Des attitudes qui coupent la communication face à un enfant apeuré

Accueillir les peurs des enfants

Crédit illustration : freepik.com

A quoi sert l’émotion de peur ?

Certaines de nos réactions face aux peurs des enfants peuvent être “bienveillantes” dans le sens où nous voulons leur éviter de souffrir, les aider à surmonter leurs peurs ou encore les rendre plus forts pour affronter la vie. Ainsi, en tant que parents, nous avons parfois tendance à nier, à minimiser, à chercher à apaiser, à réguler une émotion immédiatement, à faire cesser les peurs. Ces interventions peuvent donner l’impression que l’enfant “se calme” mais permettre à l’enfant d’aller au bout de ses peurs dans un cadre bienveillant de sécurité affective est plus utile pour une bonne santé émotionnelle.

Les phrases du type “C’est pas grave”, “C’est pour tout le monde pareil”, “Mais ça va bientôt s’arrêter” ou encore “Il n’y a pas de raison d’avoir peur” sont des réponses obstacles.

Pourtant, la peur est une émotion saine et est un signal qui nous indique qu’il y a potentiellement un danger. La peur est à écouter plutôt qu’à fuir, nier ou à mettre en sourdine. Par exemple, en cette période particulière de déconfinement, c’est la peur qui nous pousse à nous protéger, à protéger les autres, à respecter les mesures de protection, à prendre des nouvelles des personnes proches.

Une connexion émotionnelle invite plutôt à se rapprocher avec empathie de ce que l’enfant vit vraiment et de le lui renvoyer pour créer un pont.

10 réactions qui censurent la peur

Pourtant, ces réactions vont souvent nier ou minimiser la peur plutôt que l’accueillir. Il est possible de lister certaines de ces paroles qui censurent l’émotion de peur :

  • Rassurer d’abord (sans écouter avant)

Dire “Tout va bien/ Ce n’est pas la peine d’avoir peur pour si peu/ Ne t’inquiète pas” nie l’émotion de l’enfant et l’empêche de se confier sur ce qui l’insécurise. Mieux vaut d’abord écouter ce que l’enfant vit dans son corps, ce qu’il ressent et ce qu’il imagine.

  • Minimiser

Des remarques du type “C’est pas grave” ou “Mais non, ce n’est pas si haut” ou encore “C’est pas la petite bête qui va manger la grosse” empêche l’enfant de mettre des mots précis sur ses peurs. Pour l’enfant qui a peur des insectes, la bête est grosse et lui dire qu’elle n’est ni grosse ni dangereuse revient à lui dire que sa boussole interne qui cherche à le protéger via l’émotion de peur est inutile.

  • Nier

Les adultes ont tendance à nier les peurs des enfants pour les protéger de cette émotion désagréable : c’est une pensée magique et dommageable que de penser que, si l’adulte dit que la peur n’existe pas, alors l’enfant ne la ressentira pas. La peur a une fonction de protection contre un danger ou une menace perçus.

Dire “Mais non, ça ne fait pas peur”, “Arrête de pleurer” ou encore “Tu exagères, ça ne fait pas si peur”,”C’est pas si grave” ne permet pas à la peur de faire son travail, à savoir alerter sur un danger et chercher de la protection, se mettre en sécurité.

  • Forcer

Forcer un enfant à faire quelque chose qui lui fait peur peut créer une paniquer et faire le lit d’angoisses, voire de phobie. Combien d’adultes témoignent d’avoir un peur phobique de l’eau après avoir été jeté dans le grand bain de force dans l’enfance ?

Par ailleurs, Florence Millot rappelle que forcer les enfants apeurés ne leur permet pas de sentir en eux la fierté d’avoir dépassé leur peur par eux-mêmes, grâce à leurs ressources personnelles, à leur rythme.

  • Humilier

Humilier avec des phrases du type “On dirait un bébé” ou “Poule mouillée !” crée des blessures narcissiques qui attaquent l’estime de soi et peuvent conduire à des attitudes “je serre les dents et je n’écoute pas ma peur” menant à une prise de risque inconsidérée puisque la boussole interne que représente la peur est déréglée.

  • Comparer

Les comparaisons s’apparentent à des humiliations. Quand un enfant entend “Ta soeur le faisait à ton âge” ou “Mais tous les autres l’ont fait”, il perd confiance en lui.

  • Surprotéger

Surprotéger en empêchant l’enfant de prendre des risques mesurés ou de pratiquer la politique des “petits pas”. Plutôt que dire “tu vas tomber” ou “c’est trop dangereux”, il est possible de :

  • apprendre aux enfants la planifier leurs actions (que vas-tu vérifier avant de t’engager dans cette action ? )
  • les sensibiliser aux autres (faire attention à ne pas blesser les autres, s’assurer qu’ils sont d’accord pour continuer à jouer…)
  • prendre des risques mesurés sans se mettre en danger (“Comment faire pour être sûr(e) de ne pas renverser la bouteille ?”) 
  • permettre un cadre qui consolide la confiance en soi en encourageant la prise de risque tout en assurant du soutien (“Tu peux escalader ce rocher et je reste à côté/ je suis prêt(e) à te tenir la main si tu en as besoin.”)
  • Culpabiliser/ menacer

Menacer (“Si tu continues à pleurer, tu vas être puni/on rentre direct”) ou culpabiliser (“A cause de toi, on est en retard”) provoque du stress et de la honte. Ces attitudes n’apprennent jamais à apprivoiser la peur mais apprennent à ne plus montrer les émotions parce que le risque de se sentir rejeté et moqué sont trop importants.

  • Prédire des catastrophes

Les enfants ont besoin que les adultes qui les entourent leur laissent du temps pour vivre leurs émotions jusqu’au bout, pour évaluer les risques, pour se préparer à affronter la peur aussi longtemps qu’ils en ont besoin et pour déterminer ce qu’ils sont prêts à entreprendre. Dire “Tu n’y arriveras pas” a valeur de prophétie autoréalisatrice et coupe les ailes de l’enfant.

  • Perdre patience/ perdre le contrôle

En tant que parents, nous pouvons nous sentir débordés par la peur des enfants. Cela peut nous amener à crier “Maintenant, ça suffit !/ J’en ai marre de ton cinéma !/ Arrête d’avoir peur, tu es grand maintenant quand même !”.

Des attitudes qui aident les enfants à apprivoiser la peur

Créer de la connexion émotionnelle en priorité…

Accueillir les émotions, c’est commencer par dire OUI à soi et à l’enfant : OUI, c’est vrai que cela peut faire peur. Cet accueil émotionnel est valable pour les enfants comme pour les adultes.

Certaines peurs sont normales et passagères. Et même si nous avons envie de donner notre maximum, de dialoguer, de rassurer nos enfants, il faut pouvoir aussi accepter que nous n’avons pas tous les pouvoirs. […] Notre rôle, et c’est peut-être celui qui demande le plus d’efforts, est d’accueillir notre enfant tel qu’il est. Nous n’avons pas à culpabiliser de ne pas réussir à le protéger de tout, tout simplement parce que même avec la meilleure volonté du monde, cela est impossible. – Florence Millot

Refléter les émotions de l’enfant peut passer par des phrases du type :

  • Je vois que ça te fait peur…
  • Tu y penses souvent, c’est ça ?
  • C’est vrai que cela peut faire peur de ne pas savoir combien de temps cela va durer.
  • C’est normal d’avoir peur dans cette situation. La peur est nécessaire face au danger. C’est la peur qui nous pousse à nous protéger, par exemple à bien penser à nous laver les mains ou à bien rester à l’intérieur.

Dans ce cas-là, l’enfant se sent pleinement compris, entendu et vit une vraie détente dans son coeur comme dans son corps.

Une fois que l’émotion de peur a été accueillie, entendue, reflétée, écoutée, respectée, alors des idées peuvent être mobilisées pour la surmonter (sans forcer ni brusquer les enfants). Entre l’accueil émotionnel et la recherche de solution, certains enfants vont avoir besoin d’être rassurés et les parents peuvent alors transmettre leur calme et leur amour.

… avant de dépasser les peurs à petits pas

Florence Millot propose plusieurs pistes pour aider les enfants à apprivoiser leurs peurs et les dépasser peu à peu :

 

 

 

 

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Source : Aider son enfant à dépasser ses peurs de Florence Millot (éditions Hatier). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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