant, trop éloignée dans le temps…).
Quand un comportement inacceptable est récompensé par un autre système de récompense plus valorisé par l’enfant (c’est souvent le cas à l’école avec les élèves perturbateurs : les rires des camarades valent plus que les récompenses promises par les enseignants pour bonne conduite), les récompenses des adultes ne peuvent plus faire le poids…
A partir du moment où les enfants peuvent obtenir leurs propres récompenses (par exemple, permis de voiture ou scooter = pas besoin de papa/ maman pour me sortir), les adultes perdent leur moyen de contrôle à travers les récompenses.
Si les récompenses sont inaccessibles pour l’enfant (la barre est trop haute et donc décourageante), elles sont non motivantes et donc inefficaces.
Dès qu’un comportement acceptable n’est pas récompensé (car les parents ne suivent pas les faits et gestes des enfants tout au long de la journée), l’enfant met en doute le système de récompense et est tenté de ne plus s’y soumettre.
Les enfants s’habituent aux récompenses : Thomas Gordon écrit que des expériences ont confirmé que l’effet des récompenses s’affaiblit avec le temps et que plus les parents sont prodigues de récompenses en tout genre, moins elles fonctionnent quand il s’agit d’inciter l’enfant à apprendre ou effectuer une tâche.
Pourquoi les récompenses sont-elles néfastes ?
Il est souvent considéré comme plus acceptable de donner des récompenses que des punitions. Pourtant, récompenses et punitions relèvent toutes les deux d’un pouvoir sur l’autre et non pas d’un pouvoir avec l’autre.
Lorsque nous exerçons un pouvoir avec l’autre, nous n’essayons pas de l’influencer en le faisant souffrir s’il ne fait pas ce que nous voulons ou en lui laissant miroiter une récompense s’il obéit. – Marshall Rosenberg
On entend souvent des reproches au sujet de l’éducation positive/ bienveillante/ non violente : ce n’est pas habituel d’éduquer sans punition ni récompense. Pourtant, Gandhi disait :
Ne confondons pas ce qui est habituel avec ce qui est naturel.
Nos manières de communiquer et d’éduquer nos enfants ne sont pas naturelles, mais habituelles. Elles s’inscrivent dans nos traditions culturelles. Pourtant, les humains sont plus naturellement portés à créer des relations fondées sur l’amour, le respect et le partage dans la joie qu’à faire pression sur les autres, au moyen de la punition ou de la récompense.
Pour Maria Montessori, les récompenses sont “l’esclavage de l’esprit“. Elle ajoute qu’à l’école, la récompense est de nature à engendrer l’envie et la vanité, au lieu de susciter cette élévation faite d’efforts, d’humilité et de charité qu’il est donné à tous d’atteindre. Maria Montessori explique que ce qui fait avancer le monde, c’est la grandeur humaine et la force de la vie qui crépitent en nous .
Toutes les victoires et tout le progrès humain reposent sur la force intérieure. – Maria Montessori
Ce sont les actions que les enfants (et les adultes) réalisent par vocation, par passion, par envie qui font bénéficier le monde d’un progrès. Quand on pousse ce raisonnement, on s’aperçoit que les récompenses sont des punitions puisqu’elles détruisent la joie et font perdre le contact avec la force de la vie. La punition ultime est en effet le découragement.
Pour Maria Montessori, les seules récompenses qui vaillent sont :
1. la joie intérieure éprouvée dans l’accomplissement d’une tâche
2. la reconnaissance, la gratitude d’autrui.
C’est toujours en touchant et en conquérant les âmes que nous obtenons le seul prix qui soit une véritable récompense.
Les récompenses tendent à saper la motivation interne et personnelle des enfants, qui entreprennent alors de moins en moins de choses.
Les enfants en viennent à travailler dans le seul but d’obtenir une récompense : ils n’agissent pas pour eux, pour la joie procurée, pour leur propre performance… mais pour plaire, pour obtenir une gratification extérieure. Pourtant, toute évaluation ne peut se passer que dans le for intérieur de l’enfant.
Les enfants qui reçoivent beaucoup de récompenses apprennent à se conformer plutôt qu’à innover, à suivre un modèle sans prendre de risque plutôt qu’à faire preuve de créativité au risque de ne pas recevoir de compliment.
L’abus de compliment et de récompense prive les enfants du fait d’exercer une activité pour le simple plaisir de la chose. Les récompenses détruisent la spontanéité, le plaisir, l’envie de collaborer et de se sentir utile.
Pire, l’absence de récompense peut être perçue comme une punition : les enfants s’inquiètent quand ils n’en reçoivent plus. Ils peuvent même cesser de faire le moindre effort.
L’apprentissage lui-même devrait être la récompense. – Marshall Rosenberg
> Continuer la lecture avec cet article : Comment remplacer les récompenses – 8 alternatives aux récompenses
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Pour aller plus loin dans la compréhension du système punitions/ récompenses et obtenir des pistes pour les remplacer, je vous conseille la lecture du livre Éduquer sans punir par Thomas Gordon (Poche Marabout). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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