Addiction chez les adolescents : facteurs protecteurs et attitudes parentales contre-productives

L’addiction : définition

Dans son livre Alcool, cannabis, jeux vidéo : prévenir et accompagner son adolescent, Olivier Phan définit l’addiction comme une contrainte qui s’impose à la personne. Un adolescent dépendant ou addict à une substance perd sa capacité à arrêter de consommer quand il veut et quand il peut. L’arrêt de la consommation n’est plus seulement une question de volonté, mais aussi de possibilité. Pour Olivier Phan, psychiatre et docteur en neuroscience, l’élément clé du concept d’addiction est la perte de contrôle, et donc la perte de liberté vis-à-vis du produit ou du comportement. Cette perte de contrôle se caractérise par l’impossibilité de résister à l’envie de consommer et entraîne des conséquences négatives associées à l’usage (ex : désocialisation, chute des notes scolaires, vol, mise en danger…). Par exemple, l’un des risques des drogues comme l’alcool ou le cannabis, c’est de ne plus percevoir le danger car elles annihilent la peur comme signal d’alerte aidant la personne à se protéger.

Toutefois, il est à noter que toutes les substances n’entraînent pas une addiction. Pour différencier les addictions aux substances psychoactives et les addictions comportementales, Olivier Phan parle d’addiction pour l’alcool et le cannabis, et d’usage problématique pour les jeux vidéo.

De l’usage à l’addiction

Olivier Phan décrit trois types d’usage dont les deux derniers correspondent à une conduite addictive :

1. L’usage simple correspond au fait d’avoir recours à une substance ou à un comportement sans dommages à court, moyen et long termes.
2. L’usage nocif ou abusif correspond à un usage répété, susceptible d’engendrer des conséquences négatives pour l’individu dans les domaines médical, psychique ou social.
3. La dépendance fait plutôt référence à la relation que la personne entretient avec le produit. Le produit en question devient le centre de l’existence, et la personne perd le contrôle de son usage au point de continuer à consommer malgré les conséquences négatives (sur lui et sur les autres).

Olivier Phan avertit que, plus l’usage sera précoce, plus les risques pour l’avenir seront importants.

Plus le sujet consomme précocement, plus il prend le risque de devenir dépendant à l’âge adulte ; les consommations (excessives) mettent à mal le développement du cerveau. – Olivier Phan

Quand on est parent d’adolescents

L’influence des attitudes parentales

Olivier Phan rappelle que les attitudes parentales ont une incidence sur le devenir de l’adolescent, notamment face aux conduites addictives. Il écrit que, si la place et l’influence des pairs semblent rivaliser par périodes avec celles des parents, elles ne les égalent jamais.

Le maintien d’un lien parents/ enfants de qualité est un facteur protecteur pour éviter aux adolescents de tomber dans les pièges des consommations et/ou des comportements problématiques.

Un adolescent a besoin de sentir qu’il peut parler de conduites potentiellement dangereuses sans générer de la panique et/ou de la colère chez ses parents. Il a également besoin de sentir que ses parents lui font confiance et l’autorisent à faire à moindre risque ce qu’il pourrait faire dans l’excès.

Que les liens parents-enfant soient de qualité est la condition sine qua non pour que la transmission des règles, des connaissances et des compétences puisse se faire. Sans attaches correctes, rien n’est possible. – Olivier Phan

Olivier Phan utilise la métaphore du tuyau. Il invite les parents d’adolescents à se représenter la transmission parents-enfant comme un tuyau reliant une personne à un autre. Le lien serait le tuyau, et l’eau les informations à transmettre. Si le tuyau est coudé, même le meilleur message du monde ne pourra passer. Comme l’efficacité de la communication dépend de la qualité de la relation, mieux vaut mettre en œuvre ce qui favorise les échanges familiaux plutôt que vouloir faire passer un message coûte que coûte, que punir ou faire la leçon de morale.

Ainsi, quand les parents sont débordés par leurs émotions face au comportement problématique de l’adolescent, il est utile qu’ils puissent reconnaître ces débordements émotionnels, à défaut de les gérer. Demander de l’aide et faire appel à un professionnel peut s’avérer nécessaire pour aborder la situation d’un point de vue systémique (relations dans le système famille).

Attitudes parentales productives et contre-productives

L’accompagnement d’un adolescent dans son développement ne peut se faire sans une bonne relation avec lui. Olivier Phan propose des attitudes parentales productives en s’appuyant sur ce principe et, notamment, de faire le contraire de ce qu’on fait d’habitude.

Il est inefficace d’être sur le dos de l’adolescent en permanence : il sera plus utile de s’intéresser à ce qu’il fait (par exemple, demander à l’enfant d’expliquer les règles du jeu vidéo, assister à une partie afin de se rendre compte du sens que l’ado met dans le jeu ou encore jouer ensemble). Il est également possible d, passer du temps de qualité informel à discuter de tout et rien sans enjeu de bonnes notes ou de pression pour contrôler le comportement.

En parallèle, répéter en boucle « c’est dangereux pour ta santé », « c’est illégal » ou encore « tu ruines ta scolarité » n’ont pas l’effet escompté (l’adolescent sait pertinemment que c’est le cas et n’est pas dans une situation de déficit d’information). Olivier Phan regrette que l’inquiétude et l’hypervigilance parentale génèrent une réponse infantile en miroir : “plus le parent est inquiet, plus l’adolescent perçoit cette inquiétude et plus il s’enferme dans ses conduites problématiques”.

Estime de soi et capacité de relations aux autres, facteurs protecteurs

Pour Olivier Phan, non seulement les parents devront sans cesse maintenir un lien de qualité avec leur adolescent, mais ils peuvent aussi contribuer à l’acquisition de ses compétences psychosociale qui font office de facteurs protecteurs contre la dépendance.

L’acquisition des compétences psychosociales a été identifiée scientifiquement comme un facteur majeur de protection contre l’apparition des conduites addictives et des troubles du comportement de l’adolescent. – Olivier Phan

Les compétences psychosociales telles que l’esprit critique, la régulation des émotions et la capacité à mener un raisonnement logique en inhibant l’impulsivité sont importantes dès l’enfance. Même si l’école participe à l’apprentissage de ces compétences, les parents conservent un rôle majeur.

Phan insiste sur deux pôles distincts pour se réaliser, s’insérer dans la société et atteindre les objectifs que l’on s’est soi-même fixés :

• l’estime de soi (lire : Nous, parents, servons de modèle pour la construction de l’estime de soi des enfants (prendre les enfants au sérieux : la base !) et Ce qui empêche les enfants de développer une estime de soi saine et ce qui nuit à la relation que nous avons avec eux (Jesper Juul));

 

• la capacité de relation aux autres (lire : Éducation émotionnelle : apprendre aux enfants à faire preuve d’empathie et comprendre l’impact de leurs actes sur les autres et Affiche pour les enfants : apprendre à exprimer les émotions dans les conflits (plutôt qu’accuser en cas de dispute)).

 

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Source : Alcool, cannabis, jeux vidéo : prévenir et accompagner son adolescent de Olivier Phan (éditions Solar). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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