Comprendre et aider l’enfant atteint de TDA/H au quotidien
Suite à un post sur “La fessée, comment faire sans ?”, une maman d’enfant atteint de TDA/H m’a fait part de sa souffrance : comment accompagner un enfant souffrant de TDA/H au mieux ? Je ne suis pas spécialisée dans ce trouble cognitif mais je me suis beaucoup renseignée dans le cadre de mes activités professionnelles et je peux témoigner de l’approche que j’ai adoptée avec un enfant TDA (sans hyperactivité) que j’accompagne dans ses apprentissages scolaires.
Sa maman a mis en place plusieurs outils pour assurer un cadre ferme et bienveillant :
- des routines (sous formes de photos/ pictos des gestes à faire pour chaque temps fort de la journée),
- des mots sur les émotions (cet enfant de 7 ans sait dire quand il passe du vert au orange, voire au rouge et il nous prévient pour nous laisser le temps de faire un temps de pause),
- oui aux émotions et non au comportement (tu as le droit d’être en colère mais pas de taper, je ne te laisserai jamais me taper ou m’insulter)
- de la rééducation de l’attention via des jeux et des activités (les éditions Chenelière proposent des choses complètes bien qu’un peu chères).
Cet enfant a été déscolarisé car l’école générait trop de souffrance et il est désormais instruit en famille. J’interviens quelques heures par semaine pour les apprentissages fondamentaux et il est en apprentissage informel/ autonome le reste du temps. Le fait de pouvoir suivre ses passions et ses intérêts a contribué à réguler ses troubles oppositionnels. Il ira dans une école Montessori l’an prochain. Je ne prétends pas que cette solution est un modèle à suivre à tout prix mais je tenais à en témoigner pour à la fois exposer les difficultés auxquelles sont confrontés les parents d’enfants TDA/H (souvent montrés du doigt pour leur manque de fermeté ou alors incompris dans leurs difficultés quotidiennes) et des pistes de solutions envisageables.
Qu’est-ce que le TDA/H ?
Une tentative de définition
Les caractéristiques du TDA/H
- inattention,
- hyperactivité,
- impulsivité,
- troubles socio-émotionnels (humeur changeante, grande susceptibilité, sensibilité, troubles sensoriels fréquents),
- et fonctions exécutives.
Bon nombre des caractéristiques ou de symptômes du TDA/H sont présents chez chacun d’entre nous à certains moments et dans certaines circonstances. L’établissement du diagnostic consiste à recueillir des renseignements afin de déterminer l’intensité, la durée et le degré de sévérité des symptômes et leurs répercussions négatives sur la vie d’une personne.
Un diagnostic de TDA/H n’est posé qu’après un bilan approfondi pratiqué par un professionnel (neuropédiatre en général) et est considéré comme valide après l’âge de 5 ans.
Un enfant TDA/H est rarement un trouble isolé : dans près d’un cas sur deux, d’autres troubles sont associés au TDA/H dans plus de la moitié des cas (source : Jeanne Siaud Faccin, 2015). Les troubles qui accompagnent le plus souvent le TDA/H chez les enfants et les adolescents sont les troubles d’apprentissage (dyspraxie, dyslexie…), les troubles comportementaux (troubles oppositionnels,provocation, troubles de la conduite), la dépression (chez environ un enfant sur trois atteint de TDA/H), l’anxiété (dans 25% à 50% des cas selon Jeanne Siaud-Facchin).
Quels aménagements prioritaires prévoir à la maison et à l’école pour les enfants atteints de TDA/H ?
L’accompagnement des troubles neuro-développementaux (TDA/H et « dys ») comprend 4 grands axes :
1. Avant tout, prendre en charge les facteurs aggravants : les troubles du sommeil, une mauvaise hygiène de vie (alimentation, sport) peuvent majorer un trouble neuro-developpemental. Concernant le TDA/H, les troubles du sommeil peuvent même être un diagnostic différentiel. Chacun sait que son attention baisse lorsqu’il manque de sommeil, et que ce manque peut également induire une irritabilité et une nervosité s’accompagnant d’une certaine agitation. Ainsi, dans un premier temps, il s’agit d’évaluer le sommeil et l’hygiène de vie de ces enfants.
2. Ensuite, il s’agit d’aider l’enfant à « compenser » ses difficultés. Dans le cas du TDA/H, il s’agit de mettre en place avec lui des routines et rituels afin de lui permettre d’éviter les oublis ; il s’agit de l’aider à prendre conscience de son « empan attentionnel » (temps pendant lequel il peut rester concentré) et de lui apprendre à faire de courtes pauses lorsqu’il fait ses devoirs; il s’agit de mettre en place avec lui un environnement favorable à la concentration, sans « distracteurs » (ne pas installer son bureau devant une fenêtre, éviter la collection de posters face au bureau…).
3. Le troisième axe est la prise en compte du fonctionnement de l’enfant dans son mode d’apprentissage. Pour nombre d’enfants avec TDA/H, l’hyperactivité permet de stimuler la veille cérébrale et de compenser le défaut de contrôle attentionnel. Ainsi, certains de ces enfants se concentrent mieux lorsqu’ils sont en mouvement (gigotent sur leur chaise, apprennent en marchant…). Il est important de respecter ce besoin à la maison (lui permettre d’apprendre debout ou en bougeant); bien évidemment, cela n’est pas (toujours) possible en classe car l’élève dérangerait le reste de ses camarades. Mais on peut proposer en classe des coussins (voir sur le site Hoptoys) qui permettent à l’élève de bouger tout en diminuant le bruit induit (les grincements de chaise).
4. Le quatrième axe est la prévention/prise en charge des complications du trouble : angoisses de performance, démotivation et décrochage scolaire secondaire aux difficultés d’apprentissages et aux échecs répétés dans la scolarité ; prise de risques et consommation de produits toxiques à l’adolescence. Pour cela, il est indispensable d’être à l’écoute de l’enfant et de l’amener à verbaliser ses déceptions et souffrances. Il est également crucial de valoriser ses efforts, ces enfants étant bien souvent critiqués, et taxés de « flemmards », de « mauvais élèves », alors qu’il s’agit d’enfants qui ONT fait des efforts mais qui se sont découragés avec le temps.
Ces 4 grands axes de prises en charge sont valables à l’école comme à la maison.
Les conséquences sur la vie de famille : comment aider l’enfant souffrant de TDA/H (et ses parents) ?
Au quotidien :
–Expliquer le trouble et ses conséquences à l’enfant : certains de ses actes ne sont pas l’expression d’une mauvaise volonté mais les conséquences involontaires de son trouble, d’autres enfants sont atteints du même trouble que lui et cela s’atténuera avec l’âge.
– Parler du trouble en famille (frères et soeurs, entourage…)
–Une consigne à la fois
-Entrainer l’enfant sous forme de stop-think-go : d’abord, je m’arrête, je fais un stop, ensuite je réfléchis et seulement après, j’agis. L’idée, selon Jeanne Siaud Facchin, est de mettre en place un nouvel automatisme sous forme de jeu.
-Retour sur l’expérience immédiate à l’aide d’un code (mot ou geste) : les adultes et l’enfant s’entendent sur un signe qui alertera l’enfant lors du comportement inadapté. l’objectif est d’aider l’enfant à prendre conscience de ce qui se passe, au moment où ça se passe, pour lui permettre de réajuster tout de suite.
–Compenser les déficits : aménager l’environnement pour lui donner la possibilité de bouger sans gêner les autres (cela peut être un petit trampoline d’intérieur dans la chambre, des fidgets comme proposés par le site Hoptoys, un punching ball…), mettre en place des routines grâce à des pictos…)
– Encourager les comportements appropriés et les petites choses qui facilitent le quotidien par le renforcement positif
– Un travail d’éducation émotionnelle (voir des idées ici ou ici, des livres qui peuvent servir de supports)
-La pleine conscience : de nombreuses études valident les bénéfices de la pleine conscience sur les capacités attentionnelles et l’agitation motrice. La pratique régulière de la méditation de pleine conscience peut redonner aux enfants TDA/H l’accès à toutes leurs ressources.
-La rééducation de l’attention (dans un cadre professionnel ou non) : cela peut passer par des jeux de différences à retrouver ou tout type de jeu qui nécessite de faire attention aux détails (retrouver un personnage semblable à un autre, trouver la bonne ombre d’un objet parmi plusieurs propositions…)
Concernant le travail scolaire :
– Apprendre à l’enfant à s’organiser et à se ritualiser : préparer son cartable le soir avec une check-liste.
-Organiser un environnement de travail propice à la concentration sans « distracteurs »: le bureau ne doit pas être face à une fenêtre ou à une myriade de photos/posters, la porte de la chambre plutôt fermée lorsqu’il travaille.
-Permettre à l’enfant d’apprendre ses leçons debout ou en marchant si cela l’aide (l’agitation stimule « l’éveil cérébral » et favorise la concentration).
-Surveiller son hygiène de vie :
- plusieurs études montrent l’impact positif d’une activité physique régulière sur la mémoire et la concentration.
- encourager l’enfant à manger des omégas 3, reconnus comme ayant un impact positif sur la gestion de l’impulsivité (on les trouve notamment dans les poissons gras).
- éviter les écrans le soir car ils perturbent l’endormissement (la lumière bleue des écrans est perçue par le cerveau comme la lumière du jour, et empêche la sécrétion de mélatonine qui permet l’endormissement).
-Valoriser ses efforts et ses progrès, encourager souvent (remarquer ce qui est fait correctement)
Et bien d’autres mesures mais voici quelques exemples.
A l’école : des aménagements possibles
-Éviter les distractions : installer l’élève au premier rang, seul ou à côté d’un élève calme.
-Surmonter la difficulté pour rester attentif et écouter : demander à l’élève de répéter l’information importante dictée; utiliser des supports visuels.
-Gérer les oublis : tolérer les oublis, l’aider à s’organiser (instaurer des rituels : à chaque fin de cours, vérifie le contenu de son cartable, élément par élément), lui proposer une « check list ».
-Assouvir le besoin de bouger : lui permettre de ramasser les copies, d’effacer les tableaux …. (double intérêt, valorisant l’élève au passage).
-Lui apprendre à ne garder que le minimum sur son bureau (la trousse reste dans son sac par exemple) pour éviter qu’il ne se disperse ou joue avec ses affaires.
–Fractionner le travail et le découper en périodes courtes
-Donner plus de temps pour les exercices et les contrôles
-Se mettre d’accord sur un système de code : l’enseignant fait un signe pour ramener l’enfant sur ce qu’il doit faire.
-Accepter les outils/objets qui permettent à l’enfant de se gérer en autonomie (fidgets par exemple)
Ces mesures peuvent faire l’objet d’un PAP (projet d’accueil personnalisé), mis en place par le médecin scolaire et l’équipe pédagogique. Un.e accompagnant.e d’élèves en situation de handicap (AESH) peut accompagner les enfants atteints de TDA/H suite au dépôt d’un dossier à la MDPH (maison départementale pour le handicap).
Et bien d’autres mesures mais voici quelques exemples (par exemple, le tiers temps lors des examens officiels) .
>>>Un document complet et gratuit pour les enseignants : Viser le succès, enseigner aux élèves ayant un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité par Alberta Éducation (Canada)
Avec ou sans médicament ? Avec ou sans thérapie ?
En France, les professionnels (neuropsychologues, neuropédiatres, services hospitaliers) peuvent donner des avis éclairés et scientifiques sur la question. Ils pourront également entendre les craintes des parents et expliquer le principe du méthylphénidate, au plus près de l’aide à apporter aux enfants concernés.
Par ailleurs, l’accompagnement psychologique peut s’avérer nécessaire. Le TDA/H entraîne souvent une souffrance de l’enfant et une atteinte de son estime de soi. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) s’avèrent efficaces pour réfléchir avec l’enfant sur les émotions et les pensées qui accompagnent son trouble.
La rééducation cognitive avec un(e) neuropsychologue peut également aider les enfants TDA/H à repérer leurs dysfonctionnements et à mettre en place des stratégies opérationnelles.
Pour bien des gens, le TDA/H n’est pas un trouble, mais un trait, une façon d’être dans le monde. S’il perturbe leur vie, c’est alors qu’il devient un trouble. Mais une fois qu’elles apprennent à gérer ses aspects désordonnés, les personnes atteintes parviennent souvent à tirer plein parti des nombreux talents et dons que recèle leur esprit brillant. – Hallowell et Ratey
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Pour aller plus loin, les éditions Tom Pousse proposent des ouvrages spécialisés dont un dédié aux enfants TDA/H. D’autres pistes y sont évoquées pour l’école et la maison.
100 idées pour mieux gérer les troubles de l’attention
TDAH des enfants et adolescents : l’apport des thérapies cognitives et comportementales (TCC)
Sources :
Mais qu’est-ce qui l’empêche de réussir de Jeanne Siaud-Facchin (2015, Odile Jacob)
Viser le succès, enseigner aux élèves ayant un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité par Alberta Education (2008, Canada)
Interview de Camille Benoit, co-fondatrice de psyadom.com (service de soutien scolaire psychopédagogique à domicile)