[Covid et incertitude] Il n’y a aucune raison de culpabiliser à l’idée d’éprouver de la peur ou de la tristesse

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“Sois positif !” : incompatible avec l’empathie

Dire à quelqu’un (ou à soi-même) d’être positif est le contraire de l’intelligence émotionnelle et est incompatible avec l’empathie. Dire à quelqu’un “sois positif !” n’a jamais chassé de manière magique les problèmes ou n’a jamais réussi à transformer en un coup de baguette magique de la peur, de la tristesse ou de la honte en joie.

Pourtant, cette petite phrase est rarement prononcée par malveillance mais plutôt par manque de connaissance des émotions et par manque d’entraînement à la communication empathique. Quand nous disons à une personne en souffrance d’être positive ou de ne pas être si négative ou bien que nous lui suggérons de lire des affirmations positives, nous le faisons pour qu’elle se sente mieux, parce que nous nous sentons démunis, parce que nous sommes mal à l’aise avec la vulnérabilité ou encore parce que nous ne savons juste pas quoi dire d’autre.

Ce dont une personne en souffrance a le plus besoin est d’empathie… et nous sommes très peu nombreux à avoir appris l’empathie comme une langue maternelle. Au contraire, nous avons plutôt appris la répression émotionnelle par des phrases du type “Arrête de pleurer”, “Mais non, ça ne fait pas si peur” ou encore “Il n’y a pas de raison d’être aussi triste”.

La compréhension et l’empathie, besoins humains essentiels

Souvent, une personne qui raconte ses soucis à une autre ne demande ni solution ni conseil mais a simplement besoin de compréhension et d’empathie, c’est-à-dire d’une oreille « amie » ou d’une épaule sur laquelle pleurer. C’est OK d’avoir envie de pleurer (comme de ne pas en avoir envie).

Chaque être humain, homme ou femme, veut être compris et recevoir de l’empathie, attend de la connexion émotionnelle plutôt que des conseils, des jugements ou la minimisation de son problème.

Ainsi, dans toute relation humaine, le rôle de chaque protagoniste n’est pas de résoudre les problèmes de l’autre mais de lui offrir un soutien, un soulagement, de l’empathie en validant ses émotions, en lui donnant le droit d’être triste, en colère ou encore d’avoir peur.

Par ailleurs, c’est le fait de pouvoir vivre pleinement ses émotions qui conduit à la guérison. Être humain, c’est ressentir toute la palette des émotions humaines. Quand nos émotions ne trouvent pas d’accueil, quand elles sont niées avec des phrases incitant à la positivité, elles s’accumulent dans le corps sous forme de tension. A la manière d’une cocotte minute, elles finissent par exploser sous forme de passage à l’acte disproportionné (par exemple, une personne calme sort de ses gonds dans un accès de colère spectaculaire) ou de maladies (physiques et/ou mentales).

Enfin, les personnes qui n’arrivent pas à “positiver” en viennent non seulement à avoir honte de leurs émotions mais également à ne même plus se confier. Or la solitude et la honte font le lit de la dépression.

Il est possible de recourir à une métaphore : quand nous voulons qu’une fleur grandisse, nous ne lui ordonnons pas de pousser, nous l’arrosons, veillons à la luminosité à laquelle elle est exposée, nous enrichissons éventuellement sa terre. De même, quand nous voulons qu’une personne s’épanouisse, nous ne pouvons pas juste lui ordonner de s’épanouir. Nous devons là aussi l’arroser : avec de l’écoute, de l’empathie, de la validation des émotions, du soutien, de la présence.

Les fonctions des émotions

Causes de chaque émotions et besoins à nourrir

Les émotions saines durent quelques minutes (rarement plus de 5 minutes) et sont des réactions physiologiques qui servent la vie humaine en attirant l’attention sur des besoins fondamentaux insatisfaits. Chaque émotion est ressentie en lien avec des causes et des besoins différents :

  • la colère :
    • cause => frustration, injustice, impuissance, violation de l’intégrité (psychique ou physique)
    • besoin => écoute, compréhension, décharge de l’énergie, changement, réparation

 

  • la tristesse :
    • cause => perte, séparation, échec
    • besoin => réconfort, acceptation, expression émotionnelle (ex : pleurer), amour inconditionnel

 

  • la peur :
    • cause => danger, inconnu, insécurité, menace
    • besoin => protection, aide, compréhension, sécurité, réassurance

 

  • la joie :
    • cause => réussite, émerveillement, rencontre, gratitude;
    • besoin => partage, lien, réjouissance

 

  • le dégoût :
    • cause => nocivité, irrespect pour l’intégrité physique (dont viol)
    • besoin => sécurité, respect, accueil des émotions, justice

 

  • la honte :
    • cause => non alignement avec les valeurs, moquerie, jugement
    • besoin => restauration de l’estime de soi et de la valeur personnelle, acceptation, amour inconditionnel.

La peur, émotion parfaitement normale en ces temps troublés

On comprend alors que la peur est parfaitement normale en ces temps troublés. Il n’y a pas de honte à avoir de ressentir de la peur même si nous sommes entourés d’encouragements à la pensée positive, à la pleine conscience ou à la méditation. La peur est une émotion saine et est un signal qui nous indique qu’il y a potentiellement un danger.

La peur est à écouter plutôt qu’à fuir, nier ou à mettre en sourdine. C’est la peur qui nous pousse à nous protéger, à protéger les autres, à respecter les gestes barrières et à se protéger les uns les autres. La peur peut poser problème quand elle se transforme en crises d’angoisse ou en ruminations mentales. Il est alors possible de passer par l’écriture d’un journal émotionnel, d’appeler un proche pour parler de cette émotion de peur, de rester quelques instants en contact avec cette peur pour simplement lui dire qu’elle a le droit d’exister et qu’on l’entend, qu’on va la prendre en considération dans nos actions quotidiennes, peut-être même la remercier d’être un bon guide qui oriente vers des gestes utiles de protection (se laver les mains, porter le masque, respecter les mesures sanitaires…).

La peur n’est pas là pour nous rendre malade mais pour nous rappeler d’être attentifs à nous-même et aux autres. L’accueil de la peur et son expression sous une forme ou une autre (cela peut passer par une forme artistique : danser la peur, dessiner la peur, peindre la peur, chanter la peur…) sont des mesures de santé mentale. Prendre soin de notre santé mentale est primordiale en ces temps faits d’incertitude.

Prendre sur soi et serrer les dents n’est pas recommandé; trouver des personnes à qui parler (même inconnues sur les réseaux sociaux) est en revanche indispensable.

Passer de la pensée positive toxique à l’empathie et à l’acceptation des émotions

Voici quelques exemples de pensée positive toxique et comment reformuler des phrases incitant à la positivité en phrases empreintes d’intelligence émotionnelle :

méfaits pensée positive