« Mon ado n’écoute pas mes conseils. » Parfois, nos conseils de parents sont le problème. Comment apaiser la relation ?
“Le problème, c’est la solution”
L’École de Palo Alto estime que les tentatives de régulation (c’est-à-dire les solutions testées jusqu’à présent) ont maintenu, voire exacerbé, les problèmes relationnels. Paul Watzlawick, psychologue membre fondateur de l’École de Palo Alto, l’exprime ainsi : “Le problème, c’est la solution”. L’objectif de la thérapie brève est de mettre un terme à ces tentatives inefficaces à travers un “virage à 180°“.
Dans son livre Votre enfant face aux autres – L’aider dans les relations difficiles, Emmanuelle Piquet s’appuie sur cette approche pour les parents confrontés à des problématiques relationnelles familiales. Elle écrit qu’il est plus facile de faire l’inverse de quelque chose que d’arrêter ce quelque chose sans rien faire du tout à la place.
Le virage à 180° n’a donc au fond qu’une seule visée : celle d’annuler l’ensemble des tentatives jusque-là mises en oeuvre sans effet ou avec un effet aggravant. – Emmanuelle Piquet
Prendre en compte nos émotions de parents
Pour y parvenir, il est nécessaire que les parents identifient et verbalisent leur peur, leur colère et leur tristesse à l’idée de faire l’inverse de ce qu’ils ont fait jusqu’à présent. S’ils ont agi comme ils l’ont fait jusque-là, malgré l’inefficacité constatée, c’est qu’ils pensaient bien faire, qu’ils avaient des raisons légitimes de leur point de vue et qu’ils l’ont fait de bonne foi, visant le meilleur pour leur enfant. Mais il est également indispensable que les parents reconnaissent les risques liés au maintien de la position en cours et inopérante. Que se passera-t-il si on continue comme ça ?
Watzlawick nous appelle à la méfiance envers la vision binaire du monde : j’ai raison/ les autres ont tort. Cette vision du monde conduit les personnes qui l’adoptent à penser que leur vision du monde est la seule juste (et vraie) et qu’elles ont la mission d’en convaincre les autres pour les rendre sages. Cela arrive souvent quand nous sommes parents d’adolescents. Nous estimons nos ados au mieux ignorants, au pire obtus et nous nous pensons “contraints” de passer à une action coercitive où nous nous donnons le droit de leur faire du mal pour leur – supposé – bien. Cela peut passer par des menaces, des ultimatums, des privations, des leçons de morale ou encore de l’assignation à résidence. Or ces solutions dégradent la qualité du lien, ce qui réduit notre influence de parent. En outre, elles échouent à convaincre les adolescents qui risquent de se venger, de se rebeller, de faire semblant d’obéir et de faire des coups “en douce”, de faire preuve de mauvaise foi ou encore de se fermer dans le mutisme, dans la bouderie, dans l’hostilité plus ou moins larvée.
Une alternative aux solutions qui conduisent à ce que chacun campe sur ses positions
Débloquer des relations difficiles entre parent et adolescent
Emmanuelle Piquet propose une alternative aux solutions qui conduisent à ce que chacun campe sur ses positions et à ce que la situation s’envenime. Elle prend l’exemple du choix du lycée après la troisième. Un parent veut que son enfant intègre le lycée A parce que c’est un lycée qui propose des options rares, qui a un taux de réussite au bac élevé et qui abrite une classe prépa cotée. Les arguments sont imparables et le parent peut avancer des arguments solides : intégrer ce lycée, c’est mettre toutes les chances de son côté et s’assurer des études supérieures brillantes. Le problème est que l’adolescent a le projet d’intégrer le lycée B. Lui aussi a de très bons arguments : il veut rester avec ses amis, il ne veut d’aucune option proposée dans le lycée A et son projet professionnel ne passe pas par une prépa. Le parent insiste en disant que l’ado le remerciera plus tard car lui, parent, sait mieux comment préparer une orientation professionnelle. L’ado répond qu’il fera tout pour être viré si le parent l’inscrit de force dans le lycée A. La situation est bloquée car l’adolescent passera réellement à l’action et le parent ne peut ni le convaincre ni le forcer.
Emmanuelle Piquet rappelle que c’est bien l’adolescent qui va décider quoi faire de sa scolarité, et pas le parent. Cela peut représenter une blessure narcissique pour le parent ou activer un regret, voire de la colère, car la famille a investi du temps et de l’argent dans la préparation d’un cursus scolaire brillant (par exemple, en payant pour un collège privé ou pour des cours de soutien scolaire). Par ailleurs, laisser l’adolescent choisir son lycée, c’est le responsabiliser : “il fera des apprentissages issus de ses propres décisions, toujours infiniment plus structurants que celles prises à sa place, ou pire, à son corps défendant”, écrit Emmanuelle Piquet.
Prendre en compte le dilemme et choisir ce qui est le moins douloureux
Le parent se retrouve devant un dilemme : soit l’ado intègre bel et bien le lycée A, mais la relation restera hostile et rien ne garantit la réussite scolaire; soit l’ado va dans le le lycée B, mais le parent fait le deuil de ses projets et peut en vouloir à son enfant après tout ce qu’il a fait pour lui. Le parent ne peut pas avoir en même temps l’apaisement de la relation et le choix volontaire en faveur du lycée A de la part de l’adolescent. Le parent peut décider de persister en assumant les risques de cette décision, car c’est ce qu’il estime le mieux.
Si le parent décide que le moins douloureux pour lui-même est l’apaisement de la relation, il peut renouveler son discours pour faire preuve d’empathie envers l’adolescent, tout en rappelant ses valeurs et ses objectifs de parent.
“Soit tu vas dans le lycée A et tu auras un meilleur dossier que dans le lycée B pour tes études supérieures, ce qui compte à mes yeux parce que je veux le meilleur pour toi. En même temps, je vois bien que tu seras malheureux de ne plus voir tes copains et que ça n’a pas de sens pour toi. Et ce ne sont pas de bonnes conditions pour travailler et étudier.
Soit tu vas dans le lycée B et tu risques de te fermer des portes si tu veux intégrer certaines filières plus tard. Je t’avoue que ça m’inquiète et c’est pour ça que j’insiste tant pour le lycée A. En même temps, je comprends que c’est important pour toi de rester avec tes copains.
Voilà, maintenant, tu sais que je serais rassuré si tu choisis le lycée A. C’est vrai que c’est ma préférence, mais je respecterai ton choix si tu optes pour l’autre lycée. J’ai compris que je dois te laisser choisir parce que tu as des arguments pour toi et que tu es capable de prendre une décision sensée.”
Cela peut passer par une profonde déception du parent, à travailler avant de pouvoir tenir ce type de discours en toute honnêteté. L’adolescent, désormais libre de son choix, va très probablement choisir le lycée B. Mais il se pourrait aussi qu’il choisisse le lycée A.
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Source : Votre enfant face aux autres – L’aider dans les relations difficiles de Emmanuelle Piquet (éditions Les Arènes). Disponible en médiathèque, en librairie ou en ecommerce.
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